Conférences
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Mis à jour le
06 novembre 2018
Colloque
Archéologie des migrations

Colloque international organisé par l’Inrap, en partenariat avec le Musée national de l’histoire de l’immigration.
Les 12 et 13 novembre 2015 au Musée national de l’histoire de l’immigration.

Archéologie des migrations
par Pascal Picq, paléoanthropologue, maître de conférences au Collège de France

L'Homme, le genre Homo, est le seul singe migrateur. Les singes, ou « simiiformes », représentent un groupe de plus d'une centaine d'espèces dans la nature actuelle, toutes dépendantes de milieux arborés, à l'exception des quelques espèces de babouins et de macaques. Les grands singes Hominoïdes (chimpanzés, gorilles, orangs-outangs et gibbons) manifestent une très forte dépendance écologique avec les milieux forestiers denses et humides (à part quelques populations de chimpanzés). Toutes ces espèces de singes et de grands singes sont territoriales et ne migrent pas. Les plus anciens représentants de notre lignée, les Australopithèques au sens large, vivaient dans des forêts saisonnières et des savanes arborées. Cette dépendance au monde des arbres est rompue avec l'émergence du genre Homo. Par-delà toutes les controverses sur ces premiers hommes, on constate qu'ils sont présents en Afrique et, très vite, sur les franges méridionales de l'Eurasie. Leur grande diversité morphologique témoigne de cette expansion géographique. Même si ces premiers hommes sont sortis d'Afrique avec la communauté savanicole du lion, cela signifie une moindre dépendance à un territoire. Par ailleurs, seuls des hommes poursuivent leur expansion vers l'est quand la communauté savanicole du lion bute sur la communauté forestière du tigre. Dès lors, les migrations des populations humaines ne sont plus dictées que par des pressions de l'environnement. Pendant des centaines de millénaires, des populations humaines s'installent sous des altitudes et surtout des latitudes de plus en plus hautes. Au Paléolithique moyen se dessine une biogéographie de l'Ancien Monde avec des populations néandertaliennes (Homo neanderthalensis) en Europe et en Asie centrale ; des Homo sapiens en Afrique, dans la péninsule arabique et une partie du Proche-Orient ; des hommes de Denisova, connus en Asie centrale, et les petits hommes de Florès. Leurs mouvements se font par voie terrestre, à l'exception notable de ceux de Florès.

Puis se met en place un événement unique dans toute l'histoire de la vie : l'expansion de notre espèce Homo sapiens depuis l'Afrique qui, amorcée il y a 100 000 ans, se concrétise par l'accès aux Nouveaux Mondes : Australie/Nouvelle-Guinée, Amérique du Sud puis du Nord, Océanie et, très tardivement, Madagascar. Ces migrations se font en bateau et en radeau, par cabotage et aussi de façon hauturière. Dans l'état actuel de nos connaissances, seules des populations d'Homo sapiens se sont lancées par-delà l'horizon et vers l'inconnu absolu. Il s'agit d'un type de migration qui ne s'apparente en rien à celles connues chez les autres mammifères, et même les oiseaux, car non annuelles, non poussées par des pressions environnementales ou démographiques et sans idée de retour. Est-ce là le vrai propre de l'Homme ? Cette diaspora récente de l'humanité moderne se traduit par une grande diversité génétique, linguistique et mythologique- une histoire naturelle au sens de Lévi-Strauss -, et c'est en voyageant parmi ces diversités et en effectuant une analyse systématique l'on reconstitue les migrations et le peuplement de la Terre par Homo sapiens.
Pascal Picq est paléoanthropologue au Collège de France- où il collabora avec le professeur Yves Coppens -, administrateur du Muséum national d'histoire naturelle et chroniqueur pour Les Échos et Sud-Ouest.

Engagé dans des études de physique, il mène deux cursus en parallèle, l'un en physique théorique (université Paris VI) et l'autre en archéologie préhistorique (université Paris I). Après un DEA de Paléontologie des Vertébrés et de Paléontologie humaine et une thèse (Université Paris VI), il part au Duke University Medical Center pour des études postdoctorales qui se prolongent par une position de chercheur associé.
Ses recherches s'intéressent à l'évolution du crâne des hominidés, ce qui comprend les hommes et leurs ancêtres ainsi que les grands singes actuels et fossiles. Elles s'appuient sur des études expérimentales inscrites dans le cadre de la morphologie évolutionniste. Cela conduit, entre autres, à reconstituer la signification fonctionnelle et adaptative du crâne des hominidés en relation avec les facteurs de sélection naturelle et de sélection sexuelle. C'est au travers de cette approche que Pascal Picq a intégré l'éthologie des singes et des grands singes dans le champ des travaux sur les origines de la lignée humaine. Depuis quelques années, il introduit la médecine évolutionniste en France au travers de divers enseignements, de conférences et dans les médias (chroniques du Magazine de la Santé).
Pascal Picq contribue à la diffusion des connaissances en paléoanthropologie grâce à la publication d'une trentaine de livres, dont plusieurs pour les jeunes, et à la participation comme à la coréalisation d'expositions, de films et de CD-ROM. Il est conseiller scientifique auprès de grands musées - Cité des Sciences, Palais de la Découverte, Musée des Confluences, etc. - et auprès de l'Éducation nationale pour les programmes et leur enseignement. Il participe à diverses actions pour la préservation des grands singes et de la diversité des cultures humaines. Une trilogie chorégraphiée intitulée Arborescence, créée avec la compagnie de danse Hallet-Eghayan, exprime une rencontre entre les arts et les sciences autour des origines du passé, du présent et de l'avenir de l'humanité.

Bibliographie
  • PICQ P. (2003), Au Commencement était l'Homme, Paris, Odile Jacob.
  • PICQ P. (2013), De Darwin à Lévi-Strauss : l'Homme et la diversité en danger, Paris, Odile Jacob.
  • PICQ P. (à paraître en 2016), La Mer est le propre d'Homo sapiens, Océanides.

Transition

Année :
2015