Typologie : l’étude comparative des formes
L’étude comparative des formes, des dimensions et des proportions d’un groupe objets apparentés (haches en pierre, tuiles romaines, fourreaux d’épées mérovingiennes, etc.) permet d’établir entre eux des différences et des similitudes qui peuvent s’échelonner dans le temps et dans l’espace. Tel est le principe de la typologie.
Les marqueurs culturels

Longtemps pratiqué de façon intuitive, cet effort de classement s’est consolidé avec l’essor des sciences modernes dès le XVIIIe siècle. Les antiquaires puis les archéologues utilisent un vocabulaire de plus en plus spécialisé, mobilisent des collections plus nombreuses et mieux documentées, disposent de planches et d’illustrations de grande précision… Bref, leurs capacités d’observation s’affinent. À même de dégager des vues d’ensemble en triant et en sélectionnant des artefacts, ils peuvent aussi se pencher sur des détails en apparence infimes et pourtant révélateurs.
L’étude typologique vise à mettre en évidence, entre artefacts, des ressemblances qui peuvent s’attribuer aux origines ou à l’identité commune de leurs auteurs – à leur « culture », pour utiliser un terme qui s’imposera au cours du XIXe siècle. Un siècle plus tôt, le comte de Caylus écrivait déjà dans son Recueil d’antiquités que « le culte [la culture] d’un peuple se reconnoit aux symboles qui caractérisent ses Divinités ; son goût est indiqué par la manière dont il habille ses figures ».
Ainsi donc, ce « goût » d’un groupe humain à un moment donné exprime-t-il à travers la gamme spécifique d’outils et d’œuvres qu’il produit et qui en deviendront par la suite les témoignages archéologiques. Propres à chaque peuple et différentes de celles de ses voisins, ces productions peuvent servir aujourd’hui de marqueurs culturels, révélant l’appartenance à une culture spécifique : telle amphore, ainsi dimensionnée, est punique ; tel calice est carolingien, etc.
L’idéal du style

Anton von Maron, 1768. Stiftung Weimarer Klassik und Kunstsammlungen, Weimar. © BPK, Berlin, Dist. RMN-Grand Palais/Image BPK
Variable dans l’espace, ce « goût » (d’un peuple, d’une nation), change aussi avec le temps. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, Winckelmann instaure la notion de style, entendu comme une manière de faire distincte, propre à un groupe, un moment ou une époque déterminés et donc apte à les caractériser. Même si les traits de style en question peuvent sembler relativement mineurs, limités à des proportions ou des enjolivures, leurs variations sont loin d’être aléatoires ou anodines.
Pour Winckelmann, c’est l’art de la Grèce classique, incarné par les statues de marbre blancs et les vases polychromes du Ve siècle avant notre ère, qui représente l’idéal absolu de beauté. Reflétant des influences de l’époque archaïque, du monde égyptien et du milieu méditerranéen, ces œuvres « classiques » ont à leur tour servi de sources d’inspiration à de nombreuses générations, qui les ont copiées, imitées, voire dénaturées au fil des siècles.
Cette enquête stylistique est riche d’implications concrètes pour l’historien de l’art, l’antiquaire et l’archéologue. En effet établir une typologie, appréhender des variations stylistiques dans le temps et dans l’espace, leur attribuer une certaine tendance, tout cela implique des démarches pratiques de désignation, de classification, de manipulation et de disposition. Ces opérations spécialisées se réalisent bien entendu sur les artefacts eux-mêmes (qu’ils proviennent directement du terrain ou bien des tiroirs des cabinets), mais aussi sur leurs représentations graphiques (croquis, peintures, gravures et bientôt photographies), dont la reproduction et l’usage deviennent de plus en plus fiables et répandus.