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Généalogie de deux familles néolithiques françaises
Avec Maïté Rivollat, paléogénéticienne à l’Université de Gand (Belgique), rattachée au laboratoire CNRS PACEA de l’Université de Bordeaux.
La paléogénomique d’une nécropole néolithique de l’Yonne permet de reconstruire les arbres généalogiques de deux familles dont l’organisation sociale est exogame, patrilinéaire et patrilocale.
L’archéologie est une ethnologie du passé, mais les communautés sur lesquelles travaillent les archéologues ont disparu depuis fort longtemps, et il leur est donc fort difficile d’évoquer l’organisation sociale de ces groupes humains. On a ainsi cru voir dans les sociétés néolithiques, tout à la fois des communautés égalitaires ou tout au contraire, l’émergence d’inégalités et de chefferies.
Aujourd’hui, la paléogénomique apporte des données majeures sur les premières sociétés agropastorales vivant en France. Paru dans la revue Nature, une étude, fruit d’une collaboration entre l’Université de Bordeaux et l’Institut Max-Planck de Leipzig, retrace les filiations génétiques (donc les structures sociales), de deux familles inhumées dans l’Yonne, il y a quelque 6 500 ans.
Les analyses génomiques de 94 individus ont permis de reconstituer deux arbres généalogiques. Le premier se compose de 64 individus sur 7 générations, le second relie 12 individus sur 5 générations.
L'étude des généalogies révèle une forte structure patrilinéaire, la transmission sociale s’opèrant donc par le père. Par ailleurs, le croisement des analyses génétiques et isotopiques met en évidence l’origine non locale de la plupart des femmes, suggérant la pratique de la patrilocalité. Ainsi, les fils restent vivre au sein de la communauté et ont des enfants avec des femmes extérieures au village, alors que la plupart des filles adultes de la lignée sont absentes, parties rejoindre d’autres groupes. Cette communauté pratique donc un jeu d’alliance puis de parenté réciproque large intégrant plusieurs groupes.
L’étude révèle aussi la présence d’un individu, masculin, à l’origine de tous les membres de la plus grande famille : un patriarche et "père fondateur" de la nécropole.
Pour aller plus loin
- Présentation de Maïté Rivollat sur le site du laboratoire PACEA (de la Préhistoire à l'Actuel : Culture, Environnement et Anthropologie) de l'Université de Bordeaux.
- Publications sur Research gate, sur OpenEditions Journals, Academia (en anglais).
- Article original présentant cette recherche, "Extensive pedigrees reveal the social organization of a Neolithic community" (Revue Nature, 26 juillet 2023 - en anglais).
- Article "Portrait de famille au néolithique : des arbres généalogiques aux comportements sociaux" (site du CNRS, août 2023).
- Article, "Grâce à l’ADN, rencontre avec une famille 'française' du Néolithique" (The Conversation, juillet 2023).
- À regarder le résumé de cette recherche en vidéo (YouTube, août 2023).
Quelques références
- Page sur la culture de Cerny.
- Article sur le site de Fleury-sur-Orne (Inrap, 2014).
- Article sur Eric Crubézy, archéologue et paléoanthropologue à l'Université de Toulouse 3.
- Page de Stéphane Rottier, archéologue et anthropologue, maître de conférences à l'Université de Bordeaux 1.