À cheval sur les communes de Bayonne et de Saint-Pierre-d'Irube (Pyrénées-Atlantiques), le plateau qui domine la confluence de l'Adour et de la Nive constitue un des lieux importants de la Préhistoire du Pays basque, et, plus largement, du bassin de l'Adour.

Dernière modification
10 mai 2016

Toutes les grandes étapes du Paléolithique y sont représentées. Plusieurs facteurs expliquent cette situation privilégiée : les deux vallées constituaient des axes naturels de circulation pour les troupeaux de grands herbivores, et donc pour les groupes humains paléolithiques ; des gîtes de silex de bonne qualité sont présents dans les environs immédiats en abondance, à l'exemple de la colline d'Ibardide à Mouguerre ; enfin, une épaisse couverture sédimentaire qui, bien que par endroits érodée ou remaniée par l'incision de ravins, a favorisé l'enfouissement et donc la préservation des traces d'occupation.

Malgré l'ancienneté de la reconnaissance de silex taillés dans cette zone, il faut attendre la fin des années 1960 pour qu'une première fouille soit engagée par C. Chauchat sur le site du Basté à Saint-Pierre-d'Irube : limitée à une superficie maximale de 15 m², elle met en évidence douze niveaux archéologiques superposés. On note particulièrement la présence de niveaux se rapportant aux époques du Moustérien de tradition acheuléenne, châtelperoniennes et aurignaciennes. Aucune fouille comparable n'a été menée depuis.  

L'assise du plateau est formée par des alluvions anciennes, grossières à la base, plus fines au sommet, déposées par la Nive et/ou l'Adour. Au-dessus, des sables limoneux résultent d'apports éoliens accumulés sur des épaisseurs pouvant atteindre plusieurs mètres au cours des dernières phases froides du Quaternaire. Ces sables ont ensuite subi des transformations pédologiques lors de phases plus tempérées, et/ou ont été remaniés et entraînés dans les versants sous l'action de phénomènes érosifs.  

Sur le site, quatre niveaux archéologiques plus ou moins superposés ont été identifiés au sein de ces sédiments éoliens. Pour chacun d'entre eux, seuls les vestiges en pierre taillée nous sont parvenus, comme dans tous les sites préhistoriques de plein air de la région.  
L'occupation la plus ancienne se rapporte à l'Acheuléen et présente des caractéristiques qui la rapproche d'autres sites connus le long du versant nord des Pyrénées ainsi que dans la péninsule ibérique. Les éléments les plus marquants sont de grands bifaces massifs aux formes irrégulières, élaborés à partir de blocs de silex ou de roches pyrénéennes récoltées sous forme de galets. Ils sont complétés par un débitage de grands éclats selon des méthodes de débitage peu structurées. Les vestiges sont dispersés dans des colluvions : il s'agit d'une occupation remaniée dans un point bas.  
Les deux occupations intermédiaires se rapportent au Moustérien de tradition acheuléenne. Elles présentent également des caractères spécifiques qui la rapprochent d'autres sites connus sur les versants nord et sud des Pyrénées occidentales, et que l'on regroupe sous le terme de faciès Vasconien. Le niveau le plus bas, essentiellement dans la partie sud de la zone fouillée, recèle des vestiges relativement dispersés en bordure d'une ancienne dépression avec quelques concentrations en partie démantelées sur la frange la plus plane. Le second niveau, strictement cantonné au tiers nord, est plus mince et livre des concentrations bien préservées, notamment des amas de débitage, des zones de rejets et des aires d'activités spécifiques : cette répartition différentielle au sein de l'espace occupé indique un excellent degré de conservation. Ce Moustérien se caractérise par l'association de plusieurs méthodes de débitage : le débitage Levallois est majoritaire ; il coexiste avec le débitage Discoïde (sensu stricto). L'outillage est abondant, massivement dominé par des racloirs de bonne facture, dont certains de type Quina. Plusieurs petits bifaces cordiformes réguliers et d'autres partiellement façonnés (à dos et/ou base réservés) sont présents ; ils sont tout à fait comparables à ceux du site du Basté. Ils sont accompagnés de quelques hachereaux, qui sont le marqueur du faciès Vasconien, dont deux confectionnés en ophite.  
L'occupation la plus récente, située à faible profondeur, est à rapporter au Paléolithique supérieur. Sa découverte a constitué la grande surprise du début de l'opération, ce qui a conduit à en prolonger la durée. Le niveau se développe sur 500 à 600 m², de manière presque parfaitement horizontale sur une faible dispersion verticale des vestiges, de l'ordre d'une dizaine de centimètres. Il se structure en deux zones de forte concentration qui correspondent à des postes de débitage. Dans leur périphérie sud, de densité moindre, proviennent les quelques outils découverts, dont des armatures. Plusieurs éléments tendent à indiquer un très bon degré de conservation des traces de cette installation humaine, quasiment pas perturbées depuis leur abandon. Une grande partie des activités réalisées sur le site peut être rapportée à la fabrication de lames et de lamelles, à partir de blocs de silex récoltés sur la colline d'Ibardide, 2 à 3 km vers le sud-est. Les meilleurs exemplaires, entiers et réguliers, sont toutefois absents du site : préférentiellement choisis pour être transformés en outils et en armatures, ils ont manifestement été emportés. Inversement, les rares outils et armatures entières présents sont confectionnés en silex exogènes : maestrichtiens supérieurs de type Chalosse et campaniens de type Urt-Salies, respectivement à une soixantaine et une vingtaine de kilomètres du site. Ils sont les témoins de la circulation de ces objets et des groupes humains au sein d'un vaste territoire. L'attribution chronologique et culturelle de cette occupation reste à préciser car les outils et armatures recueillis demeurent atypiques et/ou ubiquistes. Le faisceau d'hypothèses se resserre cependant autour de deux pôles principaux : le Gravettien ancien, privilégié à l'heure actuelle, ou le Magdalénien final. Dans les deux cas, il s'agirait d'épisodes d'occupation non reconnus localement (au Basté par exemple). Le premier est même inconnu dans l'ensemble du bassin de l'Adour, tandis que le second est identifié dans plusieurs sites (grotte de Bourouilla à Arancou, abris de la falaise du Pastou à Sorde-l'Abbaye, ...) mais il s'y présente sous des faciès différents.  
En résumé, la fouille réalisée sur le site du Prissé va faire progresser notre connaissance de la Préhistoire régionale sur plusieurs points. Grâce à l'étendue de la superficie fouillée (plus de 1 000 m²) les industries recueillies au sein des différents niveaux archéologiques présentent un effectif conséquent (plusieurs milliers d'objets) et vont de ce fait servir de référence. Pour les niveaux inférieurs, et à l'exemple de fouilles récentes sur le tracé de l'A65, cette opération va offrir l'opportunité de procéder à des datations radio-numériques : TL et OSL. Couplées aux données pédo-stratigraphiques, elles constitueront une cadre chronologique inédit pour cette région. Pour le Paléolithique supérieur, cette série constituera, quelle que soit son attribution chrono-culturelle, une référence extrêmement originale et s'inscrira également dans une vaste aire économique.