L'Inrap fouille un cimetière médiéval à Saint-Pierre-en-Faucigny. Environ deux cents sépultures ont été identifiées aux abords d’un édifice maçonné encore très bien conservé. À l'intérieur, une tombe imposante aurait pu être sanctifiée et vénérée.

Dernière modification
03 décembre 2021

Depuis mars 2021, les archéologues de l’Inrap fouillent un espace funéraire daté du début du Moyen Âge. Le cimetière est localisé dans la bourgade de Saint-Pierre-en-Faucigny, une petite ville de la moyenne vallée de l’Arve, en Haute-Savoie, implantée à une trentaine de kilomètres de Genève. Connu depuis des décennies, après des découvertes fortuites, le site n’avait jamais fait l’objet de fouilles méthodiques, jusqu’à cette opération d’archéologie préventive engagée après une prescription de l’État (Drac Auvergne–Rhône-Alpes), en amont du projet immobilier « Saint-Pierre Centre 2025 » porté par la commune de Saint-Pierre-en-Faucigny. Plus inattendus, à l’issue du décapage, des vestiges de la période protohistorique (transition Âge du Bronze-Âge du Fer) ont également pu être repérés, à vocation funéraire aussi bien que domestique.


Le bâtiment funéraire

Bien que localisé en limite d’emprise de fouille, le bâtiment a été entièrement dégagé. On reconnaît le plan rectangulaire d’un édifice orienté de petites dimensions (8,50 m x 5,50 m).  La construction, très solide et soignée, est conservée sur près de 2 m de haut. Tout laisse à penser que cette partie semi-hypogée, la seule conservée, portait un étage légèrement surélevé par rapport aux niveaux de circulation dans le cimetière. Le seuil de l’entrée, à l’ouest, a été retrouvé sous la forme d’un très gros bloc de calcaire, parfaitement taillé.

Le bâtiment maçonné en cours de fouille possède en son centre une sépulture dans un coffre maçonné.

Couverte par une voûte en tuf, la partie inférieure de l’édifice abritait cinq tombes maçonnées, construites hors sol, dont un coffrage destiné à un enfant. Deux autres sépultures enterrées immédiatement en avant du seuil, étaient recouvertes par un sol de mortier, conservé sous forme de lambeaux.

Parmi les sépultures maçonnées, une tombe imposante, installée en situation privilégiée, outre ses dimensions qui la distinguent indéniablement des quatre autres, dispose d’un équipement singulier. Le couvercle de la tombe est percé d’une ouverture circulaire d’environ 5 cm de diamètre. La paroi nord montre un second orifice assez similaire au précédent. Les deux orifices évoquent un dispositif destiné à la circulation d’un liquide dans la sépulture, le premier permettant d’introduire le produit, eau ou huile, le deuxième servant d’exutoire pour le recueillir à la sortie de la tombe. Ce type d’aménagement identifié dans les textes, voire sur des sites archéologiques, à Marseille notamment, lors de la fouille de la basilique funéraire de la rue Malaval, signale une tombe vénérée (Moliner 2006). La circulation du liquide a pour but d’en assurer la sanctification au contact des restes du défunt, dont on présume qu’il s’agit d’un ou d’une sainte.



La fouille a montré que la tombe de Saint-Pierre-en-Faucigny contenait les restes d’au moins huit individus, ce qui pourrait indiquer une évolution des pratiques au cours du temps. La suite de l’intervention et les analyses à venir devraient permettre de préciser la datation de l’édifice et des tombes qu’il renfermait, mais également le statut des défunts.

Les tombes

À l’extérieur du bâtiment, à côté de coffrages de bois, l’essentiel des tombes mises au jour sont des coffrages de molasse organisés en rangées, relativement régulières. L’organisation initiale est toutefois ultérieurement perturbée par des inhumations nettement moins ordonnées.

À  l’est de l’édifice, la densité des inhumations est maximale (le secteur situé à l’ouest du bâtiment échappant à l’emprise de l’opération). Les tombes, et tout particulièrement les coffrages de molasse, nombreux dans le secteur oriental, ont été mis à profit à de multiples reprises pour des inhumations successives, une pratique qui tend toutefois à s’estomper à distance de ce secteur.

On repère également des regroupements non exclusifs. C’est le cas, en particulier, de sépultures de sujets immatures, qui, à ce stade des investigations, ne semblent pas répartis de manière aléatoire, dans l’ensemble de l’espace funéraire. On observe au contraire, un regroupement de jeunes sujets immatures au nord-est du bâtiment et plusieurs adolescents sont rassemblés dans un autre secteur. Il conviendra de préciser par la suite l’organisation de l’espace funéraire vraisemblablement soumis à des usages, qu’il faudra mettre en perspective avec l’évolution du site au cours du temps. Faute de fossiles directeurs suffisamment explicites, le cimetière est pour l’instant daté entre le milieu du IVe siècle et le milieu du Xe siècle., grâce à quelques dates 14C réalisées au cours du diagnostic.

Les premières observations montrent que la population enterrée dans le cimetière compte des hommes, des femmes et des enfants, de jeunes adultes et des personnes âgées, une situation que l’on pourrait qualifier de « normale ». Les défunts sont inhumés pour certains dans des linceuls, le plus souvent dépourvus d’objet personnels, à l’exception de quelques boucles de ceinture ou de chaussure, de rares anneaux et d’un bracelet en verre. D’un point de vue général, le site ne livre que très peu de mobilier, céramique, notamment.

Moliner M.,  « La basilique funéraire de la rue Malaval à Marseille (Bouches-du-Rhône) ». In: Gallia, tome 63, 2006. p. 131-136.


Aménagement : Commune de Saint-Pierre-en-Faucigny
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Auvergne – Rhône-Alpes)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Franck Gabayet, Inrap
Équipe archéologique : Mikaël Rouzic (anthropologue), Éric Bayen, Yann Bonfant, Sylvaine Couteau (topographe), Véronique Juana, Laurence Kuntz, Léo Lacheray, Dominique Marchianti, Catherine Plantevin, Jean-Claude Sarrasin, Inrap