Durant ces deux dernières décennies, l’approche archéo-environnementale en archéologie a amplement bénéficié des efforts engagés par l’Inrap, le ministère de la Culture, le CNRS et certaines universités, notamment la bioarchéologie qui documente l’interaction entre sociétés, biodiversité et environnement, par l’étude des vestiges biologiques (restes végétaux et animaux). La discipline a su évoluer avec un important renouvellement des outils, des protocoles, des techniques, des méthodes, mais aussi des problématiques de recherche archéologique.

Mis à jour le
28 mars 2023

Une discipline intégrée dans la chaîne opératoire de l'archéologie préventive

En France, les bioarchéologues représentent une communauté qui compte environ 200 spécialistes réunis, pour la majorité d’entre eux, au sein du groupement de recherche Bioarcheodat dont les agents de l’Inrap représentent un cinquième des effectifs. L’Institut est aujourd’hui un acteur incontournable de ce domaine de recherche puisqu’il regroupe en son sein plusieurs des spécialités concernées : archéozoologie, carpologie, anthracologie, palynologie, xylologie et malacologie. D’autres compétences existent également en interne comme l’archéoentomologie, l’étude des phytolithes ou des coquillages marins. Ces bioarchéologues, répartis sur l’ensemble du territoire national, sont totalement intégrés à la chaîne opératoire de l’archéologie préventive, du terrain jusqu’à la rédaction des rapports d’opération et la valorisation des résultats auprès de la communauté scientifique et du public. Les échanges avec les responsables d’opération et les autres spécialistes leur permettent de répondre au mieux aux problématiques scientifiques posées et d’adapter en conséquence les protocoles d’échantillonnage, de prélèvements et d’étude. Aujourd’hui, l’Inrap renforce encore l’action de ses spécialistes par une coordination nationale et une meilleure identification de ces « réseaux métiers » en interne. Pour les spécialités faisant défaut à l’Inrap (dendrologie, paléoparasitologie, ichtyologie…), les partenariats scientifiques vont se poursuivre avec les laboratoires concernés.
 

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Tamisage de sédiments

© Loïc de Cargouët, Inrap

 

Diversité des vestiges biologiques et des spécialités

Si l’archéologie préventive génère aujourd’hui le plus grand corpus de données bioarchéologiques, elle participe également à la diversification des vestiges collectés et étudiés : reste macroscopique (graines, fruits, bois, charbons, ossements, dents, coquilles et coquillages, insectes…), mais aussi microscopique (pollens, spores, phytolithes, diatomées, parasites…). Certains prélèvements plus spécifiques sont également effectués en vue d’analyses externalisées : reconnaissance des composants physico-chimiques, détection de traces de substances organiques (lait, graisses, cires…), examen de données histologiques, moléculaires, isotopiques ou génétiques. En outre, les grands travaux liés à l’aménagement du territoire permettent d’ouvrir de très grandes surfaces et d’obtenir des données non plus à l’échelle d’un seul site, mais de plusieurs sites ainsi que leur proche environnement.

La diversité des matériaux étudiés et des spécialités mises en œuvre, la masse des données ainsi acquises, l’intégration des études au sein de la chaîne opératoire de l’archéologie préventive et le développement de l’interdisciplinarité permettent de mieux répondre aux grandes problématiques anthropologiques, mais aussi écologiques et sociétales. Il est, par exemple, possible de restituer l’évolution des paysages et des évènements climatiques, la gestion des ressources végétales et les pratiques agricoles, les modes d’exploitation des animaux (chasse, domestication, élevage, pastoralisme), les habitudes alimentaires et culinaires, les techniques de construction, les pratiques funéraires, les conditions d’hygiène et le statut des populations. Ces études participent pleinement à l’interprétation des sites archéologiques ; elles informent sur l’organisation spatiale et les activités humaines par l’identification des espaces à vocation agraire (aires de stockage des denrées, espaces de stabulation des troupeaux), domestique ou artisanale. Face au foisonnement des informations, la bioarchéologie démontre la grande complémentarité des études menées par les différents spécialistes.
 

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Vue au microscope optique d'un échantillon palynologique.

© Muriel Boulin, Inrap

 

Les programmes de recherche

Les bioarchéologues de l’Institut, rattachés à divers laboratoires et équipes de recherche, témoignent d’une importante implication dans des programmes de recherche interdisciplinaires et interinstitutionnels, et ce aux niveaux régional, national et international (ANR ArkéoAG mêlant archéobotanique et archéogénomique, ANR CASIMODO pour l’étude de la charpente de Notre-Dame de Paris ou encore les recherches sur l’ADN ancien, la paléoclimatologie, la paléonutrition). Ils participent également au montage de formations spécifiques, à destination des agents de l’Inrap, des services régionaux de l’archéologie et des étudiants, en interne ou en lien avec les universités. Le volume de publications produit est important avec, notamment, la réalisation d’importantes synthèses nationales ou régionales, chronologiques ou thématiques : recherches carpologiques et archéozoologiques sur l’âge du Fer et sur l’âge du Bronze, culture de l’engrain, données polliniques sur le Néolithique moyen, archéologie des cépages, pratiques de l’élevage et de la chasse du Néolithique à l’âge du Fer…
 

Nouvelles technologies

À la difficulté générale de la gestion, conservation et diffusion des données archéologiques, de plus en plus nombreuses et de plus en plus variées, s’ajoutent, pour les données bioarchéologiques, les progrès technologiques fulgurants enregistrés depuis vingt ans tant dans les domaines de l’imagerie (3D, tomographie par rayons X), des molécules organiques anciennes (paléogénétique, paléogénomique, paléoprotéomique), de la biogéochimie isotopique, ainsi que dans les protocoles de traitement statistique et dans la modélisation. Si l’utilisation de ces techniques et outils n’est pas généralisable à l’heure actuelle, dans le cadre contraint de l’archéologie préventive, elle devrait toutefois l’être dans un avenir très proche en raison de la baisse rapide des coûts d’analyse et de l’amélioration des techniques. Il est donc nécessaire d’adapter les protocoles de collecte, de prélèvement et de conditionnement des échantillons biologiques en vue de leur analyse dans le cadre de futurs programmes de recherche.

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Coupe transversale d'un charbon de noisetier.

© Sylvie Coubray, Inrap