Émissions de radio
5
Score : 5 (1 vote)
Mis à jour le
28 mars 2022
Collection
Carbone 14

Pour découvrir l’archéologie d’aujourd’hui, ses sciences connexes, mais aussi approcher et décrypter ce que la discipline recouvre de concepts, de modèles, Carbone 14, le magazine de l'archéologie, retrace les avancées de la recherche française et internationale et parcourt terrains, chantiers et laboratoires. Une émission à écouter chaque samedi, de 19 h 30 à 20 h sur France Culture et à réécouter sur Inrap.fr.

Avec Dominique Garcia, archéologue et historien, président de l'Inrap, professeur à l’université d’Aix-Marseille, membre de l'Institut Universitaire de France.

Entre science et patrimoine, 20 ans passés, 20 ans d’avenir : autour des 20 ans de l'Inrap, avec Dominique Garcia, président de l'Inrap.

838_000-32683a4.jpeg



Sarcophage du 14e siècle découvert dans le sous-sol de Notre-Dame de Paris (15 mars 2022).

 

• Crédits : © JULIEN DE ROSA - AFP

Veste orange, ou tee-shirt blanc, truelle en main, souvent dans le vrombissement des pelles mécaniques, ils scrutent, creusent, explorent notre sol, pour mieux dégager, exhumer, révéler des pans entiers d’un passé encore inconnu, « pour mieux donner la parole aux muets de l’Histoire » nous disent-ils… 2 000 archéologues fédérés au sein d’un grand institut national, le plus puissant d’Europe et au Monde, l’Institut national de recherches archéologiques préventives, l’Inrap ! Ce sont eux qui font surtout l’actualité, 50 000 sites testés, dont 5 000 fouillés en vingt ans, faisant de notre territoire national un gigantesque laboratoire, de la France un site archéologique…

Dominique Garcia "L'archéologie préventive a deux actions qui me paraissent extrêmement fortes : c'est d'être partout présents sur le territoire. [...] Il y a partout, en France, des ronds-points, qui ont, potentiellement, pu être des sites archéologiques. Et donc, des chercheurs sont venus sur ces terrains révéler des vestiges, aux gens qui y habitent, qui occupent cet espace et partager la connaissance, au moment de la fouille, mais également lors de portes ouvertes, de conférences, d'expositions. C'est une archéologie sur les territoires dont les acquis, la connaissance, sont partagés avec le plus grand nombre."
Dominique Garcia "Découvrir des sépultures dans un édifice religieux est quelque chose qui est attendu. On sait d'ailleurs que plusieurs centaines de défunts ont été inhumés à Notre-Dame. Viollet le Duc, lui même, lors de ses travaux du 19e siècle, avaient repéré des sépultures, mais elles datent essentiellement du 18e siècle. Celle-ci, celle dont on a beaucoup parlé cette semaine est recouverte par un remblai du 14e siècle mis au jour dans un endroit privilégié. Elle est donc la plus ancienne connue et pourrait être bien conservée."

Notre-Dame de Paris

Pour preuve, ils fouillent aujourd’hui au cœur de Notre-Dame de Paris, où ils exhument quelque mystérieux sarcophage en plomb, ou une statuaire, dont les seuls témoins, jusqu’à présent connus, sont tout simplement au Louvre !

838_dsc-6774.jpeg

Sarcophage en plomb datant du 14è siècle découvert sous le transept de la cathédrale Notre-Dame de Paris

• Crédits : © Denis Gliksman, Inrap/EPRNDP

Dominique Garcia "Le premier élément, c'est ce qui se passe actuellement (mi-mars 2022, ndlr) et qui est important, c'est d'abord analyser "le contexte". Ce n'est pas le sarcophage en tant que tel, ce n'est pas le mystère qu'il contiendrait, mais bien l'analyse du contexte, de la stratigraphie, ce que font les collègues sur le terrain. Ensuite, le sarcophage sera déposé et va commencer une nouvelle fouille, celle de la structure, du sarcophage et également de son contenu."

 

Un sarcophage anthropomorphe en plomb

Parmi les sépultures mises au jour, un sarcophage anthropomorphe en plomb, intégralement conservé, qui devrait dater du XIVe siècle. Eu égard son emplacement, il devrait s’agir de la sépulture d’un haut dignitaire, religieux ou non. L’introduction d’une caméra endoscopique dans le sarcophage a permis d’identifier des feuilles sous la tête du défunt, des cheveux, des fragments de textile… confirmant le très bon état de conservation de la dépouille. Transporté dans un laboratoire, le sarcophage sera l’objet d’une étude « archéo-thanatologique » avec sa cohorte d’analyses isotopiques, à l’image de la fouille de la sépulture de Louise de Quengo, (1584 - 10 mars 1656) exhumée à Rennes.

838_dsc-6637.jpeg



Mains jointes en calcaire appartenant au jubé de la cathédrale Notre-Dame

 

• Crédits : © Denis Gliksman, Inrap/EPRNDP

Dominique Garcia "Le jubé de Notre-Dame de Paris a été détruit au 18e siècle et on n'en n'a aucune image en élévation. Seuls quelques fragments avaient été récupérés par Viollet le Duc et sont aujourd'hui présentés au musée du Louvre. Là, aujourd'hui, on retrouve sur le sol de nombreux fragments de ce jubé, ce qui permettra sans doute de faire une restitution soit réelle, soit grâce à des moyens numériques. Les pièces sont superbes, bien conservées, fraîches, avec des traces de polychromie. On a là, un élément d'histoire de l'art extrêmement important révélé par l'archéologie en 2022."

 

Le jubé de Notre-Dame

La très grande découverte n’est pas tant le sarcophage, mais une série de blocs de pierre, du lapidaire daté du XIIIe siècle. Il s’agit des éléments du jubé, cette clôture de pierre séparant le chœur liturgique de la nef et des fidèles. Celui de Notre-Dame, construit vers 1230 avait été détruit au début du XVIIIe siècle. Exhumés dans une fosse, ces éléments sculptés sont polychromes, qui seront à comparer avec les rares blocs découverts par Viollet-le-Duc et conservés au Musée du Louvre !

Que pourrait-être l’archéologie préventive dans les années à venir ? Elle pourrait étendre considérablement son champ d’action et investir les surfaces affectées par l’agriculture intensive, voire ceux liés au dérèglement climatique, comme aborder la frange littorale et l’estran. Quoiqu’il en soit, 5 000 fouilles ont déjà révélé un passé qui n’est désormais plus muet, celui d’une tombe étrusque en Corse, celle d’un grand prince gaulois à Lavau, la liste est très longue…

Dominique Garcia "On voit, aujourd'hui, vingt ans d'archéologie : c'est 50 000 sites qui ont été pointés sur la carte de France. On y voit les zones que l'on connaît bien. On y voit les zones où l'on souhaiterait travailler. On connaît les périodes où les dossiers sont bien avancés, et on voit les périodes sur lesquelles on doit encore retravailler."
838_img-9277.jpeg



Vue aérienne des fouilles de l'Inrap dans le transept de la cathédrale

 

• Crédits : © Denis Gliksman, Inrap/EPRNDP

Pour en savoir plus

Estampille 20 ans
Année :
2022
Durée :
30 min