Recherche
Vous êtes ici
S'affranchir ou s'enraciner : le droit de la migration depuis les colonies françaises vers la métropole à l'époque de l'esclavage
Conférences
Publié le
03 décembre 2015
Mis à jour le
04 mars 2016
Colloque
Archéologie des migrations
Colloque international organisé par l’Inrap, en partenariat avec le Musée national de l’histoire de l’immigration.
Les 12 et 13 novembre 2015 au Musée national de l’histoire de l’immigration.
Archéologie des migrations
par Sue Peabody, professeur d'histoire à l'Université de l'Etat de Washington et de Vancouver
L'esclavage institutionnalisé existe presque partout dans le monde antique, médiéval et moderne ; par un curieux hasard, c'est dans le royaume de France au cours de la période moderne, que naît le principe du « sol libre ». Selon cet argument juridique, tout esclave foulant le sol français s'affranchit. Cependant, dans ses colonies, la France devient de plus en plus dépendante de l'esclavage traditionnel, réglementé par les différents Codes noirs de 1685 (Antilles), 1723 (Mascareignes) et 1724 (Louisiane), et le gouvernement royal trouve plus pratique de suspendre le principe du « sol libre » pour le remplacer par une législation d'exclusion migratoire fondée sur des catégories raciales, interdisant à tous les « Noirs, mulâtres ou autres gens de couleur » d'entrer dans le royaume (Police des Noirs, 1777). Après une brève parenthèse pendant la Révolution, la Police des Noirs redevient le principe directeur de l'État français, interdisant l'immigration de tous les gens de couleur en métropole, jusqu'à l'élaboration d'une nouvelle loi sous la monarchie de Juillet, par laquelle le législateur réintroduit le principe du « sol libre » dans le droit positif. En étudiant les trajectoires personnelles d'individus venus chercher la liberté en métropole, nous comprenons mieux les variations du concept d'identité française dans l'émergence de l'État-nation moderne. En guise de conclusion, nous tenterons de répondre à la question suivante : quel serait le champ d'étude d'une archéologie du « sol libre de France » ?
Sue Peabody est professeur d'histoire à l'Université de l'État de Washington. Elle est spécialisée dans l'histoire de l'esclavage, de la race et du droit en France et dans ses colonies jusqu'en 1848. Parmi ses publications figurent : "There Are No Slaves in France": The Political Culture of Race and Slavery in the Ancien Régime (Oxford, 1996) ; Free Soil in the Atlantic World (avec Keila Grinberg, Routledge, 2014) ; The Color of Liberty: Histories of Race in France (avec Tyler Stovall, Duke, 2003) et le chapitre « La Race, l'esclavage et "la francité" : L'affaire Furcy », dans l'ouvrage Français ? La nation en débat entre colonies et métropole, XVIe-XIXe siècle, dirigé par Cécile Vidal (Éditions de l'EHESS, 2014). Son livre à paraître, Madeleine's Children: Family, Freedom, Secrets and Lies in France's Indian Ocean Colonies (Oxford, 2016), décrit la vie d'une famille peinant à faire reconnaître son affranchissement en droits français et britannique, entre 1750 et 1850.
Bibliographie
Bibliographie
- BOULLE P. H. (2007), Race et esclavage dans la France de l'Ancien Régime, Paris, Perrin.
- BOULLE P. H., PEABODY S. (2014), Le Droit des noirs en France au temps de l'esclavage, Paris, Éditions Autrement Mêmes, L'Harmattan ?.
- PLUCHON P. (1984), Nègres et juifs au XVIIIe siècle : le racisme au Siècle des Lumières, Paris, Tallandier.
- RUSHFORTH B. (2015), Bonds of Alliance: Indigenous and Atlantic Slaveries in New France, Omohundro Institute of Early American History and Culture, University of North Carolina Press..