Fruit d’une coopération entre paléogénéticiens et archéologues, les données génomiques de 243 individus échantillonnés dans 54 sites archéologiques français permettent de retracer 7 000 ans d’histoire, du Mésolithique à l’âge du Fer. L'étude publiée dans la revue Proceeding of the National Academy of Sciences est une importante contribution à la connaissance des génomes anciens et du pool génétique européen.

Dernière modification
11 juin 2020

En accédant aux génomes des populations passées, les chercheurs ont révélé comment des événements démographiques tels que les migrations ont été à l’origine de changements culturels majeurs pour nos sociétés et ont façonné le patrimoine génétique moderne en Europe. En France, ce type d’étude n’avait été réalisé que sur un nombre limité de sites archéologiques ou sur quelques marqueurs génétiques. Le projet Ancestra, (ANR JCJC 15-CE27-0001) coordonné par M. Pruvost, a permis d’étudier le génome d’un grand nombre d’individus provenant principalement de trois régions françaises, les Hauts-de-France, le Grand-Est et l’Occitanie, sur une période couvrant 7000 ans.

Dans cette étude, les chercheurs de l’Institut Jacques Monod (équipe Épigénome et Paléogénome) et de l’UMR PACEA ont analysé le génome mitochondrial et 120 marqueurs nucléaires associés à des polymorphismes liés à des caractères physiologiques connus (pigmentation, immunité innée…) de 243 individus échantillonnés dans 54 sites archéologiques français. Ils ont également étudié 58 génomes anciens à faible couverture afin de documenter toute la période chronologique allant du Mésolithique à l’âge du Fer, période au cours de laquelle sont survenus de profonds changements technologiques, culturels et sociaux tels que l’invention de l’agriculture, la sédentarisation ou la maîtrise de la métallurgie.

L'analyse des données génomiques de trois individus mésolithiques a révélé la présence d’une composante ancestrale associée au Magdalénien dans les populations de chasseurs-cueilleurs au-delà de la péninsule ibérique, ce qui suggère que ces populations étaient présentes à la fin du Paléolithique dans des régions plus au nord que celles précédemment signalées.

Deux grands événements de migrations se sont ensuite succédés en Europe. Au Néolithique, il y a environ 8000 ans, les premiers agriculteurs qui arrivent en France depuis l’Italie ou l’Europe centrale sont les lointains descendants de populations d'agriculteurs anatoliens, qui se sont ensuite mélangées avec des populations de chasseurs-cueilleurs autochtones. À la fin du Néolithique, il y a 4500 ans, les auteurs ont observé un flux génétique important d'individus dérivant pour une partie de leur ascendance des éleveurs de la steppe pontique d’Europe orientale. En revanche, aucun flux génétique majeur provenant de populations extérieures n’a pu être mis en évidence entre l'âge du Bronze et l'âge du Fer, ce qui suggère que cette transition correspond principalement à un changement culturel.

Si notre mode de vie a bien changé au cours de ces sept millénaires, certains marqueurs génétiques liés au système immunitaire ou à la pigmentation étaient déjà présents dans les populations néolithiques à des fréquences similaires à celles observées dans les populations européennes actuelles. En revanche, d’autres allèles de gènes, impliqués notamment dans des réponses aux toxines environnementales ou encore une résistance à la lèpre et à la tuberculose, n’avaient pas encore atteint leurs fréquences actuelles. De même, aucun des individus génotypés n'était porteur de la mutation responsable de la persistance à l'âge adulte de la lactase. Ils étaient donc intolérants au lactose.

Paléogénomique 1

Évolution de certains caractères phénotypiques depuis le Néolithique (en couleurs sont représentés les fréquences alléliques dans les populations néolithiques et en gris celles des populations européennes modernes)

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PNAS

Ce travail, réalisé grâce à une collaboration interdisciplinaire rassemblant des chercheurs de toute la France issus de l’archéologie préventive (INRAP, ANTEA-Archéologie…), du CNRS et de l’Université, offre une vision plus complète de l'histoire génomique et démographique de l'Europe au cours des grandes transitions culturelles de ces derniers millénaires.

Références
S. Brunel, E.A Bennett, L. Cardin, D. Garraud, H. Barrand Emam, A. Beylier, B. Boulestin, F. Chenal, E. Cieselski, F. Convertini, B. Dedet, S. Desenne, J. Dubouloz, H. Duday, V. Fabre, E. Gailledrat, M. Gandelin, Y. Gleize, S. Goepfert, J. Guilaine, L. Hachem, M. Ilett, F. Lambach, F. Maziere, B. Perrin, S. Plouin, E. Pinard, I. Praud, I. Richard, V. Riquier, R. Roure, B. Sendra C. Thevenet, S. Thiol, E. Vauquelin, L; Vergnaud, T. Grange, E-M Geigl, M. Pruvost (sous presse)

Responsable ANR : MAZIÈRE Florent (Inrap), PRUVOST Mélanie (Université Bordeaux - UMR 5199 PACEA)
Agents INRAP : Fanny Chenal, Fabien Convertini, Stéphanie Desbrosse-Degobertiere, Sophie Desenne, Gilles Escallon, Véronique Fabre, Muriel Gandelin, Yves Gleize,  Lamys Hachem, Florent Maziere, Estelle Pinard, Ivan Praud, Isabelle Richard, Vincent Riquier, Benoit Sendra, Corinne Thevenet, Sandrine Thiol, Elisabeth Vauquelin
Sites archéologiques
1- La Grotte des Perrats (Agris, Charente) ; 2- Escalles (Mont d’Hubert, Pas-de-Calais) ; 3- Les terrasses de la Zorn (Schwindratzheim, Bas-Rhin) ; 4- Ungeheuer Hoelzle (Morschwiller-Le-Bas, Haut-Rhin) ; 5-Rosheim Mittelfeld (Rosheim, Bas-Rhin) ; 6- Saulager (Bergheim, Haut-Rhin) ; 7- Innere Allmende (Niederhergheim, Haut-Rhin) ; 8- Muelhaecker (Bischwihr, Haut-Rhin) ; 9- Parc d’activités économiques intercommunal (Obernai, Bas-Rhin) ; 10- ZAC du Petit Prince (Rixheim, Haut-Rhin) ; 11- Buerckelmatt (Nordhouse, Bas-Rhin) ; 12- Untergasse (Erstein, Bas-Rhin) ; 13- Jardin des Aubépines (Colmar, Haut-Rhin) ; 14- Jebsenboden (Sainte-Croix-en Plaine, Haut-Rhin) ; 15- Ricoh (Wettolsheim, Haut-Rhin) ; 16- Saint-Léger-près-Troyes ; 17- Les Pointes et les Grèvottes “ZAC St Martin 1” (Breviandes, Aube) ; 18- Les Noues, Journée Carrée  (Orcontes, Marne) ; 19- Derrière le Village (Menneville, Aisne) ; 20- Le Champ Buchotte  (Larzicourt, Marne) ; 21- (Buchères, Aube) ;  22- La Plaine (Beaurieux, Aisne) ; 23- Le Haut de Launois, Ferme de l’île (Pont-sur-Seine, Aube) ; 24- Pré Chevalier  (La Villeneuve au chatelot, Aube) ; 25- Les Fontinettes, Champ Tortu (Cuiry-lès-Chaudardes, Aisne) ; 26- la Croix-Maigret (Berry-au-Bac, Aisne) ; 27- Recy (Châlons-en-Champagne, Aube) ; 28- Les Hautes Chanvières (Mairy, Ardennes) ; 29- Le Prieuré  (Isle-sur-Marne, Marne) ; 30- Chemin dit des Royats (La Cheppe, Aube) ; 31- La Bouche a Vesle ; 32- Attichy ; 33- Bucy le long ; 34- La grotte Gazel (Sallèles-Cabardès, Aude) ; 35- Le Champ du Poste (Carcassonne, Aude) ; 36- Les Plots (Berriac, Aude) ; 37- Le Crès (Béziers, Hérault) ; 38- Le Pirou (Valros, Hérault) ; 39-Villeneuve-Tolosane (Haute Garonne) ; 40- Cugnaux (Haute Garonne) ; 41- Aven de la Boucle (Corconne, Gard) ; 42- Le dolmen de Saint-Eugène (Laure-Minervois, Aude) ; 43- Le dolmen des Fades (Pépieux, Aude) ; 44- Le dolmen des Peirières (Villedubert, Aude) ; 45- Mitra 2 and 3 (Saint-Gilles-du-Gard, Gard) ; 46- Quinquiris (Castelnaudary, Aude) ; 47- Mas de Vignole IV (Nimes, Gard) ; 48- Manduel ; 49- Le Cailar ; 50- Oppidum du Plan de la Tour (Gailhan, Gard) ; 51- Oppidum de Pech Maho (Sigean, Aude) ; 52- La necropole du Peyrou 2 (Agde, Herault) ; 53- La Monedière (Bessan, Herault).
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