L'histoire récente de l'archéologie réunionnaise
Sur l’île de La Réunion, l’archéologie est une discipline jeune, qui a commencé à s’organiser depuis les années 2000 seulement.
À peuplement récent…
Si l'île apparaît sur les cartes arabes à la fin du Moyen Âge, les premières explorations connues à ce jour sont celles des Portugais au XVIe siècle. Elle semble alors totalement inhabitée. La colonisation par la France débute officiellement en 1663, avec l’envoi de deux colons accompagnés de dix esclaves malgaches. Ce contingent constitue l’origine du peuplement de l'île, appelée « Bourbon » jusqu'à la Révolution.
… archéologie récente
Son histoire vieille de seulement 350 ans explique sans doute que La Réunion n'ait intéressé que tardivement les archéologues, laissant longtemps le terrain aux chasseurs de trésor. L’archéologie se développe dans l’île à l'aube des années 2000 grâce aux travaux de deux associations : la Confrérie des gens de la mer pour le domaine sous-marin et le Groupe de recherches pour l'histoire et l'archéologie de la terre réunionnaise, pour le terrestre.
Du battant des lames au sommet des montagnes

© Edouard Jacquot
En 2007, le passage du cyclone Gamède met au jour des ossements humains sur le littoral de Saint-Paul, ce qui incite l'État à se doter, en 2010, d'un service d'archéologie dont la mission consiste, notamment, à programmer les recherches. En 2011, un sondage au Cimetière Marin de Saint-Paul révèle des sépultures d'esclaves, la présence de mutilations dentaires tend à prouver l'origine africaine des défunts.
En 2011-2012, une opération concernant la problématique du marronnage, c'est-à-dire la fuite des esclaves à l'intérieur de l'île, démontre définitivement l'intérêt de l'archéologie pour la connaissance du passé réunionnais. Elle consiste en une expédition pionnière dans la « vallée secrète », à Cilaos, un site de haute montagne quasiment inaccessible (cf. chapitre suivant) ; elle permet, pour la première fois, de fouiller un refuge de marrons et d'étudier leur mode de survie. Pour guider les prospections et modéliser le peuplement des Hauts, une cartographie lidar est réalisée sur la planèze du Maïdo et sur le cirque de Mafate.
La recherche programmée
Fouille du Vieux Saint-Paul - Ruines d'un ancien village à Saint-Paul, La Réunion. Opération Xavier Peixoto, Inrap.
© Abel Vaccaro, Marine Hervé, Nawar production
Les travaux autour des bâtiments coloniaux, civils, militaires ou hospitaliers, parfois protégés au titre des monuments historiques, s’accompagnent souvent de sondages archéologiques. Ce fut, par exemple, le cas en 2012 sur le site du Lazaret 2 de la Grande Chaloupe, où des objets personnels apportés par les migrants, parmi lesquels beaucoup de travailleurs engagés, ont été retrouvés. En 2015, des chantiers-écoles récurrents ont été mis en place sur le site industriel de La Roseraye, à Sainte-Rose, et sur les ruines du Vieux Saint-Paul, au Tour de Roches, candidat à l'étude des premiers établissements humains sur l’île.
L’archéologie préventive
Si quelques sauvetages ont été menés, par le passé, sur des sites menacés par des travaux ou par l'érosion, depuis 2011 l'Inrap réalise les opérations de diagnostics archéologiques. Une première intervention a ainsi anticipé les travaux de la route du Littoral, en milieu sous-marin puis terrestre. En 2012, les archéologues ont ainsi exploré l'ancienne batterie côtière de La Possession. D'autres diagnostics ont permis d'explorer les abords de la Grande Maison de Savanna et les ruines de la sucrerie de Grand Fond et, en contexte urbain, le site de l'ancienne prison Juliette Dodu, à Saint-Denis en 2013 ainsi que la Maison de Canonville, ancien dépôt des rhums de Saint-Pierre en 2015. Les prochains diagnostics auront lieu en milieu rural, sur des projets de carrière.
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Sur le littoral de Saint-Paul, découvert par un cyclone en 2007, un cimetière d'esclaves a été fouillé pour la première fois à La Réunion en 2011. Les inhumations étaient proches du rite catholique, mais certains individus portaient des mutilations dentaires, pratique culturelle d'origine africaine.
Fouille du Cimetière Marin - Cimetière d'esclaves de Saint-Paul, La Réunion. Opération Bruno BIZOT / DRAC PACA – 2011.
© Philippe Nanpon, Le Quotidien -
Installée sur le même site pendant deux cent cinquante ans, l'ancienne maison d'arrêt de Saint-Denis de La Réunion comportait jusqu'à la moitié du XIXe siècle un bloc central au cœur de l'îlot, dont les vestiges ont été retrouvés sous les cours actuelles, parfois recouvertes de 80 cm de béton armé.
Fouille de la prison Juliette Dodu à Saint-Denis, La Réunion. Opération Thomas Romon, Inrap, 2013.
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Réalisée en 2014 dans cadre d'un projet de construction de la société des HLM de La Réunion, il s'agit de la première fouille archéologique préventive à La Réunion. Cette opération a mis au jour les ruines d'une petite usine sucrière du XIXe siècle présentant plusieurs phases d'aménagement.
Fouille de Grand Fond – Ruines d'une ancienne sucrerie à Saint-Paul, La Réunion. Opération Christine Etrich, Inrap, 2014.
© Sébastien Turay, Sur une île