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14-18 : les sentiers de l'archéologie
Avec Michaël Landolt, archéologue, protohistorien et contemporanéiste, directeur du centre européen du résistant déporté (CERD) du Struthof, ingénieur d’études attaché à la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) Grand Est.
L’archéologie de la Grande Guerre n’a que trente ans, mais apporte nombre d’éléments que, ni les textes ou l’Histoire, ni les témoignages d’époque ne peuvent fournir.
L’archéologie de la Grande Guerre est née de la découverte de la sépulture d’un homme illustre, un écrivain, tombé le 22 septembre 1914, auteur du Grand Meaulnes, Alain Fournier. C’est donc par la « violence de masse », notamment celle de 1914-1918, que l’archéologie contemporaine a réussi à s’implanter dans le paysage scientifique et patrimonial français, certains chercheurs se spécialisant, désormais, sur cette thématique.
Si, pour les historiens, les nécropoles militaires sont les principaux lieux de mémoire, les archéologues s’intéressent, quant à eux, aux champs de bataille. Rappelons que cette « archéologie des conflits contemporains » s’intègre dans un domaine plus vaste, celui de l’archéologie du champ de bataille, thématique possédant une chronologie bien plus ample que le XXe siècle, puisqu’elle couvre des millénaires et des épisodes historiques majeurs (Gergovie ou Alésia en France, défaite des légions romaines de Varus devant les germains d’Arminius, à Kalkriese, en Allemagne, par exemple).
Il y a 107 ans, Verdun
La Grande guerre a laissé une multitude de palimpsestes dans le paysage, les traces fugaces disparaissant rapidement, les autres modifiant totalement l’environnement. Le 21 février 1916, débute la bataille de Verdun et ses dix mois de combats extrêmes. Ces dix mille hectares furent, une fois la paix revenue, classés zone rouge et boisés de trente-six millions d’épicéa, la nature reprenant ses droits au point d'effacer peu à peu les traces de la violence des hommes.
Si, malgré sa protection, ce champ de bataille est régulièrement saccagé par les pilleurs à la recherche de militaria, les archéologues ont entrepris un vaste programme, à l’aide d’un laser embarqué sur un avion (le Lidar), révélant ainsi nombre de réseaux de défenses et d’abris fortifiés, jusqu’à présent inconnus.
Un petit Pompéi de la Grande Guerre
Durant l’hiver 1916, les forces allemandes créent un vaste abri, un souterrain, la galerie Kilianstollen, aux environs d’Altkirch (Haut-Rhin) pouvant accueillir 500 soldats durant les feux d'artillerie, juste à l’arrière de la première ligne de front. Le Kilianstollen a été creusé à 6 m de profondeur, largement étayé de madriers en bois, possède un plancher, est alimenté en électricité et raccordé au téléphone. Il s’effondra le 18 mars 1918, sous un bombardement d'artillerie française, et 21 soldats allemands y furent ensevelis.
Redécouvert lors de travaux d’aménagement routier, un tronçon de galerie, parfaitement préservé depuis son enfouissement en 1918, a été fouillé par Michaël Landolt. Les corps des 21 soldats et leur équipement ont été dégagés, dans un état de conservation remarquable (présence de cuir et, dans une moindre mesure, de tissus et de papiers). Les soldats ont été ultérieurement inhumés - avec les honneurs - dans le cimetière militaire d'Illfurth.
Pour fouiller les vestiges de la Première Guerre mondiale, curieusement, l’archéologie, au service de la connaissance historique, apporte nombre d’éléments nouveaux que, ni les textes ou l’Histoire, ni les témoignages d’époque ne peuvent fournir. Pour mieux renouveler les approches, la discipline mène désormais de vastes études pluridisciplinaires (anthropologie, archéozoologie, entomologie, dendrochronologie etc.). Désormais de nombreux axes de recherches se développent : architecture des fortifications, vie quotidienne des combattants, alimentation et autosuffisance des troupes, cultes et superstitions sur le front, diffusion des idéologies, organisation des hôpitaux de campagne, gestion des cimetières temporaires…
Pour aller plus loin
- Présentation de Michaël Landolt : sur Linkedin, sur Academia.
- Article sur la nomination de Michaël Landolt à la direction du CERD Struthof (Centre Européen du Résistant Déporté) (DNA, novembre 2023).
- A lire, un article de Michaël Landolt, L'archéologie de la Grande Guerre : une nécessaire interdisciplinarité (2017).
- Dossier sur l'archéologie de la Grande Guerre du Ministère de la Culture.
- A regarder, une vidéo sur l'archéologie de la Grande Guerre (chaîne you tube Ex Cavator).
- Quelques liens sur la bataille de Verdun et la Grande Guerre : page wikipedia, site du mémorial de Verdun, site de l'Historial de la Grande Guerre à Péronne-Thiepval (Somme).
- Deux vidéos sur la bataille de Verdun : La bataille de Verdun - la grande explication (chaîne You tube Lumni) et La btaille de verdun racontée en stop motion (chaîne You tube Le Figaro).
- La galerie Kilian ou Kilianstollen à Carspach : site de l'association Kilianstollen 1918.
- Article, Archéologie : sur les fouilles de la galerie Kilianstollen (Site JDS, 2013).
- Site du Musée de la bataille de Fromelles (cité pendant l'émission).