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Mis à jour le
07 décembre 2021

Avec Marie-Laurence Haack, historienne et étruscologue, professeure d'histoire ancienne à l'université de Picardie Jules-Verne.

Engloutis sous la puissance de Rome, les Étrusques ne sont plus aujourd’hui sur le devant de la scène, et ont d’ailleurs disparu des manuels scolaires, français et italiens, au cours du XXe siècle, probablement parce que seule une bribe de leur propre histoire, de leur littérature nous est parvenue.

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Photographie et dessin de l’inscription sur l’architrave d’une tombe de la nécropole de Crocifisso del Tufo à Orvieto (550-500 avant J.-C.).

• Crédits : © Orvietonews

Les étruscologues sont rares en France, un peu plus nombreux en Italie, il existe pour autant une véritable actualité des fouilles en Étrurie, notamment à Orvieto, mais aussi en Corse avec la fameuse découverte de la tombe d’une jeune aristocrate étrusque datée du IVe siècle avant notre ère à Aléria.

Marie-Laurence Haack "Il est difficile d'échapper à Rome parce que nous sommes marqués, influencés par les manuels scolaires qui nous ont formé.es depuis le 19e siècle. Depuis que l'école est obligatoire, forcément, lorsque l'on étudie l'Antiquité à l'école, on étudie les Grecs et les Romains, et l'Italie est forcément romaine ! Les Étrusques, on en parle quasiment pas et on en parle de moins en moins. Les manuels (scolaires) depuis les années 80, que ce soit en France, en Italie ou en Allemagne, ne laissent quasiment pas de place aux Étrusques. [...] A l'université française, nous sommes très peu à être étruscologues. [...] Dans mon université, je n'enseigne même pas l'étruscologie, mais l'histoire romaine."
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Cratère d’Aristonothos de Cerveteri, 1ère moitié du VIIème siècle avant J.-C.

• Crédits : © wikimedia commons


L’âge d’or, l’apogée étrusque, c’est bien entendu la période archaïque des années 580-480 av. notre ère, une période de rayonnement sur la Méditerranée et la mer tyrrhénienne mais aussi bien au-delà vers la Gaule. Il faut alors évoquer l’Étrurie comme « l’un des premiers bassins industriels d’Europe », avec notamment le port de Populonia, et les mines de fer de l'île d’Elbe, lui faisant face. Au vu de notre connaissance fragmentaire des Etrusques, ceux-ci nous ont surtout légué leurs nécropoles et un art funéraire d’exception, avec notamment Tarquinia, Cerveteri et Vulci.

Marie-Laurence Haack "Le territoire des Étrusques, c'est un peu plus que la Toscane. En fait, il faut partir du Tibre, le fleuve qui passe à Rome, et remonter jusqu'à l'Arno, qui passe à Florence. Ca comprend à la fois le nord du Latium, la Toscane et une partie de l'Ombrie. [...] Mais les Étrusques ont été tellement puissants qu'ils sont allés aussi plus au nord, jusqu'aux bouches du Po, dans la plaine padane, où l'on a des traces de colonisation étrusque, de comptoirs étrusques, notamment dans les villes d'Adria et de Spina."
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Femme étrusque nommée Velia Spurinna, représentée sur une fresque de la Tomba dell'Orco de Tarquinia datée de la fin du IVème siècle avant J.-C.

• Crédits : © wikimedia


Durant la période fasciste, dans des temps où l’on évoquait les races à défaut d’ethnicité, Giulio Cesare Evola, dit Julius Evola, philosophe réactionnaire, fait des Étrusques une civilisation féminine en opposition à celles des Romains, masculine. Reprenant Bachofen, il développe l’idée d’olympiano-virile face au tellurico-féminine : « la civilisation des Héros face à celle des Mères, le solaire face au chtonien-lunaire, le droit patriarcal et le matriarcat".

Marie-Laurence Haack "On sait que la famille Romaine est centrée autour du pater familias. C'est la figure masculine qui est le pilier de la famille. Chez les Étrusques, c'est un peu différent dans la mesure où les représentations de la famille sont liées au couple. C'est le couple qui est le noyau central de la famille. [...] La place de la femme, et la place du couple, est évidemment un élément central qui ne correspond pas à ce qu'on a ni chez les Grecs, ni chez les Romains."
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Danseurs de la Tombe du Triclinium avec la Nécropole de Monterozzi

• Crédits : © wikimedia commons


Alfred Rosenberg, un des plus sinistres archéologues du second Reich, théoricien du nazisme et proche de Himmler, dote quant à lui les Étrusques, dont les origines seraient proche-orientales, de tous les vices

Marie-Laurence Haack "La langue étrusque n'est pas une langue indo-européenne. [...] Ce qui rend évidemment la compréhension de l'étrusque un peu difficile, juste un peu, puisqu'en réalité, la difficulté n'est pas si grande, car l'étrusque est écrit en grec. Je différencie la langue et l'écriture. La langue n'est pas indo-européenne, mais l'écriture utilisée pour la transcrire, elle, est grecque. C'est un alphabet grec archaïque qui se comprend parfaitement. On arrive à lire les inscriptions qui sont courtes, on a plein de textes courts."


Nous en parlons avec Marie-Laurence Haack, historienne et étruscologue, professeure d'histoire ancienne à l'université de Picardie Jules-Verne.

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Année :
2021
Durée :
29 min
Année :
2021