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La Tène, trophée guerrier celtique
Pour découvrir l’archéologie d’aujourd’hui, ses sciences connexes, mais aussi approcher et décrypter ce que la discipline recouvre de concepts, de modèles, Carbone 14, le magazine de l'archéologie, retrace les avancées de la recherche française et internationale et parcourt terrains, chantiers et laboratoires. Une émission à écouter chaque samedi, de 19 h 30 à 20 h sur France Culture et à réécouter sur Inrap.fr.
Avec Guillaume Reich, docteur en archéologie, chargé de mission au centre européen de Bibracte.
La Tène est un site archéologique hors norme, qui caractérise à lui seul un pan entier de notre histoire ancienne, et dont les objets, dans un état de conservation exceptionnel, ont été, depuis, dispersés dans tous les grands musées du monde.
En Europe, l'importance de ce site est si considérable, qu’il est devenu, non pas une référence, mais le site éponyme d’une époque : le second âge du fer, en un mot l’époque gauloise, qui couvre les années 450 à 50 avant notre ère.
Ce site, incarnant à lui seul la culture celtique, se trouve en Suisse, au pied du Jura, à une extrémité du lac de Neuchâtel, à l'embouchure d'un bras de la Thielle. « La Tène » signifie « peu profond », dans le dialecte neuchâtelois. Découvert en novembre 1857, le site est l’objet d’intenses collectes qui s’inscrivent dans ce que les archéologues suisses dénomment généralement « la fièvre des palafittes ».
Des ponts et… des armes
Les ponts de bois gaulois sont rares, la Tène en possède deux, l’un daté de 658 avant notre ère, l’autre du IIIe siècle avant notre ère. Autour de ces ponts, quelques 4500 objets ont été extraits des eaux. L’essentiel du mobilier est métallique, notamment en fer et datés des années 250-200 avant notre ère. Figurent également des bois, des vanneries, du tissu et du cuir mais aussi des céramiques, des ossements de chevaux. Une part importante de ce corpus mobilier appartient vraisemblablement directement à la sphère martiale : épées dans leurs fourreaux, lances, boucliers, éléments de char, carnyx et enseignes auxquels s’associent des monnaies d’or et des parures, notamment des torques - fameux colliers rigides celtes. Très bien préservées sous les eaux, les armes de La Tène viennent d’être récemment étudiées sous l’angle de la tracéologie afin de comprendre comment les gaulois combattaient et ainsi reconstituer une part de l’art de la guerre celte.
Un site énigmatique
La Tène n’est pas un de ces fameux villages de planches palafittes, les archéologues contemporains du XIXe siècle y voyaient plutôt un lieu à vocation commerciale et militaire : un entrepôt commercial, un oppidum, un péage ou un poste de douane fortifié ayant été le théâtre d’un affrontement militaire. D’autres, ont formulé des hypothèses plus catastrophistes : comme pour un site voisin, le pont de La Tène se serait-il effondré sous la violence d’une crue emportant hommes et armes qui y passaient ? Les archéologues ont tardivement envisagé le « phénomène religieux », et être en présence de pratiques d’offrandes sacrificielles. Doit-on alors imaginer quelque cérémonie religieuse sur le pont de La Tène, avec trophées d’armes, crânes animaux empalés, et cadavres exposés sur le pont ? Les archéologues y voyaient surtout un immense trophée militaire, commémorant quelque(s) bataille(s), et les armes seraient alors celles des vaincus.
Camille Jullian évoquait les gaulois comme « un peuple de guerre et de bruit », mais évoquons surtout Elien, qui écrivait au tournant du IIIe siècle de notre ère « J'entends dire que les plus téméraires des hommes sont les Celtes. Ils prennent comme thème de leurs chants, les héros morts à la guerre. Non seulement ils combattent couronnés mais érigent aussi des trophées, tout à la fois pour glorifier leurs exploits et pour laisser, à la manière grecque, un souvenir de leur valeur guerrière ».
Pour aller plus loin
- Page de présentation de Guillaume Reich, docteur en archéologie, chargé de mission au centre européen de Bibracte et lauréat de l'Institut de recherche stratégique de l'Ecole militaire : sur le site Academia (univeristé de Strasbourg) et sur le site HAL.
- Courte présentation de son article "Les armes de La Tène ou l'art des guerriers celtes" (Archeologie n° 535, p. 48-53, septembre 2015).
- Présentation de l'ouvrage de M.-A. Kaeser, "La Tène, lieu de mémoire. Aux origines de l'archéologie celtique" (Laténium, Hauterive, 2022).
- Présentation de l'ouvrage de Reginelli Servais G., "La Tène, un site, un mythe, 1, Chronique en images (1857-1923)" (Archéologie neuchâteloise, 39, 2007).
- Site du Laténium, parc et musée darchéologie de Neuchâtel à Hauterive, en Suisse.
- Page wikipedia sur le site archéologique de La Tène.
- A écouter ou à réécouter, une émission "Un site, une civilisation : il y a 150 ans, découverte sous les eaux claires de La Tène (Suisse)" (Le Salon noir, 21 novembre 2007, site de l'Inrap)
Quelques références citées
- Page sur le colonnel Friedrich Schwab (1803-1869), fondateur du musée Schwab.
- Page de Jean Edouard Desor (1811-1882), géologue et préhistorien.
- Page de Christian Jürgensen Thomsen (1788-1865), archéologue et préhistorien danois, père de la théorie des trois âges.
- Page sur la culture de Halstatt, culture archéologiquen qui, précède la période de La Tène.
- Page sur l'épopée d'Hannibal.
- Page sur le site archéologique de Tintignac, en Corrèze.
- Page de Victor Davis Hanson, historien militaire américain, spécialiste de la Grèce antique.
- Page de Douglas Mac Arthur (1880-1964), général américain.
- Page d'Hanni Schwab (1922-2004), archéologue et préhistorienne suisse.
- Page sur Posidonios, philosophe grec et historien.