Vous êtes ici
Les peintures romaines exceptionnelles de la place du Château à Strasbourg
Situé au coeur d'un centre historique classé au Patrimoine mondial de l'Humanité, le chantier archéologique de la place du Château à Strasbourg, mené sur prescription de l'État (Drac Alsace) par une équipe de l'Inrap s'est déroulé de juillet à octobre 2012.
Cette fouille a livré deux fresques romaines. Grâce à la coordination des services de l'État, de la CUS, du Musée archéologique de Strasbourg, de l'Inrap et du Centre d'études des peintures murales romaines de Soissons, ces deux peintures déjà restaurées, sont présentées au public.
Le camp de la VIIIe légion Auguste
Une figuration mystérieuse
La deuxième peinture présente un personnage debout dans une architecture fictive, composée d'une colonnade et d'un édicule à fronton qui lui sert d'écrin. Tel un front de scène, ce décor théâtralise la paroi. Aucune inscription n'accompagne le personnage, rendant son identification incertaine. Mais, il a pour seul vêtement un manteau qui lui laisse l'épaule droite dénudée, motif bien connu du philosophe. Toutefois, il n'est pas barbu et tient dans sa main droite un objet s'apparentant au pedum, bâton qui servait au berger à crocheter les pattes de ses chèvres pour les attraper. Quant à l'attribut tenu par la main gauche, il pourrait s'agir d'un bâton de pèlerin, mais son aspect sinueux évoque aussi un serpent saisi par la queue, dont la gueule béante s'apprête à mordre le gros orteil gauche du personnage. Plusieurs schémas iconographiques sont donc présents : le peintre ne nomme pas, fait appel à la mémoire collective et préfère l'allusion à l'explication. Le décor de la pièce dans son ensemble devait livrer les clefs de l'interprétation.
Deux graffitis accompagnent ce personnage : Demetrius [...]usso et Cassio [salve] te bibet, pourrait être traduit par « Démétrius boira » ou « trinquera sainement à toi avec [...]ussus et Cassius ». Cette formule est lancée comme un toast à laquelle répond la deuxième inscription : Demetrius filosopus et caldas (aquas) ol(l)a bibet, qui peut être traduite par « Démétrius le philosophe boira même le bouillon à la marmite », façon sans doute de trinquer sainement. Inscrits par deux mains différentes, ils fonctionneraient comme une réponse du second au premier ou comme une surenchère. Le peintre n'a peut-être pas voulu figurer le philosophe Démétrius, mais cette représentation inspira ce nom aux deux spectateurs. S'agirait-il de Démétrius de Phalère ? Ce chef d'état athénien du IVe siècle avant notre ère, éloquent orateur, mourut d'une morsure de serpent lors de son exil en Égypte. Le choix du thème iconographique, le personnage et les graffitis indiquent en tout cas que le propriétaire des lieux, peut-être un des tribuns de la légion, appartenait à une classe sociale élevée et cultivée. Plusieurs niveaux de lecture sont donc possibles. Le premier concerne le thème iconographique demandé au peintre : il peut s'insérer dans un programme décoratif bien précis, par exemple une galerie de portraits de philosophes. Les graffitis permettent une deuxième lecture, basée sur l'interprétation du personnage par les auteurs (qui voient tout le décor et connaissent l'identité du propriétaire). Enfin, la dernière lecture est celle du contemporain, tentant d'interpréter le plus justement possible cette figuration.
La rénovation de la place du Château
Contrôle scientifique : Service régional de l'Archéologie (Drac Alsace)
Stéphanie Hollocou
Chargée de développement culturel et de communication
Inrap, direction interrégionale Grand Est sud
06 72 56 28 51
stephanie.hollocou [at] inrap.fr%20" target="_self">stephanie.hollocou [at] inrap.fr
Colin Schaub
Service presse
Ville et Communauté urbaine de Strasbourg, direction de la communication
03 88 43 66 45
colin.schaub [at] strasbourg.eu