Émissions de radio
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Mis à jour le
28 novembre 2023

Avec Michaël Landolt, archéologue, protohistorien et contemporanéiste, directeur du centre européen du résistant déporté (CERD) du Struthof, ingénieur d’études attaché à la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) Grand Est.

L’archéologie de la Grande Guerre n’a que trente ans, mais apporte nombre d’éléments que, ni les textes ou l’Histoire, ni les témoignages d’époque ne peuvent fournir.

L’archéologie de la Grande Guerre est née de la découverte de la sépulture d’un homme illustre, un écrivain, tombé le 22 septembre 1914, auteur du Grand Meaulnes, Alain Fournier. C’est donc par la « violence de masse », notamment celle de 1914-1918, que l’archéologie contemporaine a réussi à s’implanter dans le paysage scientifique et patrimonial français, certains chercheurs se spécialisant, désormais, sur cette thématique.

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Vue générale d’un tronçon du « Kilianstollen » à Carspach, Haut-Rhin - © Michaël Landolt, Archéologie Alsace

Si, pour les historiens, les nécropoles militaires sont les principaux lieux de mémoire, les archéologues s’intéressent, quant à eux, aux champs de bataille. Rappelons que cette « archéologie des conflits contemporains » s’intègre dans un domaine plus vaste, celui de l’archéologie du champ de bataille, thématique possédant une chronologie bien plus ample que le XXe siècle, puisqu’elle couvre des millénaires et des épisodes historiques majeurs (Gergovie ou Alésia en France, défaite des légions romaines de Varus devant les germains d’Arminius, à Kalkriese, en Allemagne, par exemple).

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Fouille de la galerie allemande du « Kilianstollen » à Carspach, Haut-Rhin - © Michaël Landolt, Archéologie Alsace
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Dépotoir dans un cantonnement allemand à Sainte-Marie-aux-Mines, Haut-Rhin - © Claire Delalande, Archéologie Alsace

Il y a 107 ans, Verdun

La Grande guerre a laissé une multitude de palimpsestes dans le paysage, les traces fugaces disparaissant rapidement, les autres modifiant totalement l’environnement. Le 21 février 1916, débute la bataille de Verdun et ses dix mois de combats extrêmes. Ces dix mille hectares furent, une fois la paix revenue, classés zone rouge et boisés de trente-six millions d’épicéa, la nature reprenant ses droits au point d'effacer peu à peu les traces de la violence des hommes.

Si, malgré sa protection, ce champ de bataille est régulièrement saccagé par les pilleurs à la recherche de militaria, les archéologues ont entrepris un vaste programme, à l’aide d’un laser embarqué sur un avion (le Lidar), révélant ainsi nombre de réseaux de défenses et d’abris fortifiés, jusqu’à présent inconnus.

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Vue aérienne de la galerie allemande du « Kilianstollen » à Carspach, Haut-Rhin - © Jürgen Ehret
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Intérieur de la galerie allemande du « Kilianstollen » à Carspach, Haut-Rhin - © Michaël Landolt, Archéologie Alsace

Un petit Pompéi de la Grande Guerre

Durant l’hiver 1916, les forces allemandes créent un vaste abri, un souterrain, la galerie Kilianstollen, aux environs d’Altkirch (Haut-Rhin) pouvant accueillir 500 soldats durant les feux d'artillerie, juste à l’arrière de la première ligne de front. Le Kilianstollen a été creusé à 6 m de profondeur, largement étayé de madriers en bois, possède un plancher, est alimenté en électricité et raccordé au téléphone. Il s’effondra le 18 mars 1918, sous un bombardement d'artillerie française, et 21 soldats allemands y furent ensevelis.

Redécouvert lors de travaux d’aménagement routier, un tronçon de galerie, parfaitement préservé depuis son enfouissement en 1918, a été fouillé par Michaël Landolt. Les corps des 21 soldats et leur équipement ont été dégagés, dans un état de conservation remarquable (présence de cuir et, dans une moindre mesure, de tissus et de papiers). Les soldats ont été ultérieurement inhumés - avec les honneurs - dans le cimetière militaire d'Illfurth.

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Verre à moutarde retrouvé dans la galerie allemande du « Kilianstollen » à Carspach, Haut-Rhin - © Michaël Landolt, Archéologie Alsace
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1 : Verrerie médicale allemande / 2 : Encriers allemands en verre et en grès / 3 : Verrerie alimentaire, hygiénique et médicale / 4 : Bouteilles allemandes en verre / 5 : Bouteilles de bières et d’eaux minérales / 6 : Verres à moutarde - © Céline Leprovost / Isabelle Dechanez-Clerc / François Schneikert, Archéologie Alsace

Pour fouiller les vestiges de la Première Guerre mondiale, curieusement, l’archéologie, au service de la connaissance historique, apporte nombre d’éléments nouveaux que, ni les textes ou l’Histoire, ni les témoignages d’époque ne peuvent fournir. Pour mieux renouveler les approches, la discipline mène désormais de vastes études pluridisciplinaires (anthropologie, archéozoologie, entomologie, dendrochronologie etc.). Désormais de nombreux axes de recherches se développent : architecture des fortifications, vie quotidienne des combattants, alimentation et autosuffisance des troupes, cultes et superstitions sur le front, diffusion des idéologies, organisation des hôpitaux de campagne, gestion des cimetières temporaires…

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Capsules de boissons allemandes provenant de la position fortifiée allemande de Geispolsheim, Bas-Rhin - © Isabelle Dechanez-Clerc, Archéologie Alsace
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Tronçon partiellement incendié de la galerie allemande du « Kilianstollen » à Carspach, Haut-Rhin - © Michaël Landolt, Archéologie Alsace
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Chapelet associé à une balle française, retrouvé sur un soldat allemand du Kilianstollen à Carspach - © Alexandre Bolly, Archéologie Alsace

Pour aller plus loin

Durée :
30 min
Année :
2023