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Sobibór : mettre au jour un passé volontairement caché !
Pour découvrir l’archéologie d’aujourd’hui, ses sciences connexes, mais aussi approcher et décrypter ce que la discipline recouvre de concepts, de modèles, Carbone 14, le magazine de l'archéologie, retrace les avancées de la recherche française et internationale et parcourt terrains, chantiers et laboratoires. Une émission à écouter chaque samedi, de 19 h 30 à 20 h sur France Culture et à réécouter sur Inrap.fr.
Avec Arnaud Sauli, historien de formation, réalisateur et documentariste et Boris Valentin Préhistorien, professeur à l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne.
Sobibór est un camp d'extermination nazi situé au cœur de la grande forêt de la Pologne orientale, frontalière de l'Ukraine et de la Biélorussie, fouillé depuis 2007, notamment par l'archéologue polonais Wojciech Mazurek qu'Arnaud Sauli, réalisateur documentariste, a filmé dans "Shéol".
Archéologie contemporaine et violence de masse
Complémentaire de l’Histoire, l’archéologie des temps contemporains est un formidable outil d’investigation. Par sa matérialité palpable, elle met en évidence des sources sincères - parfois émouvantes – souvent frappées d’amnésie. Pensons notamment aux violences de masse, celles de l’ex-Yougoslavie, du Rwanda, d’Argentine, ou de Chypre, celles-là même qui se déroulent aussi actuellement au cœur de l’Ukraine occupée par les armées russes, et surtout celles des camps d’extermination nazie.
L'archéologue Wojciech Mazurek (à droite), responsable des dernières fouilles du camp de Sobibór
- © Fabrice Main / Dublin films
Archéologie de Sobibór
Entre le printemps 1942 et l'automne 1943, 250 000 Juifs ont été assassinés dans les chambres à gaz de ce camp d'extermination, lequel, avec ceux de Belżec et de Treblinka, fait partie de "l'Aktion Reinhard". Fouiller à Sobibór c’est mettre au jour un passé volontairement caché, exhumer aussi « le refoulé », celui-là même imposé par les nazis en dissimulant leurs crimes durant l’hiver 1943.
Plaques d'identité retrouvées lors des fouilles sur le camp de Sobibór
- © Fabrice Main / Dublin films
Voici près de 10 ans, le magazine de l’archéologie de France Culture avait déjà évoqué les fouilles du camp d’extermination nazie de Sobibór (voir émission à réécouter). Un des grands témoins était alors Isaak Gilead, archéologue israélien de l’université Ben Gourion de Beer-Sheva. Aujourd’hui, nous ouvrons à nouveau ce dossier dans les pas des fouilles qui se poursuivent, depuis 2007, au cœur de la grande forêt de la Pologne orientale, frontalière de l'Ukraine et de la Biélorussie.
Grâce à Shéol, documentaire réalisé par Arnaud Sauli, nous suivons Wojciech Mazurek, archéologue polonais vieillissant, qui tente, dans une véritable quête, de faire revivre les morts, de les sortir de l’anonymat, pour mieux en ramener le souvenir, au travers d’objets. A défaut d’expliquer la Shoah, l’archéologie de Sobibór en révèle une part de matérialité.
Ces fouilles permettent aussi de comprendre la localisation des chambres à gaz et des limites du camp, des fosses communes, comme du long chemin menant aux chambres à gaz.
Parallèlement, dans l’épaisse forêt de conifères, les arbres portent toujours, incrustés, les fils de fer barbelés, le relief révèle, encore, quelques traces au sol, la nature n’efface rien, elle en conserve toutes les traces.
Forêt autour du camp de Sobibór
- © Fabrice Main / Dublin films
Toutefois, ces fouilles se doivent de laisser place à un projet de « mémorialisation » : un musée sur le site même du camp d’extermination. L’holocauste ne semble en rien surmonté en Pologne, Sobibór n’était-il pas encore et voici peu dénommé « le ghetto » ? Rappelons que les occupations allemandes puis russes ont été des épisodes très sombres de l’histoire d’une Pologne antisémite.
Vitrine montrant le matériel retrouvé sur le site du camp de Sobibór où un musée a été créé
- Fabrice Main / Dublin films
Shéol
Après Sobibór, 14 octobre 1943, 16 heures de Claude Lanzmann, « Shéol » Et la terre s’ouvrit une dernière fois, réalisé par Arnaud Sauli, est un grand film-témoignage, salué par la critique et couronné par le Grand Prix du documentaire historique 2022 des Rendez-Vous de l’Histoire.
À lire et à écouter aussi : Claude Lanzmann : "Le suicide, c'est un acte de résistance absolu"
Affiche du film "Shéol" réalisé par Arnaud Sauli
- © Dublin films
Pour aller plus loin :
- Page sur Arnaud Sauli et sa filmographie (site de film-documentaire.fr).
- A visionner, un court extrait de "Shéol" (site du Mémorial de la Shoah).
- A lire et visionner, un article d'Isabelle Malin, En Pologne, le travail minutieux d'un archéologue pour mettre au jour le camp de concentration de Sobibór (site Franceinfo:culture / Août 2022).
- Pages sur Boris Valentin : wikipedia, site de l'université Paris1 Panthéon-Sorbonne, site du laboratoire ArScAn (Archéologie et Sciences de l'Antiquité), avec une biographie sélective. Ses publications (site Cairn.info).
- A lire et à écouter, une émission avec Boris Valentin, La préhistoire et nous, dans le cadre de Chemins d'histoire, un podcast d'actualité historiographique animé par Luc Daireaux.
- A lire aussi, le texte d'un article rédigé par Boris Valentin et Vincent Charpentier (2014) : archéologie de l'extermination à Sobibór (site OpenEdition Journals).
- Page wikipedia sur le centre d'extermination de Sobibór, en Pologne.
- A visionner, une vidéo sur des photos inédites du camp d'extermination de Sobibór dévoilées (site de figaro.fr, janvier 2020).