Les Trois Mares : Danone - Vitapôle et doublement de la RD 128 (Île-de-France, Essonne, Palaiseau)

Sous-titre

Rapport de fouille 2020

Numéro DAP
45
Image d'entête
DAP 45 | Palaiseau « Les Trois Mares » (Essonne)
Média
DAP 45 | Palaiseau « Les Trois Mares » (Essonne)
date expertise
septembre 2021
date achevement
novembre 2020
Paragraphes

Suite à un diagnostic réalisé en 2000 (S. Serre, 2000), au lieudit « Les Trois Mares » à Palaiseau (Essonne), une fouille préventive a été engagée en 2001 sur la moitié de la surface explorée à cette occasion, soit 2 ha. Le site est localisé sur le plateau de Saclay, à l'est de la commune du même nom, à 350 m au sud de la route départementale n°36 et borde la route départementale n°128, face à la limite occidentale du domaine de l’École Polytechnique, à 25 km au sud de Paris.

Les phases d’occupation

Si de nombreux indices attestent d’une occupation de ce secteur dès le Néolithique, les vestiges fouillés sont datés au plus tôt de la seconde moitié du IIe siècle avant J.-C.
Cette occupation protohistorique se développe très nettement à partir du début du Ier siècle avant notre ère jusqu'à la période augustéenne sous la forme d'au moins un enclos fossoyé où se regroupent bâtiments d'habitation et greniers en bois et torchis. Il est intéressant de remarquer que les états les plus récents reprennent la disposition des états antérieurs (il en est de même d’ailleurs pour la phase gallo-romaine). On note aussi la résilience et la permanence de l’orientation générale des fossés, qui reste relativement identique tout au long de la longue vie du site. Ce réseau, mis en place très tôt, influence donc largement l’organisation du paysage aux phases suivantes. Les aménagements repérés sont en fait intégrés dans un parcellaire plus large que la zone d’intervention, révélé lors des fouilles postérieures de 2013 et 2014 au nord et à l’est du site (C. Giorgi, 2016 et 2018) (fig. 1). Un véritable complexe a été mis au jour dont l’enclos présenté ici constitue le pôle principal.

Fig. 1 : Plan d’ensemble des fouilles successives de Palaiseau « Les Trois Mares ». Cliché : C. Giorgi et R. Touquet, Inrap.

Pour la période gallo-romaine, l’espace est recomposé par un nouveau réseau fossoyé qui s’inscrit dans l’organisation des modules antérieurs. Bâtiments en meulière ou encore en bois pour certains, prennent la place des limites précédentes au plus tôt dès le milieu du Ier siècle ap. J.-C. Plusieurs séquences de construction peuvent être partiellement restituées jusqu'au IIIe siècle ap. J.-C. Il s’agit des dépendances d'une villa, pars rustica, dont la pars urbana se trouve plus à l’est et a été fouillée en 2014 (C. Giorgi, 2017).

Le site est encore occupé à la fin du IVe siècle et très certainement au début du Ve siècle. Aucune interruption, il convient de le signaler, n’a été discernée.

On peut donc retenir les phases principales suivantes :

  • À La Tène D1, un premier fossé orienté est-ouest, matérialise l’axe principal de l’occupation. Au moins deux bâtiments y sont associés.
  • Au début du Ier siècle avant J.-C., un enclos fossoyé quadrangulaire est implanté, à l'intérieur duquel sont présents des bâtiments d'habitation, des granges et des greniers construits en bois et torchis. Son occupation se prolonge jusqu’à la période augustéenne qui voit le comblement, sur un laps de temps assez court, des fossés. Les principaux bâtiments subsistent et sont même pour certains réaménagés ou reconstruits (la présence de nombreux clous dans les comblements liés directement à l’occupation de l’enclos en témoigne). Plusieurs fosses d’extraction de limon utilisées ensuite comme dépotoirs domestiques attestent encore de ces transformations au moins sous le règne de Tibère.
  • Dès le IIe siècle après J.-C. (peut-être dès la fin du Ier siècle ?), des bâtiments en pierre remplacent progressivement ceux en bois, jusqu'au IIIe siècle après J.-C.
  • Quelques fosses, des comblements sommitaux de fossés, des palissades, des sols piégés par des effondrements de murs ou par des tassements, ainsi qu'un four domestique installé sur les bords d'une mare, indiquent que le site est encore occupé à la fin du IVe siècle et au début du Ve siècle après J.-C.

Les habitants du plateau de Saclay au fils des siècles

L’image livrée par ce site reste encore pour certains aspects, imprécise mais illustre cependant un certain confort matériel des populations de ce secteur francilien. À la fin de l'âge du Fer, elles semblent déjà intégrées à un vaste réseau d'échanges venant de Méditerranée (nombreuses amphores dès la fin du IIe siècle en particulier), disposant d'un vaisselier diversifié de qualité et d'un important outillage métallique. De plus, la très bonne conservation des restes osseux animaux permet aussi de bien cerner l'évolution des pratiques alimentaires durant la fin de La Tène dans cette partie de l’Île-de-France, aux confins des cités carnutes et parisii.

Outre la continuité de l’occupation du site, de La Tène C2 à l’Antiquité tardive, ses éléments constitutifs montrent aussi une relative permanence. Les fossés, par exemple, qui structurent l’espace, conservent une constance dans les tracés et les orientations. Il en est de même pour les bâtiments, dont certains sont plusieurs fois rebâtis au même emplacement. À cet égard, le plus remarquable est le bâtiment principal, situé à l’ouest, maintenu dans sa position et fonction résidentielle durant au moins un siècle et demi voire plus.

Quant aux différentes fonctions attestées, on mentionnera surtout les activités domestiques, ce qui semble logique :

  • Le tissage représente une activité sans doute non négligeable si l’on considère les nombreux pesons découverts à proximité de chaque bâtiment d’habitation (Blin et coll., 2003).
  • Le filage et le travail des textiles ou des peaux sont également attestés par les fusaïoles et les alênes mises au jour (fig. 2 et 3).
  • La présence récurrente de nombreuses scories dans les structures de La Tène finale indique l’existence probable d’un atelier de travail du métal voire de réparation d’objets. Mais aucune trace de forge ou d’autres structures (réduction, affinage…) n’a été mise au jour dans l’emprise fouillée. Il faut signaler toutefois la présence d’un lingot de fer, sous forme de barre, dont on peut poser la question de son éventuelle fabrication sur place (ce qui sera confirmé par les fouilles postérieures de 2013 et 2014).
  • L’élevage et l’agriculture sont suggérés par la présence de quelques objets particuliers, par exemple les forces, les serpes, et par extension les faisselles, mais leur faible nombre laisserait plutôt penser qu’il s’agit d’outils et de vaisselle nécessaires au quotidien.

Fig. 2 : Poinçon en os. Cliché : Laurent Petit, Inrap.

Fig. 3 : Porte aiguille en alliage cuivreux. Cliché : Laurent Petit, Inrap.

La plupart des objets de valeur, comme les éléments de parure (fig. 4), l’armement et les monnaies, découverts autour de ces bâtiments, témoigne du niveau de vie des occupants durant La Tène. Dans la classification actuelle des sites ruraux, les sites les plus aisés sont caractérisés comme « aristocratiques » par opposition aux sites ruraux plus modestes appartenant à de « simples fermiers » (Malrain, 2002, p.139). Le site de Palaiseau apparaît s’inscrire entre ces deux extrêmes.

Fig. 4 : Perle en verre (Ier siècle avant J.-C.). Cliché : Laurent Petit, Inrap.

Le paysage agricole

À partir des données carpologiques, on note une remarquable continuité des espèces cultivées, tout au long de cette longue occupation, avec la présence pour les céréales d’orge vêtue (Hordeum vulgare vulgare) et surtout de blé nu (Triticum aestivum/durum/turgidum).

En ce qui concerne les légumineuses, leur présence est sporadique. En revanche, pour les phases antiques, de nouvelles espèces cultivées apparaissent, certaines connues anciennement tels que le lin (Linum usitatissimum), d’autres témoignant de la romanisation : le noyer royal (Juglans regia), la vigne (Vitis vinifera) et la coriandre (Coriandrum sativum) présents dès l’époque tibérienne.

On relèvera l’absence totale des blés vêtus sur le site, et ce dès l’époque laténienne. C’est une situation exceptionnelle car en Île-de-France ces blés sont généralement fortement représentés tout au long de l’âge du Fer et ne sont remplacés par les blés nus qu’après la conquête romaine. Le choix exclusif de cette espèce à Palaiseau dès le Ier siècle av. J.-C. représente donc un trait original et signale à nouveau des relations précoces avec les régions méridionales, ce que tend à confirmer par ailleurs la présence d’amphores vinaires italiques en grand nombre dès La Tène C2 (Blin et coll., 2001). La culture de la coriandre au Ier siècle, épice considérée au Haut-Empire comme un produit rare et coûteux, confirme aussi l’existence à la période romaine de contacts avec cet espace méditerranéen. Les données des études archéozoologiques et céramiques apportent une pierre de plus à l’édifice : on note pour l’époque laténienne l’arrivée précoce de grands animaux.

L’ensemble de ces éléments conduit à formuler l’hypothèse que Palaiseau était peut-être un habitat de rang élevé, qui entretenait des relations suivies avec les grands circuits commerciaux provenant du sud, dès le second âge du Fer. Par comparaison avec d’autres sites ruraux ou des sites dits « aristocratiques », la fouille du site de Palaiseau constitue donc un jalon pour leur compréhension.

Sommaire

Volume 1 : texte et inventaires techniques

I. Données administratives, techniques et scientifiques

II. Résultats

1. Introduction

1.1. Le Plateau de Saclay
1.2. L’opération archéologique
1.3. Méthodologies de fouille et d’étude
1.4. Présentation générale des structures
1.5. Répartition géographique des mobiliers : principes graphiques

2. Présentation du site par phase chronologique

2.1. Phasage chronologique du site
2.2. La phase I : La Tène C2-D1 (Milieu et fin du IIe siècle avant n. è.)
2.3. La phase II : La Tène D1 (-150/-80 avant n. è.)
2.4. La phase III : La Tène D2 - période gallo-romaine précoce (-80/-30
avant n. è.)
2.5. La phase IV : Le Ier siècle ap. n. è.
2.6. Les phases V et VI : IIe et IIIe siècles ap. n. è. (phase V) et continuité
au début de l’Antiquité tardive (phase VI)
2.7. La phase VII : un bâtiment du haut-Moyen-Âge ?
2.8. La phase VIII : Un chemin moderne et ses abords

3. Présentation du mobilier et analyse spatiale

3.1. La céramique
3.2. La faune
3.3. L’Instrumentum

4. Conclusion et éléments de synthèse

Bibliographie

Liste des illustrations

Liste des tableaux

IV. Inventaires techniques


Volume 2 : études spécialisées

Études spécialisées

1. Les céramiques

1.1. Présentation générale
1.2. La céramique des ensembles 1 à 12 (de La Tène C2/D1 au milieu du Ier s. ap. n. è.)
1.3. La céramique des autres contextes
1.4. Conclusion
Annexe 1 : Inventaire de la céramique de La Tène C2/La Tène D1 jusqu’à la fin du IVe ou le début du Ve siècle
Annexe 2 : Planche de synthèse des céramique.
Bibliographie
Table des illustrations
Liste des tableaux

2. Les amphores

2.1. L’origine des amphores et des produits
2.2. La distribution des produits dans le temps
2.3. Les amphores Dressel 1 et leur signification
Bibliographie
Table des illustrations
Liste des tableaux

3. La faune

3.1. Introduction
3.2. Les animaux
3.3. Conclusion
Bibliographie
Table des illustrations
Liste des tableaux

4. Les monnaies gauloises

5. Les autres monnaies

5.1. Période antique
5.2. Période moderne
5.3. Période contemporaine
5.4. Période indéterminée

6. Le mobilier métallique

6.1. Introduction
6.2. La chronologie
Annexe 1 : autres mobiliers métalliques
Inventaire du mobilier métallique
Table des Illustrations

7. Rapport d’étude carpologique

7.1. Présentation du site
7.2. Échantillonnage
7.3. Traitement des échantillons
7.4. Présentation des données
7.5. État de conservation du matériel et implications sur le spectre taxinomique
7.6. Les espèces alimentaires
7.7. Les produits de « luxe »
7.8. Les espèces sauvages
7.9. Conclusion
Inventaire des taxons
Bibliographie

8. Analyse pollinique

Préambule
8.1. Description des données
8.2. Interprétation des données
8.3. Conclusion
Bibliographie
Table des Illustrations

9. Les restes anthracologiques

9.1. Technique et principes d’identification
9.2. Résultats qualitatifs
Liste des tableaux

10. Terres crues architecturales

Introduction
10.1. Le mobilier
10.2. Nettoyage. Traitement et comptage des fragments
10.3. 10.3 Les matériaux
10.4. Fabrication des torchis
10.5. Conclusion

11. Fils et pesons : éléments pour une approche des techniques de
tissage en Gaule romaine

11.1. Les contextes de découverte
11.2. Description des pesons
11.3. Mode d’utilisation
11.4. Expérimentation
11.5. L’activité textile à l’âge du Fer et à l’époque gallo-romaine dans le Nord de la Gaule
11.6. Conclusion générale
Bibliographie
Table des Illustrations
Liste des tableaux

12. Un moule à alvéole (lingotière ?) (US 21008 ) ; vestige d’un atelier
polymétallique ?

Bibliographie
Table des Illustrations

13. Mobilier en os et fusaïole

14. Métallurgie

Inventaire général
Inventaire des culots
Inventaire des culots et autres résidus par US

Bibliographie / Ressources

Rapport de fouille

BLIN, Olivier (dir.). (2020). Palaiseau (Essonne), "Les Trois Mares" : (Danone - Vitapôle et doublement de la RD 128) (Rapport de fouille, 2 vol.). Pantin : Inrap Centre-Île-de-France. <https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0161191>.

Autres rapports d'opération

GIORGI, Cyril (dir.). (2016). Palaiseau (Essonne), Lieu-dit "Les Trois Mares" : avenue de la Vauve (Rapport de fouille, 2 vol.). Pantin : Inrap Centre-Île-de-France. <https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0143900>.

GIORGI, Cyril (dir.). (2018). Palaiseau (Essonne), ZAC du quartier de l'école Polytechnique : (tranche 1) : Bassin de rétention n°2 : à l'est de l'avenue de la Vauve (RD 128), et les parcelles N 2.1 et N 2.2 (Rapport de fouille, 3 vol.). Pantin :  Inrap Centre-Île-de-France. <https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0153034>.

SERRE, Sylvie. (2000). Palaiseau (Essonne), "Les Trois Mares / Vitapole Danone" (Rapport de diagnostic, 1 vol.). Paris : Afan Centre-Île-de-France, Saint-Denis : SRA Île-de-France. <https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0112036>.

Publications

BLIN, Olivier, LAUBENHEIMER, Fanett & PISSOT, Véronique. (2001). Les amphores de Palaiseau "Les Trois Mares". Dans Les denrées en Gaule romaine, production, consommation, échanges : Table ronde, 15-16 nov. 2001, Nanterre (p. 38-42). Nanterre : Maison de l'Archéologie et de l'Ethnologie.

BLIN, Olivier, MÉDARD, Fabienne & PUYBARET, Marie-Pierre. (2003). Fils et pesons : éléments pour une approche des techniques de tissage en Gaule romaine du Nord. Dans S. Lepetz et V. Matterne (dir.), Cultivateurs, éleveurs et artisans dans les campagnes de Gaule romaine : Actes du colloque AGER, Compiègne, juin 2002 (p. 157-176). Revue archéologique de Picardie, 1-2. DOI : 10.3406/pica.2003.2363.

MALRAIN, François, MATTERNE, Véronique & MÉNIEL, Patrice. (2002). Les paysans gaulois (IIIe siècle - 52 av. J. C.). Paris : Éditions Errance, Inrap. 236 p.

Citations

BLIN, Olivier (dir.), ALLENET DE RIBEMONT, Gisèle, BECQ, Gilles, BÉNARD, Claire, CARRIÈRE-DESBOIS, Catherine, COUBRAY, Sylvie, DHÉNIN, Henri, GINOUX, Nathalie, GIORGI, Cyril, LAUBENHEIMER, Fanette, LE CALVÉ, Gaëlle, LEROYER, Chantal, MATTERNE, Véronique, MÉDARD, Fabienne, MÉNIEL, Patrice, MORET-AUGER, Florence & PISSOT, Véronique. (2024). Les Trois Mares : Danone - Vitapôle et doublement de la RD 128 (Île-de-France, Essonne, Palaiseau) : Rapport de fouille 2020 (2 vol.). Paris : Inrap. (Documents d’archéologie préventive ; 45). DOI : 10.34692/g7jp-fm50.

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Les Trois Mares à Palaiseau (Essonne)
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La Grande Maçonnais : forge antique du IIe siècle, habitat du Xe-XIe siècle (Bretagne, Ille-et-Vilaine, Torcé)

Sous-titre

Rapport de fouille 2015

Numéro DAP
29
Image d'entête
DAP 29 | Torcé « La Grande Maçonnais » (Ille-et-Vilaine)
Média
DAP 29 | Torcé « La Grande Maçonnais » (Ille-et-Vilaine)
date expertise
septembre 2015
date achevement
mai 2015
Paragraphes

Le site de « La Grande Maçonnais » à Torcé (Ille-et-Vilaine), sur le tracé de la LGV Rennes-Le Mans, a fait l’objet d’une fouille archéologique en 2013 sur une surface de 2,3 hectares, suite à un diagnostic archéologique (Juhel et al., 2010). Ce dernier a d’ailleurs permis de révéler un second site au lieu-dit « Vassé » (800 m à l’est) mis aussi en ligne dans cette collection (Cahu et al., 2014). Ces deux opérations de fouilles archéologiques se placent au sud et au sud-est du bourg de Torcé, à moins d’un kilomètre de son église. Cette dernière, avec sa crypte et son sarcophage en plomb, non datés, comporte des éléments architecturaux du XIe siècle. Sa dédicace à Saint Médard (évêque du VIe siècle) pourrait être un indice de plus grande ancienneté. Juste à côté, la découverte de sarcophages en calcaire coquillier, lors du nivellement de la motte castrale au XIXe siècle, en ajoute un supplémentaire. Ce mode d’inhumation, le plus prestigieux pour la période et la région, est en usage du VIe aux Xe-XIe siècles.
Entre ces deux opérations de fouille et le bourg de Torcé, il faut encore noter un diagnostic archéologique qui a mis en avant des éléments mobiliers antiques mais également d’époque mérovingienne (Le Boulanger et al., 2012). Dans le cadre du PCR sur l’habitat rural du haut Moyen Âge en Bretagne, des caramels de cuisson d’un pot issu de ce diagnostic ont récemment fait l’objet d’une datation radiocarbone : Ils offrent une datation calibrée à deux sigmas (95,4% de probabilités) comprise entre 433 et 592 (1545+/-30 BP).
Plus à l’est, à près d’1,7 km, la fouille de « Mauzé » dévoile une installation romaine, où de nombreux rejets suggèrent de probables ateliers de tuiliers et de céramique commune (Robert et al., 2012).
Ainsi, le site de « La Grande Maçonnais », de l’époque antique au Xe-XIe siècle, se place certainement dans un terroir organisé, proche d’un probable lieu de culte et très probablement de pouvoir dès le haut Moyen Âge.

Sur « La Grande Maçonnais », la fouille a révélé une longue occupation.
Les premiers indices anthropiques datent du Néolithique et sont strictement mobiliers (céramique et lithique).
L’âge du Fer se distingue principalement par la création d’un réseau parcellaire. Deux fosses complètent les vestiges de cette période. L’une d’elles fournit un lot de céramiques domestiques du Ve siècle av. J.-C provenant d’un possible habitat à proximité de l’emprise étudiée.
La période antique se caractérise par deux grands temps. D’abord, la trame parcellaire préexistante évolue au cours des Ier-IIe siècles. Dans la seconde moitié du IIe siècle, un atelier de forge, associé à un puits, s’installe dans la partie ouest de l’emprise. L’ensemble occupe une aire de 400 m². Ensuite, côté est, reprenant une trame fossoyée antique, un chemin nord-sud se met en place.

Un nouveau changement s’opère à partir des VIe-VIIe siècles. S’appuyant sur cet axe viaire antique, l’occupation du haut Moyen Âge se caractérise d’abord par un parcellaire fossoyé qui scinde l’emprise de fouille entre espace agricole ou boisé et espace habité. Les indices d’habitat se concentrent alors à l’est et le long de la limite sud d’emprise, tandis qu’une une parcelle vierge de structures (champs, bois ?) d’une surface minimum de 1,4 hectares (143 m sur 100 m) se dégage dans toute la partie nord-ouest de la fouille.
Autour des Xe-XIe siècles, trois espaces bâtis sur poteaux ont été reconnus.
Le premier, au sud, composé d’un unique bâtiment et de quelques fosses, est construit le long d’un fossé parcellaire de direction est-ouest. Au nord du fossé, l’espace semble délaissé ; au sud, quelques fosses et trous de poteau épars se remarquent. On ne peut exclure que cette occupation modeste puisse se développer plus amplement hors emprise.
Le second, à l’est du chemin, correspond à une unité domestique liée au premier espace par un large passage entre deux fossés. Elle se développe autour d’un bâtiment central de 42 m2 sur 8 poteaux, qu’une datation C14 cale entre 890 et 1030. A proximité, quelques trous de poteau dont l’organisation reste floue, une ample fosse très charbonneuse, un grenier sur poteaux et un éventuel gerbier complètent cet ensemble.
Enfin, un troisième espace, côté ouest à proximité de la limite nord de l’emprise, est constitué par une partie d’enclos fossoyé. Plusieurs indices permettent de placer cet espace vers les VIe-VIIe siècles. Lui succède au Xe-XIe siècle un ample bâtiment sur poteaux associé à une fosse de rejet.
Cette dernière construction développe un plan atypique par l’ampleur de ses trous de poteau et surtout par son plan qui se caractérise par deux modules de quatre poteaux de fort diamètre, juxtaposés et alignés, dégageant un éventuel passage interne large de 6,50 m. La construction occupe une surface de 80 m2. Ces avant-trous pour la pose des pièces de bois et la portée nécessaire à certains écartements (6,50 m), suggèrent une construction imposante avec un probable étage. Son plan évoque celui des édifices de type manorial qui se développent dans la seconde moitié du Moyen Âge, à savoir les logis-portes, mais il paraît, dans notre contexte, fort anachronique.
Enfin, dans un dernier mouvement, à partir de la fin du Moyen Âge, nous observons la mise en place progressive d’un parcellaire lanièré.

L’essentiel du mobilier céramique provient de la fosse de rejet située au pied de cette construction. Le vaisselier se compose presque uniquement de formes hautes fermées, pots destinés à la cuisson de bouillies et gruaux, ainsi qu’au stockage ; il faut noter la présence d’un pied de lampe certainement d’importation. La majorité du lot métallique est aussi en relation avec cet ensemble : il s’agit essentiellement de clous de charpente provenant sans doute de l’imposante bâtisse citée précédemment.

Pour la période médiévale, l’étude anthracologique nous renseigne sur un environnement boisé de type chênaie-hêtraie dense à côté d’espaces semi-ouverts, de friches, de landes et d’une zone ripisylve. L’approvisionnement en bois se fait dans ces différents milieux, mais la chênaie encore dense et sans doute proche est privilégiée. Avec une très mauvaise conservation des graines, la carpologie met tout de même en avant le triptyque blé- avoine-seigle que nous retrouvons à une échelle régionale plus large. Sur le site voisin de « Vassé » (VIIe-IXe siècle ; Cahu et al., 2014), une place prépondérante est faite à la céréaliculture, et les légumineuses sont largement en retrait. Sur « La Grande Maçonnais », les données sont pauvres, mais elles semblent y faire écho.

Cette fouille s’intègre assurément dans la programmation nationale de la recherche archéologique (CNRA), et plus particulièrement dans celle de l’étude de l’espace rural, du peuplement et des productions agricoles aux époques gallo-romaine, médiévale et moderne (axe 10). En outre, le bâtiment atypique pourrait avoir une résonance élitaire et s’intègre assurément dans l’axe 11 consacré aux constructions élitaires, fortifiées ou non, du début du haut Moyen Âge à la période moderne. À l’échelle nationale et régionale, ce site participe à un important renouvellement des connaissances acquises autour de ces thèmes depuis une vingtaine d’années. Et cette contribution se place dans un contexte archéologique fort centré sur la paroisse de Torcé, dans l’est du département de l’Ille-et-Vilaine.

Enfin, répondant à cet accroissement des données et aux préconisations du CNRA, le site de « La Grande Maçonnais » s’intègre parfaitement à la recherche mise en place en Bretagne depuis 2019 dans le cadre d’un projet commun de recherche (PCR) dédié au premier Moyen Âge : Formes, nature et implantation des occupations rurales en Bretagne du IVe au XIe siècle de notre ère. Ce travail en cours devrait déboucher sur un colloque et une publication.

Sommaire

I. Données administratives, techniques et scientifiques

II. Résultats

1. Cadre général de l'intervention archéologique

1.1. Cadre naturel
1.2. Cadre historique et archéologique
1.3. L'intervention archéologique. Stratégie, méthodes et contraintes

2. L'occupation archéologique

2.1. Diagnostic archéologique à l'ouest de la RD 406
2.2. À l'est de la RD 406, la zone de fouille: du Néolithique à l'époque contemporaine

3. Étude de la céramique protohistorique

4. Étude de la céramique antique

5. Étude de la céramique médiévale

6. Étude du mobilier lithique

7. Analyse du mobilier métallique

8. Étude paléométallurgique

9. Étude anthracologique

10. Étude carpologique

11. Étude pétrographique de la céramique

12. Conclusion

Bibliographie

Liste des figures

III. Inventaires techniques

Bibliographie / Ressources

Rapport de fouille

CAHU, Didier (dir.),  BLANCHET, Stéphane, DIEU, Yoann, HALLAVANT, Charlotte, MORZADEC, Hervé, NICOLAS, Théophane, SEIGNAC, Hélène, SIMON, Laure & ZAOUR, Nolwenn. (2015). Torcé (Ille-et-Vilaine), La Grande Maçonnais, forge antique du IIe siècle, habitat du Xe-XIe siècle (Rapport de fouille, 1 vol.). Cesson-Sévigné : Inrap Grand Ouest. <https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0136763>.

Rapport de diagnostic

JUHEL, Laurent (dir.), LABAUNE-JEAN, Françoise, NICOLAS, Théophane, OEIL DE SALEYS, Sébastien, AH-THON, Emmanuelle, BÉLANGER, Céline & BOUMIER, Frédéric. (2010). Louvigné-de-Bais, Torcé, Etrelles, Argentré-du-Plessis (Ille-et-Vilaine), LGV, secteur 3. Occupations du Néolithique à l’époque moderne sur le tracé de la LGV Rennes-Le Mans (Rapport de diagnostic, 1 vol.). Cesson-Sévigné : Inrap Grand-Ouest. <https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0118667>.

Rapports cités dans l'introduction

CAHU, Didier (dir.), BOULINGUIEZ, Philippe, BRISOTTO, Vérane, DUPRÉ, Mathilde, HALLAVANT, Charlotte, LABAUNE-JEAN, Françoise, MORZADEC, Hervé, ROBIN, Boris & SEIGNAC, Hélène. (2014). Torcé (Ille-et-Vilaine), Vassé, habitat enclos fin VIIe-IXe siècle (Rapport de fouille, 1 vol.). Cesson-Sévigné : Inrap Grand Ouest. <https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0131276>.

LE BOULANGER, Françoise (dir.), CONAN, Julie, LABAUNE-JEAN, Françoise, NICOLAS, Théophane & POIPRÉ, Pierre. (2012). Torcé (Ille-et-Vilaine), La Petite Gatellerie, indices d’occupation du Néolithique et du haut Moyen Âge (Rapport de diagnostic, 1 vol.). Cesson-Sévigné : Inrap Grand Ouest. <https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0122660>.

ROBERT B., DAVERAT L., AOUSTIN D., BERNIER M., COUTELAS A., GUTEL G., MARCOUX N., VISSAC C. & WARDIUS C. (2012). Torcé (Ille-et-Vilaine), Mauzé, LGV Le Mans-Rennes (Rapport de fouille). SRA Bretagne : France Archéologie.

Citations

CAHU, Didier (dir.), BLANCHET, Stéphane, DIEU, Yoann, HALLAVANT, Charlotte, MORZADEC, Hervé, NICOLAS, Théophane, SEIGNAC, Hélène, SIMON, Laure & ZAOUR, Nolwenn. (2022). La Grande Maçonnais : forge antique du IIe siècle, habitat du Xe-XIe siècle (Bretagne, Ille-et-Vilaine, Torcé) : Rapport de fouille 2015 (1 vol.). Paris : Inrap. (Documents d’archéologie préventive ; 29). <https://doi.org/10.34692/ec4e-zx89>.

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La Grande Maçonnais à Torcé (Ille-et-Vilaine)
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Fouille programmée et chantier école de l'Université de Paris I