Le site du Mas de Vouland s’étend sur près de 8 000 m² au sud de la commune de Nîmes, entre les villages de Générac, Caissargues et Aubord.

Dernière modification
23 août 2017

Lors des sondages systématiques réalisés entre 2009 et 2012, des objets en pierre taillée du Paléolithique ancien (entre 2,7 millions d’années et 300 000 ans avant notre ère) avaient été trouvés en surface mais aussi dans le sol, au sein de couches sédimentaires (colluvions). La fouille menée en 2013 par sept archéologues de l’Inrap, aidés par des chauffeurs de pelles mécaniques particulièrement méticuleux, en a livré environ cinq cents, dont un biface typique de la culture acheuléenne. C’est la première fois, dans la Costière nîmoise, que de tels vestiges lithiques ont été découverts au cours d’une fouille et non lors de ramassages de surface.

Un gisement piégé dans une dépression

La fouille du Mas de Vouland a offert l’opportunité de mieux observer l’impact de la dernière glaciation dans la région.

Pour la Costière nîmoise, des modifications importantes du terrain liées à l’abaissement global des températures (formation de « sols polygonaux ») avaient déjà été identifiées et décrites ; des dépôts de sédiments fins transportés par le vent (« lœss ») avaient été repérés, surtout dans sa partie orientale sous influence des vents de Nord du couloir rhodanien.  

La fouille de 2013 a mis en évidence des aspects du relief terrestre prouvant l'existence passée d’un sous-sol gelé en permanence (« pergélisol ») : une vaste dépression d'une centaine de mètres de diamètre et de plusieurs mètres de profondeur s’est formée lors de la fonte partielle du pergélisol à la fin de la dernière glaciation (Tardiglaciaire). Les vestiges du Paléolithique ancien y ont été naturellement rassemblés par le déplacement des sédiments en une concentration scellée il y a 15 000 à 18 000 ans.  

Un protocole de fouille particulier

Une méthode de travail particulière a été mise en place afin de tenir compte des données spécifiques de la fouille : la nature des vestiges archéologiques (galets taillés et nucléus de quartzite d’une dizaine de centimètres au minimum), leur faible densité (en moyenne 6 objets tous les 100 m²), mais aussi le contexte géologique (piégeage de vestiges dans une dépression au sein d’une terrasse alluviale).  

Le terrain a été exploré par des décapages horizontaux successifs d’une dizaine de centimètres d’épaisseur, réalisés au moyen de pelles mécaniques munies de godets lisses de 3 m de large. Toutes les pierres mises au jour ont été examinées après chaque coup de godet, et celles présentant des traces de modification humaine ont été recueillies. Leur emplacement d’origine a été enregistré à l’aide d’un tachéomètre laser afin de pouvoir restituer une cartographie fidèle du site à l’issue de la fouille. Malgré un biais probable de l’échantillonnage des plus petits éléments, à l’issue de l’opération le protocole mis en place apparaît comme le plus adapté à la situation spécifique.    

Le mobilier

Environ 500 vestiges paléolithiques ont été recueillis. Il s’agit surtout de galets aménagés et de pics, taillés aux dépens de galets de quartzite alpin de la Costière nîmoise, déposés par le Rhône à la fin du Pliocène (dernière période du Tertiaire) et au début du Pléistocène (période la plus ancienne du Quaternaire) quand son cours empruntait encore la plaine de la Vistrenque. Quelques petits éclats de silex ont également été découverts, dont un transformé en racloir par des retouches sur l’un de ses bords. Aucun ossement n’a malheureusement été conservé.  

La présence d’un petit biface en quartzite incite à rapprocher l’ensemble des vestiges découverts de la culture acheuléenne, répandue en Europe occidentale entre 600 000 et 300 000 ans avant le présent. Celle-ci a été définie à partir des nombreux bifaces en silex découverts à Saint-Acheul, dans les faubourgs d’Amiens (Somme). Mais les matériaux utilisés en Languedoc (essentiellement des galets de quartzite, relativement tenaces et d’une dizaine à une vingtaine de centimètres de long) n’ont pas été favorables à la pleine expression technologique de cette culture. L’industrie mise au jour au Mas de Vouland ne pourra malheureusement pas être datée avec précision dans la mesure où elle ne se trouve pas dans son contexte sédimentaire originel.  

Un site régional sans équivalent

Une occupation ancienne de la Costière de Nîmes par des groupes de chasseurs-cueilleurs paléolithiques était déjà connue grâce à des vestiges récoltés en surface dans les années 1970. La fouille du Mas de Vouland renouvelle profondément les connaissances concernant la Préhistoire ancienne de la région et offre une documentation sans équivalent à ce jour pour comprendre les relations des groupes ayant occupé la région au Paléolithique ancien, probablement des Homo heidelbergensis contemporains, voire cousins de ceux ayant vécu dans la Caune de l’Arago à Tautavel.