Dans le Cap Corse, la première fouille préventive réalisée dans ce secteur de l’île a révélé la présence d’un aménagement empierré, daté pour l’heure des IV-Ve s. ap. J.-C. Les caractéristiques morphologiques de cette construction et son positionnement à l’embouchure d’un cours d’eau et de la mer Tyrrhénienne laissent supposer qu’il puisse s’agir d’un petit aménagement portuaire.

Dernière modification
16 juillet 2025

Meria, première fouille préventive dans le Cap Corse

Dans le cadre d’un projet de construction d’une maison individuelle au niveau de la marine de Meria dans le Cap Corse, et sur prescription du Service régional de l’archéologie (Drac de Corse), une fouille a été menée par les archéologues de l’Inrap au cours des mois d’avril et de mai 2025 sur une surface de 300 m². Il s’agit de la première intervention préventive réalisée dans la péninsule. L’emprise concernée par l’opération est située sur la rive méridionale du Ruisseau de Meria et à 70 m du littoral.

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Vue aérienne de la marine de Meria avec au premier plan l’emprise de fouille.

© Nathalie Gonzalez, Inrap


Un débarcadère tardo-antique ?

La fenêtre d’investigation s’inscrit au pied du versant septentrional d’un petit promontoire rocheux qui domine la baie de Meria. Le substrat schisteux, affleurant en haut de parcelle, plonge littéralement en direction du cours d’eau et marque un arrêt net visible en contrebas de la fouille. De très gros blocs bruts de schiste sont positionnés volontairement au pied de ce dernier et marquent une première étape dans l’aménagement. Ces monolithes, dont la longueur dépasse pour certains les 1,50 m, semblent déposés de façon désordonnée, sans liant, mais forme cependant un cordon d’enrochement très localisé. Ils sont ensuite surmontés d’une fine séquence hydromorphe, vraisemblablement en lien avec un épisode de débordement du cours d’eau, suivie d’une alternance de niveaux de pierres (éclats de schiste) et d’apports sédimentaires limoneux formant une surface empierrée plane de 4 à 6 m de large pour une longueur observée de 13 m.

L’aménagement, qui se développe sur près de 80 cm d’épaisseur, s’inscrit ainsi dans le prolongement du substrat, contre lequel il s’appuie, et permet de gagner du terrain sur le lit du cours d’eau. Des blocs d’un peu plus gros calibre sont positionnés en limite nord de la construction et font office de soutènement de l’ouvrage.

Une dizaine de négatifs de trous de poteaux ont été identifiés au sommet de la construction en pierre et dans le substrat. De diamètres et profondeurs variables, ces excavations circulaires illustrent l’ancrage d’un aménagement en bois sur l’empierrement et le rocher. Au regard de la fenêtre d’investigation étroite, qui ne permet pas de circonscrire l’intégralité de l’aménagement, aucune véritable organisation ne se dégage. Tout au plus il est possible d’avancer l’hypothèse qu’il puisse être les témoins d’un appontement en bois surplombant la plateforme.

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Vue des trous de poteaux implantés dans le substrat.

© Maxime Hermsdorff, Inrap

L’ouvrage en pierre mis au jour présente certes un aspect plutôt fruste et rudimentaire mais sa mise en œuvre est malgré tout structurée, nécessitant un apport considérable de matériaux et une technique certaine pour la réalisation d’une plateforme empierrée en milieu humide. Son positionnement, ses caractéristiques morphologiques ainsi que les indices d’une superstructure en bois laissent supposer qu’il puisse s’agir d’un espace d’amarrage et de (dé)chargement tels qu’un quai et un appontement.  

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Coupes stratigraphiques en cours de réalisation.

© Brice Chevaux, Inrap


Des perspectives de recherche uniques pour la Corse

La fouille a livré plus d’un millier de fragments de céramiques. La découverte en contexte stratigraphique d’occurrences caractéristiques des productions de l’Antiquité tardive est peu fréquente en Corse et l’étude de ce corpus (par Josselyne Guerre, Inrap) offrira un éclairage certainement nouveau pour la période. Près d’une centaine de petits objets métalliques a également été collectée (étudiés par Séverine Corbeel, Inrap). La forte représentation des clous en bronze plaide en faveur de l’hypothèse d’une construction en bois. De plus, leur qualité de résistance à l’oxydation marine est cohérente dans ce contexte littoral. Plusieurs objets en lien avec des activités halieutiques complètent le corpus.

Enfin, l’approche géoarchéologique (par Marc-Antoine Vella, Inrap) de ce type de milieu est essentielle. En effet, rares sont les interventions archéologiques en Corse où des niveaux en pied de berge et au contact de l’ancien plan d’eau peuvent être observés. Ces espaces sont un réservoir d’informations paléoenvironnementales. Des analyses palynologiques (par Delphine Barbier-Pain, Inrap) et malacologiques (par Sophie Martin, Inrap) couplées à l’étude des écofacts (Isabel Figueiral, Inrap) seront donc réalisées afin d’apporter des éléments de compréhension sur l’évolution du milieu et sur la dynamique fluviale et/ou littorale au sein de laquelle la structure portuaire mise au jour s’inscrit.

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Fragment de céramique africaine avec la représentation du titan Okeanos.

© Morgane Benavent, Inrap

Aménagement : particulier
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac de Corse)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Brice Chevaux, Inrap
Responsable de secteur : Laure Sornin-Petit, Inrap