Mis à jour le
03 février 2023

Une résidence aristocratique gauloise

 Bien que les vestiges gaulois soient les moins nombreux et dépassent l’espace fouillé, les informations qu’ils apportent suffisent à conclure au rang social élevé de leurs auteurs. Le cœur de l’habitat est délimité par un fossé de 2 à 4 m de largeur et d’1,50 à 2,00 m de profondeur, dont deux tronçons opposés sont connus. Son interruption de 6 m dans le tronçon nord correspond à un passage destiné à franchir la ligne fossoyée. La partie de l’enclos explorée contient un unique bâtiment, dont la construction remonte probablement aux origines de l’établissement, au IIIe s.

Les couches de sédiment qui s’accumulent progressivement dans le fossé fournissent l’essentiel des objets. Avant les premières détériorations des parois, un amas de restes animaux est déposé sur le fond, aux abord de l’entrée. Il contient un crâne de cheval, des parties de cuisse de bœuf, du porc et du capriné. Leur association et le choix des morceaux est atypique. Par ailleurs ce sont les seuls éléments qui soient en contact direct avec le fond, c’est-à-dire qui puissent être associés à la période de création de l’établissement. Le reste des objets recueillis appartient au IIe siècle av. J.-C. et est enseveli plus haut, après une phase durant laquelle les parois de craie et la terre de la surface s’érodent et comblent plus de la moitié du fossé. Il s’agit du mobilier le plus singulier du site : crâne de cheval et crâne de bœuf, vaisselle céramique finement décorée et armes. Ces dernières, toutes en fer, sont déformées par des coups reçus ou des torsions. C’est le cas de l’épée, des quatre fourreaux d’épée, du fer d’arme d’hast et de l’umbo de bouclier. Les remblais grossiers auxquels ils sont mêlés correspondent sans doute à une phase de rebouchage volontaire des abords de l’entrée. Malgré cela, le fossé reste visible dans le paysage de l’Antiquité, au moins jusqu’au IIIe siècle de notre ère. ap. J.-C.

La préférence accordée aux chevaux et aux bœufs et à certaines parties de leur anatomie, la proportion de vaisselle fine décorée et enfin la quantité d’armes mutilées, le tout daté du IIe siècle et enseveli dans un fossé de part et d’autre d’une entrée, renvoie à une catégorie de site du deuxième âge du Fer bien spécifique. Il s’agit de sanctuaires, où l’abondance des armes témoigne sans doute de l’orientation guerrière des cultes exécutés à cette période. Néanmoins, l’aménagement d’une entrée au nord et non à l’ouest, de surcroît désaxée par rapport au seul bâtiment reconnu, s’accorde davantage avec la diversité des plans d’habitats. De nombreux exemples d’habitats aisés sont répertoriés sur le territoire sénon, où la cour résidentielle est délimitée par un fossé de même amplitude que celui de Semoine La sélection bouchère et le vaisselier sont aussi de même qualité. Quant à la présence d’armes mutilées, elle est moins fréquente mais les découvertes, pour beaucoup inédites, se multiplient elles aussi en contexte d’habitat, sous la forme de petits ensembles similaires à celui enseveli à Semoine.

La formation du village médiéval aux VIIe et VIIIe siècles

Après la période antique dont le cœur de l’habitat échappe au secteur fouillé, le terrain est densément aménagé à partir du VIIe siècle ap. J.-C.. Deux bâtiments à fondations sur poteaux sont construits dans la moitié sud, dont l’un chevauche l’ancien fossé gaulois. Contre un de ses murs, une fosse est creusée afin d’installer un coffre en bois, retrouvé carbonisé, qui peut par exemple servir à stocker de petites réserves alimentaires. Cet édifice est suffisamment grand pour accueillir la vie domestique d’une cellule familiale, et l’autre peut correspondre à une grange ou à un abri à animaux. Au nord, on trouve 29 autres cabanes, elles aussi fondées sur des poteaux, mais dont le sol est décaissé de manière à être plus bas qu’à l’extérieur. On les retrouve en quantité sur de nombreux sites médiévaux du nord de la France, sans que leur fonction soit définitivement comprise. Elles sont généralement considérées comme des lieux de travail, pour le tissage par exemple, où le fil doit rester le plus humide possible. A Semoine, l’une d’elles est équipée d’un four et contient une grande quantité de chanvre.

Il est fort probable que la zone fouillée ne corresponde qu’à un segment d’un habitat groupé plus étendu. D’autres cellules d’habitation peuvent être imaginées de part et d’autre, selon un plan identique, avec les bâtiments d’habitation fermant l’extrémité méridionale. La voie de circulation publique longerait alors tous ces habitats, au sud. L’hypothèse ressemble fortement à l’aspect actuel du village, de type village-rue, où les maisons d’habitation sont collées à la rue et ferment l’espace privé. Les cours, accolées les unes aux autres sous la forme de bandes parallèles, aboutissent à la Maurienne, la rivière qui coule au nord en parallèle.

Nom de l'opération
Voie Palon
Cause de l'opération
Aménagement d’un lotissement
Type d'opération
Fouille
Période(s)
Antiquité
Moyen Âge
Responsable d'opération
Raphaël Durost
Suivi scientifique

AST : Philippe Gébus
SRA : Arnaud Alexandre

Equipe de recherche

G. Achard-Corompt (DAO) ;
A. Delor-Ahü (céramologie) ;
P. Barrois (fouille et enregistrement, lavage du mobilier) ;
G. Bataille (mobilier métallique) ;
B. Bécu (fouille) ;
D. Duda (topographie) ;
R. Durost (direction de l’opération et du rapport) ;
V. Garénaux (fouille) ;
F. Gauvain (fouille et enregistrement, lavage du mobilier) ;
R. Gestreau (Numismatique) ;
A. Hain (lavage du mobilier) ;
F. Krolikowski (DAO) ;
C. Leyenberger (dessin du mobilier) ;
S. Marlot (conduite de la mini-pelle) ;
C. Perrier (inventaire du mobilier, DAO) ;
P. Rousseau (fouille et enregistrement) ;
V. Peltier (lavage du mobilier) ;
M. Saurel (céramologie) ;
M.-C. Truc (mobilier métallique) ;
I. Turé (dessin du mobilier) ;
E. Vauquelin (fouille et enregistrement, DAO) ;

Collaborateurs scientifiques

V. Matterne (carpologie, CRAVO) ;
P. Méniel archéozoologie, CNRS) ;
A. Rappin (nettoyage du mobilier métallique, IRRAP)

Code opération
20107000902
Date
DU 01/01/2003 AU 14/02/2023
Pays
France