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Mentesh Tepe, établissement proto-historique (Azerbaïdjan)
Mentesh Tepe, sur un affluent de la rive droite dans la moyenne vallée de la Kura, a été fouillé par une équipe franco-azerbaïdjanaise, grâce à des fonds du MAEDI, du CNRS et de deux ANR franco-allemandes. Des occupations du Néolithique, Chalcolithique et du début de l’âge du Bronze y ont été mises au jour.
le Chalcolithique à l'ORIGINE DU PROJET
Mentesh Tepe avait été repéré lors d’une prospection des années 1960 par I. Narimanov et décrit comme un petit site de 45 m de diamètre et d’un mètre de haut recélant de la céramique peinte postérieure au Néolithique de la culture de Shomu-Shulaveri. C’est ce point qui a d’abord attiré l’attention de B. Lyonnet, laquelle avait déjà amorcé un programme de recherche sur les relations entre le Caucase et la Mésopotamie du Nord au Chalcolithique récent au cours de la première moitié du 4e millénaire sur la base de comparaisons entre la poterie de la culture de Maïkop et celle de sites de Syrie du Nord.
Le Chalcolithique était l’une des périodes les plus mal connues au sud Caucase. La présence de céramique peinte qu’on pouvait associer à la période charnière entre la fin de l’Obeid et le début du Chalcolithique récent (ou début de la période d’Uruk) pouvait permettre d’apporter des informations et de comprendre les causes et les processus ayant conduit aux relations mises en évidence précédemment. La fouille (2008-2015) a révélé une architecture rectangulaire de briques crues compatible avec celle des bâtiments tripartites de Mésopotamie du Nord. Deux phases principales de construction ont été mises en évidence et sont datées entre 4300 et 4150 cal. BC, suivies par une brève occupation avec de nombreux trous de poteaux. Différents types de foyers et de fours ont été mis en évidence, dont plusieurs fours de potiers. Les preuves d’activités métallurgiques sont nombreuses, du minerai au produit fini. L’industrie osseuse, à cette époque, n’est plus très développée, au contraire de l’industrie lithique (sur obsidienne et silex) toujours importante. La poterie témoigne de nombreux parallèles avec celle contemporaine de Mésopotamie du Nord (formes, dégraissant, décors), tandis qu’un assemblage local « de cuisine » y est associé. L’économie de subsistance repose à la fois sur l’agriculture et l’élevage, surtout d’ovi-caprinés.
Mentesh Tepe - Plan général à la fin 2012 avec les deux grandes périodes d’occupation néolithique (en rouge) et chalcolithique (en bleu), et les deux kourganes de l’âge du Bronze (en violet).
© Mission Mentesh Tepe
Projet élargi au Néolithique
L’établissement chalcolithique avait été construit sur des vestiges plus anciens. Outre des traces peu importantes avec trous de poteaux de la première moitié du 5e millénaire, une occupation du Néolithique associée à la culture de Shomu-Shulaveri a été mise au jour. Elle a permis d’apporter des données nouvelles sur une phase encore peu connue de cette culture, datée entre 5800 et 5600 avant notre ère. Comme sur tous les autres sites connus, l’architecture est circulaire, en briques crues plano-convexe, et certaines constructions sont semi-enterrées. L’industrie lithique utilise divers matériaux mais surtout l’obsidienne, l’outillage en os est assez varié, et, à la fin de la période, les premières traces de travail du cuivre apparaissent. La poterie associée à ces niveaux est assez différente de celle que l’on considère comme caractéristique de cette culture en raison de son dégraissant essentiellement végétal. Une tombe collective renfermant 30 individus inhumés dans un laps de temps très court, et plusieurs tombes individuelles d’enfants ont fait l’objet d’une étude anthropologique approfondie. Des études génétiques sont en cours.
Mentesh Tepe - Architecture circulaire en briques crues du Néolithique (culture de Shomu-Shulaveri).
© Mission Mentesh Tepe
Mentesh Tepe - Vue partielle de la fosse à inhumations collectives du Néolithique.
© Mission Mentesh Tepe
Élargissement au Bronze ancien
Après un hiatus d'environ 700 ou 800 ans après la fin de l'occupation chalcolithique, le tumulus formé sur les ruines des occupations antérieures fut utilisé comme kourgane à deux reprises.
Avant la fin du 4e millénaire, une chambre funéraire et un dromos d’accès furent creusés dans les niveaux d’occupation. La chambre était entourée d’une palissade en matériaux légers. Elle fut utilisée pendant une assez longue durée (dates situées entre 3150 et 3000 cal. BC) pour au moins 39 inhumations successives avec manipulations des ossements déposés antérieurement. À la fin de son utilisation, elle fut mise à feu, détruisant toute la construction et endommageant gravement une grande partie des ossements. Peu de matériel y a été mis au jour, essentiellement des poteries, des perles et des fusaïoles ou boutons en os de bovidés. Un assez grand nombre de sépultures similaires sont connus dans la région, toutes associées au début de la culture Kuro-Araxe.
Quelques centaines d’années plus tard, dans une autre partie du site, une seconde chambre funéraire fut creusée. Son sol était recouvert de nattes, et son plafond était fait d’une toiture de poutres de bois reposant sur un poteau central. Des nattes et une couche d’argile puis un imposant tumulus de pierres la recouvraient. Un char à quatre roues de bois pleines, des poteries et trois individus (deux femmes et un homme) sont associés à cette structure. Seules les femmes ont été retrouvées in situ, avec leurs bijoux en alliage d’argent et cuivre, de bronze à l’étain ou de pâte de stéatite. Les ossements de l’homme (âgé) étaient épars sur le toit de la chambre, et plusieurs ornements en or et en coquillage lui sont attribués. Plusieurs dates radiocarbones situent cette sépulture collective entre 2500 et 2400 av. n. è. tandis que le rituel et le matériel permettent de l’associer à la phase Martkopi de la culture dite des Premiers Kourganes au Caucase sud et à la fin de la culture Kuro-Araxe.
Contribution de l’Inrap au projet
Plusieurs membres de l’Inrap ont grandement contribué à la réussite du projet. Tout d’abord au niveau des fouilles (L. Bouquet, G. Bruley-Chabot, L. Pecqueur, P. Raymond et A. Samzun) – exécutées dans l’optique de fouilles de sauvetage puisque le temps sur le terrain était court –, ainsi que des relevés (P. Raymond) et des inventaires du matériel (L. Bouquet). Ensuite, par les études complètes post-fouilles tant du point de vue anthropologique (L. Pecqueur et E. Jovenet) que lithique (A. Samzun). Enfin, par la contribution à l’élaboration de la base de données (G. Bruley-Chabot).
Azerbaïdjan
Bertille Lyonnet
UMR 7192 du CNRS
blyonnet [at] wanadoo.fr
Ministère des Affaires étrangères et du Développement international
Centre national de la recherche scientifique
Agence nationale de la recherche
DFG - Deutsche Forschungsgemeinschaft
Azerbaijan National Academy of Sciences Institute of Archaeology and Ethnography