Vous êtes ici
Marseille, 26 siècles d’histoire urbaine
Avec Marc Bouiron, directeur scientifique et technique de l’Inrap, conservateur en chef du patrimoine, archéologue de la ville de Marseille, puis de la métropole de Nice.
Partis de la cité de Phocée, sur les rives de l’Asie mineure, des colons grecs débarquent, vers 600 avant notre ère, dans une calanque du Midi. Depuis, Marseille est l’unique cité de France à pouvoir revendiquer 26 siècles d’histoire urbaine.
Le lointain passé de Marseille se dévoile sous la truelle des archéologues, mais aussi, au fur et à mesure de l’aménagement de la métropole moderne. Un long chemin a été fait depuis la fin des années 1960 et la fouille de la Bourse, dont Gaston Defferre, alors maire de la cité, jugeait les vestiges grecs comme n’étant pas ceux du Parthénon d’Athènes.
Quoiqu’il en soit, Marseille reste avant tout l’incontournable première ville de France, celle-là même fondée par une communauté phocéenne, partie des rivages ioniens. La création d’une cité grecque au cours du 6e siècle avant notre ère constitue donc un hapax dans le paysage archéologique national.
Un monument d’exception
À défaut de Parthénon, les archéologues ont découvert, sous le collège du vieux port, un exceptionnel édifice grec, réservé à l'élite de la cité et d'un luxe encore inconnu à Marseille. Le monument est une salle de banquet -l’hestiatorion en grec- dont seuls quelques exemples sont connus dans le monde hellénistique, notamment dans la "Maison des Prêtres" de Delphes.
Marseille, un emporium avant tout
L’implantation de grecs ioniens dans la baie de Marseille est régie par un modèle, celui de l’emporium, c’est-à-dire un comptoir, établissement commercial, fondé en terre étrangère. Cette fondation, vers 600 avant notre ère, est toutefois tardive puisque, les rives du bassin occidental de la Méditerranée sont déjà occupées par des colons, Phéniciens et Puniques, en Afrique du Nord et en Espagne, Grecs en Sicile et en Italie. La cité de Marseille s’affirme alors aussi dans son domaine “gaulois” avec notamment la place d’un vignoble et d’exportations de vin.
Vers 540-530 avant notre ère, l’organisation de l’emporium phocéen est ébranlée : Phocée est prise par les Perses, tandis que les Grecs perdent la bataille d’Alalia, les opposant aux étrusques et Carthaginois. Une nouvelle vague de population, partie de Phocée, migre alors et s’implante à Marseille, amenant avec elle un certain nombre de nouveautés, dont l’usage de la monnaie.
Des navires au fond du port...
Deux bateaux grecs ont été mis au jour dans le port antique sous l’actuelle place Jules Verne. Le premier navire, assemblé par des planches cousues, était probablement destiné à la pêche du corail, le second, à rames et voile carrée, mais aussi assemblé avec des tenons et des mortaises, pouvait embarquer une charge de 12 tonnes de charge.
Mais aussi des graffiti !
La fouille de l'Alcazar est une des grandes fouilles de Marseille. Dès l'Antiquité, un monument grec avait été démonté, l'un de ses blocs (de deux mètres de long et pesant une demi-tonne), portait une curiosité sans équivalent : des centaines de graffiti antiques superposés, de lettres, de silhouettes humaines ou animales, mais surtout des navires de guerre grecs, encore jamais représentés des graffiti. Ces navires, propulsés par cinquante rameurs, sont des pentécontores et ont été utilisés lors de la migration entre les cités de Phocée et de Marseille. Ces graffitis ont été perçus grâce à la nouvelle technologie du RTI (Reflectance Transformation Imaging) qui capture la couleur de la surface d'un objet.
L’histoire de la Marseille grecque s’achève en 49 avant notre ère. La cité ne prenant pas partie pour César ou Pompée qui s'opposent durant la guerre civile, la ville est prise par César.
Pour aller plus loin
- Page de présentation de Marc Bouiron sur le réseau Linkedin.
- Présentation de l'ouvrage co-écrit par Marc Bouiron et Philippe Melinand, Quand les archéologues redécouvrent Marseille, (éditions Gallimard en 2013).
- Présentation de l'ouvrage Fouilles à Marseille : approches de la ville antique (VIe s. av.-VIIe s. ap. J.C.) sous la direction de Marc Bouiron, Philippe Melinand et Henri Trézigny (éditions Presses universitaires de Provence, novembre 2023).
- Ses publications sur le site persee.fr : "Le fond du Vieux-Port à Marseille, des marécages à la place Général-de-Gaulle" (revue Méditerranée , 1995); "Morphogenèse et impacts anthropiques sur les rives du Lacydon à Marseille (6000 av. J.-C. - 500 ap. J.-C.)" (revue Annales de Géographie ,1996); "Marseille (Bouches-du-Rhône). Place Général de Gaulle." (revue Archéologie médiévale , 1994).
Quelques Références
- Lien pour en savoir plus sur les fouilles du chantier de la Bourse à Marseille (site de l'Inrap.fr).
- Lien pour en savoir plus sur le mur de Crinas découvert en 1913 (site de radiofrance.fr).
- Lien pour en savoir plus sur les fouilles du collège vieux-port à Marseille (site de l'Inrap.fr).
- Lien pour en savoir plus sur les fouilles de l'Alacazar à Marseille (site de l'Inrap.fr).
- Lien pour en savoir plus sur la fouille de la place Villeneuve-Bargemon (site de l'Inrap.fr).
- Lien pour en savoir plus sur le terme d'Hestiatorion (site de l'Iraa.fr).