À Poitiers, le musée Sainte-Croix renouvelle et agrandit ses espaces consacrés au Moyen Âge et au début des Temps modernes. Du Ve au XVIIe siècle, treize siècles de production artisanale et artistique sont ainsi mis à l’honneur, dont le mobilier mis au jour par l'Inrap à l'occasion de la fouille des terrains de l'ancienne abbaye Sainte-Croix (2005), présenté pour la première fois au public.

Dernière modification
26 février 2024

Aux origines de l’abbaye Sainte-Croix

Inauguré en 1974, le bâtiment brutaliste du Musée Sainte-Croix s’appuie partiellement sur les vestiges modernes (XVIe-XVIIe siècle) de l’abbaye éponyme. [F1] Fondée au milieu du VIe siècle par la reine Radegonde, épouse de Clotaire Ier, l’abbaye primitive se situait plus à l’est, en direction du Clain. Des fouilles archéologiques réalisées en 2005 sur le site des Hospitalières par l’Inrap ont permis de mettre en évidence les murs de clos de cette fondation religieuse. On sait ainsi désormais que l’abbaye est installée sur un ancien quartier gallo-romain, dont elle utilise certains bâtiments restés en élévation jusqu’au Xe s. Elle occupe en fait la totalité d’un îlot, bordé au nord par un cardo et à l’ouest par un decumanus, révélé lors de la fouille. 

Une nécropole franque, avec des tombes en rangs et quelques pièces d’armement et une boucle de ceinture caractéristique, a été identifiée le long la voie ouest. Elle témoigne de l’implantation d’une communauté franque à l’intérieur de la ville, antérieure à la fondation de l’abbaye, sur ce secteur.

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 Boucle : pierre, alliage cuivreux, grenat, Ve s., début du VIe siècle Le corps ovalaire renflé a été façonné à partir d’une matière minérale dense de couleur beige dont la surface est polie. L’ardillon en alliage cuivreux est décoré selon la technique du « cloisonné » avec incrustation de grenats polis. Cet objet, associé à un manipule de bouclier, appartenait vraisemblablement à un militaire originaire des régions proches de la Mer Noire. 

© Frédéric Gerber, Inrap

La fouille de l'Inrap a montré que le plan connu du cœur de l’abbaye n’est pas antérieur au XIIIe s. Le grand cloître est construit lors d’une phase d’extension de l’abbaye sur le domaine public (voirie), et la salle capitulaire est bâtie tardivement sur une ancienne salle chauffée par une petite cheminée (réfectoire ?), qui recouvre elle-même une ancienne zone artisanale (four, scories) de l’abbaye aménagée après la destruction des bâtiments antiques subsistant sur la zone jusqu’au Xe s. Enfin, le mur de clôture primitif a été dégagé sur près de 25 m de long, ainsi que son pendant du VIIIe s. dont plus de 2 m d’élévation étaient conservés. De nombreuses tombes de moniales et de personnes de marque (dont au moins un homme) ont été étudiées au sein de la salle capitulaire. Elles ont livré plusieurs chapelets et un christ en croix en ivoire finement sculpté (XVIe-XVIIIe s.). Pour la première fois depuis leur mise au jour, les mobiliers funéraires issus de cette opération sont présentés au public.

Un mur de lumière

Les collections des Musées de Poitiers renferment un ensemble de vitraux des époques médiévale et moderne. Largement méconnu, ce corpus, qui mêle sujets religieux et profanes, intègre l’une des rares représentations figurées de la reine Aliénor : la main de la donatrice royale apparaissant au bas du grand vitrail de la Crucifixion de la cathédrale Saint-Pierre de Poitiers (XIIe siècle).

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Fragments de vitrail (XVe-XVIe s.).

© Frédéric Gerber, Inrap

Objets de la vie quotidienne

Le parcours fait la part belle aux objets du quotidien. Vaisselle de service et de consommation, accessoires de la sphère domestique (lampes, clés...), éléments de parure et pions de jeu s’exposent comme autant de témoignages de la vie courante des femmes et des hommes du Moyen Âge et du début de l’époque moderne en milieu urbain.

Hommes en armes

Des pièces exceptionnelles, tels les monumentaux gisants des seigneurs de La Millière (XIIIe siècle) et des casques de la fin du 16e siècle, permettent d’évoquer l’ordre seigneurial et l’armement.

Poitiers gothique

Un nouvel espace est réservé aux restes sculptés d’époque gothique, de pierre ou de bois, provenant d’édifices civils et religieux, toujours visibles ou disparus de la ville de Poitiers (Notre-Dame-la-Grande, Cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul, église des Cordeliers...).

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Clef de coûte : Annonciation (1490-1510), calcaire, ancien couvent des Cordeliers, Poitiers, fouille Afan/Inrap

© Frédéric Gerber, Inrap