Labellisée « L'Inrap a 20 ans ! », l’exposition Éclats arvernes – Trésors archéologiques du monde romain, présentée du 18 mars au 6 novembre 2022 au musée départemental de la Céramique à Lezoux, nous invite à contem­pler des objets archéologiques arvernes inédits ou issus de collections anciennes, et à travers eux, les nombreux « éclats »  d’une culture où peuvent s’entremêler la civilisation romaine et la culture arverne (sous le vernis romain).

Dernière modification
17 mars 2022

Une puissance, une culture, un rayonnement

Les Arvernes apparaissent dans l’histoire à la fin du IIIe s. avant J.-C., dans le récit de la seconde guerre punique. Ce peuple gaulois, mentionné par plusieurs sources écrites, apparaît comme très puissant, capable de lever des armées importantes, même si ce pouvoir a pu être exagéré par les Romains, qui, malgré la victoire de Vercingétorix à Gergovie, les ont vaincus à la fin de la Guerre des Gaules. Après la conquête romaine, les Arvernes demeurent pendant tout l’Empire un des grands peuples de la Gaule romanisée. Leur territoire correspond aux actuels dé­partements du Puy-de-Dôme, du Cantal, une partie de l’Allier et une petite partie de la Haute-Loire. Organisé autour du chef-lieu de cité, Augustonemetum (Clermont-Ferrand), il est rattaché à la province d’Aquitaine, l’une des trois provinces que crée Auguste vers 16-13 av. J.-C. pour partager et administrer la Gaule.

La cité arverne connaît une prospérité incon­testable, comme en témoignent les dimen­sions imposantes de son chef-lieu de cité, le dynamisme de ses ateliers de fabrication de sigillée (Lezoux étant le plus célèbre) ou encore le fameux temple de Mercure construit au sommet du puy de Dôme. Pline l’Ancien (Ier s. apr. J.-C.) mentionne que les Arvernes avaient chargé Zénodore, sculpteur grec renommé, d’ériger à prix d’or une statue colossale de bronze à l’effigie de ce dieu.

Deux livres, deux expositions

Existe-t-il une « culture arverne » propre à ce territoire ? Quelle est la part d’influence du « modèle » romain et quelle est celle d’un substrat plus autochtone dans l’Auvergne des premiers siècles de notre ère ? Résistance ? Acculturation ? Assimilation ? Cette culture arverne n'apparaît de manière cohérente qu'avec le recul du temps long et elle se fractionne en une infinité d'éclats. En 2014, un premier ouvrage collectif (50 chercheurs) intitulé Éclats arvernes. Fragments archéologiques (Ier-Ve  siècle apr. J. C.), coordonné par Philippe Bet (Inrap) et Bertrand Dousteyssier (UAR 3550, UCA/CNRS, université Clermont Auvergne), faisait revivre, grâce à un échantillon d’objets archéologiques
emblématiques (110 notices, 340 pages), cette culture de l’un des peuples les plus puissants de Gaule, ce qui avait alors incité musée départemental de la Céramique de Lezoux a proposer une première exposition Éclats arvernes, remobilisant cette donnée scientifique nouvelle ou reconsidérée. 

La parution d’un deuxième volume (septembre 2021), construit sur le modèle du premier et mobilisant près d’une centaine d’archéologues venus d’horizons divers (Université, ministère de la Culture, musées, CNRS, Inrap, services territoriaux, sociétés privées d’archéologie, associations archéologiques), a incité le musée à présenter une nouvelle exposition prolongeant les questions posées par le livre.

50 objets

Le parti pris de l’exposition, reprenant la philosophie de l’ouvrage, est de mettre en avant l’œuvre, l’objet archéologique, découvert ou redécouvert (en cas de fouilles anciennes) par les auteurs de l’ouvrage. Plus d’une quarantaine d’objets ont été sélectionnés, en concertation avec les directeurs de la publication. Bien que le musée soit réputé pour sa céramique gallo-romaine, c’est la variété dans les provenances géographiques (départements de l’Allier, du Cantal et du Puy-de-Dôme), dans les matériaux (céramique, bois, métal, pierre...), les usages et les domaines (militaire, religieux, funéraire…) qui a guidé les choix, ainsi que le potentiel narratif de l’objet. L’exposition est également l’occasion de présenter des objets qui ne sont pas toujours accessibles au public, étant dans des lieux de conservation fermés, ou dans des collections privées. 

On y verra par exemple, un canif à lame de fer dont le manche en os représente une perruche à queue longue, découvert à Bellerive-sur-Allier, un hochet en forme de pigeon, une règle graduée authentiquement « gallo-romaine » puisqu'elle comporte deux systèmes de graduation, l'un établi sur le pied romain (29,57cm =4 paumes de 7,36 cm), l'autre sur un pied « local » ; une rarissime poignée de porte en bronze représentant Vénus (Martres-de-Veyre), une représentation des phases du rituel du dieu Attis,  en berger phrygien avec son bonnet, sur un  tambour de colonne en arkose monument d’Augustonemetum (Clermont-Ferrand) ou une phalère représentant une superbe tête de méduse, dont on ne sait si elle était fixée sur la cuirasse d'un officier arverne ou sur une porte d'entrée... Tous ces objets issus des réserves ou de vitrines de musées, mais aussi des dépôts de fouille, soulèvent encore de nombreuses questions sur leurs fonctions, mais montrent clairement que le peuple arverne n'a rien perdu de sa splendeur au lendemain de la conquête romaine et combien il a contribué à la diversité et à la richesse culturelle de l'Empire.

Adressée au grand public, l'exposition présente également des photographies de fouilles, ainsi que des reconstitutions en 3D (réalisées par Court-Jus Production), un parcours de lecture pour le très jeune public, ainsi qu'un riche programme de conférences et de médiation.

Commissariat de l'exposition : Fabienne Gateau et Alain Maillot  (musée départemental de la Céramique de Lezoux)
Commissariat scientifique : Philippe Bet (Inrap) et  Bertrand Dousteyssier (UAR 3550, UCA/CNRS, université Clermont Auvergne
ÉCLATS ARVERNES. Fragments archéologiques (Ier – Ve siècles apr. J.-C.) - Tome 2, publié par les Presses Universitaires Blaise-Pascal, sous la direction de Philippe BET et Bertrand DOUSTEYSSIER, septembre 2021.