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Peut-on fouiller les mythes ?
Pour découvrir l’archéologie d’aujourd’hui, ses sciences connexes, mais aussi approcher et décrypter ce que la discipline recouvre de concepts, de modèles, Carbone 14, le magazine de l'archéologie, retrace les avancées de la recherche française et internationale et parcourt terrains, chantiers et laboratoires. Une émission à écouter chaque samedi, de 19 h 30 à 20 h sur France Culture et à réécouter sur Inrap.fr.
Avec Julien D'Huy Chercheur à l’Institut des Mondes Africains, UMR 80171 du CNRS.
Carbone 14, le magazine de l'archéologie, France Culture, le samedi à 19h30
Par Vincent Charpentier
Émission du 31 octobre 2020
Tout se fouille, d’ailleurs l’archéologue fouille tout ! Mais pour autant pourrait-il fouiller quelques récits fondateurs… comme les mythes ?
Les mythes de la Préhistoire
Fouiller des mythes, c’est pourtant ce que le magazine d’archéologie fait ce soir à l’aide des outils les plus sophistiqués de la phylogénie, qui permettent de découvrir leurs lointaines origines, comme leur cheminement au gré du peuplement humain de la planète…
Mosaïque de Penthée, IIe siècle, fouilles de Nîmes
© Denis Gliksman / Inrap
L’archéologue aime s’avoir ce qu’il cherche, car il ne trouve que ce qu’il connaît. Un mythe est donc un récit, qui évoque l’origine et le pourquoi des choses, la vérité sur le monde, du moins pour le peuple qui possède ce récit.
Le mythologue étudie ces récits dans une perspective anthropologique, afin de mieux comprendre l’humanité, mais désormais à l’aide d'outils très puissants mais aussi particulièrement complexes. Ceux-ci permettent, par exemple, d’expliquer pourquoi un mythe Dogon, relatant le vol du pouvoir des femmes par les hommes, est un thème que l’on retrouve en Australie ou en Terre de Feu : affaire de liens ou de convergence ?
Détail de l'« amphore d'Éleusis », une amphore funéraire proto-attique : Ulysse et ses compagnons perçant l'œil du cyclope Polyphème
© Napoleon Vier / Wikipédia
Le mythe de Polyphème, fameux cyclope d’Ulysse, est un récit fondateur originaire d’Asie centrale ou d’Europe méditerranéenne, qui possède un long cheminement vers les zones nordiques de l’ancien monde, mais aussi en Amérique du Nord, et cela dès le paléolithique supérieur. Chaque version du mythe s'organise selon un gradient géographique. Mais, au-delà de sa diffusion, peut-on retrouver à nouveau son récit originel, un « proto-mythes » en quelque sorte ?
Ancienne mosaïque romaine montrant un combat entre une amazone et un guerrier (env. 4è siècle après notre ère)
© Jacques Mossot / Wikipédia
« Le plongeon cosmogonique », « le matriarcat primitif », « la femme-oiseau » (hybride et surnaturelle), sont autant de mythes remontant dans les profondeurs du temps, mais aussi ayant cheminés avec les migrations humaines.
S’il est difficile de savoir si les « Hommes modernes », avant leur sortie d'Afrique, il y a quelques 300 000 ans, croyaient en une vie après la mort, Julien d’Huy, chercheur à l’Institut des Mondes Africains (CNRS), a proposé une analyse statistique des mythes afin de montrer qu'elles étaient les croyances les plus probables des premiers Homo Sapiens.
Les jeunes filles cygnes - swan maidens (femmes-oiseaux) - tableau de Walter Crane (1894) exposé à Londres
© Peter Nahum / wikimédia