À Frénouville, les archéologues de l’Inrap ont mis au jour les vestiges d’une exploitation agricole des Ier et IIe siècles de notre ère dont de nombreux objets de la vie courante, mais aussi des vases de stockage et amphores et peut-être des traces de viticulture.

Dernière modification
27 juillet 2023

Une équipe de l’Inrap a mené une fouille à Frénouville, dans les plaines de Caen, en amont d’un projet d’aménagement porté par Triumvirat Finances. L’opération précède la création d’un futur quartier d’habitation au sein de la commune. Prescrite par les services de l’État (Drac Normandie), l’opération a couvert une surface de deux hectares, sur les parcelles du Bas-Marais. Le site a révélé deux enclos distincts, distants d’une centaine de mètres l’un de l’autre. Les vestiges attestent une occupation aux deux premiers siècles après J.-C.

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Vue aérienne de l’enclos d’habitation et de production et celui dédié à la culture en tranchée.

© J-L Lamache, Inrap

Un vaste enclos d’habitation

Le plus vaste des deux enclos concentre des bâtiments d’habitation élevés en pierre et plusieurs bâtiments de terre et de bois sur poteaux, sans doute liés à des activités agraires. Gravitant autour de ces espaces bâtis, plusieurs structures témoignent de la vie quotidienne au sein de cette exploitation : puits, fosses dépotoir, four. Les archéologues ont également mis en évidence la présence d’une mare. La fouille du puits a livré de petits objets en excellent état de conservation : épingle en os, clés en bronze, mobilier en fer. Des prélèvements de sédiments ont été réalisés, afin de pouvoir étudier les pollens, graines et éléments ligneux qui y ont été piégés. Ces analyses, confiées à différents spécialistes, nous renseigneront sur l’environnement et les paysages entourant le site à la période gallo-romaine.

Les plus anciennes traces de vignes à l’Ouest de la Gaule ?

Le second enclos, plus réduit, est quant à lui dédié à la culture : les archéologues y ont mis en évidence un système de 20 tranchées présentant des dimensions très régulières et des caractéristiques de comblements similaires. Cet aménagement témoigne d’une volonté d’organisation et de production centralisée.

Pour l’heure, la question de l’essence cultivée au sein de ce domaine agricole est encore en suspens : pourrait-il s’agir des premières traces de culture de la vigne ? La fouille, dans sa phase terrain, n’a pu apporter de réponse précise. Plusieurs exemples de la culture de la vigne en tranchées sont connus pour l’époque romaine dans le sud de la Gaule, mais l’aménagement mis au jour à Frénouville peut tout aussi bien correspondre à l’organisation d’un verger pour des arbres fruitiers. Au Haut-Empire (Ier-IIIe siècle), l’arboriculture gagne du terrain sur l’ensemble du territoire. Les archéologues poursuivront les recherches en laboratoire. La découverte de plusieurs outils en fer au sein du domaine (émondoir, serpette) et leur étude comparative nous apporteront des premiers éléments de réponse.

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Serpette découverte lors du décapage du fossé d’enclos bordant les cultures.

© J-L Lamache, Inrap

Dans un second temps, les analyses polliniques réalisées sur les échantillons provenant des fossés d’enclos et des tranchées de culture permettront de déterminer avec certitude la nature des cultures pratiquées à Frénouville à l’époque romaine.

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Émondoir en cours de dégagement dans le fossé d’enclos bordant les cultures.

© J-L Lamache, Inrap

Un site de production et d’exportation de denrées alimentaires

Quoi qu’il en soit, la fouille des fossés d’enclos a permis la découverte de nombreux objets de la vie courante (vaisselle de table, monnaie, fibule…) et de rejets domestiques : en particulier des restes de faune (mouton, porc, bœuf, cheval, chien) et malacofaune (moules, coques, palourdes). Les recherches ont également livré une grande quantité de vases de stockage et d’amphores de type gauloise 12 : ces contenants, utilisés pour le transport de marchandises sur des distances plus ou moins longues, indiquent que le site de Frénouville avait pour vocation la production et l’exportation de denrées alimentaires.

Aménagement : TRIUMVIRAT FINANCES
Recherches archéologiques : Inrap
Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie Drac Normandie
Responsable de recherches archéologiques : Jean-Luc Lamache, Inrap