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Nouvelle campagne de fouille au château de Villers-Cotterêts : la cour des Offices
Le château de Villers-Cotterêts fait l'objet d’une campagne de restauration importante pilotée par le Centre des monuments nationaux avant d'accueillir en 2022 la Cité internationale de la langue française. En préalable à ces travaux de rénovation, les archéologues de l’Inrap et du service archéologique de l’Aisne mènent leur deuxième campagne de fouille. Après des recherches centrées sur le logis royal de François Ier, son jeu de Paume et ses abords, cap sur la cour des Offices...
Destiné à accueillir la future Cité internationale de la langue française, le château de Villers-Cotterêts fait l’objet depuis 2019 d’un chantier de restauration d’envergure (23 000 m2 de bâtiments), sur prescription de l’État (Drac Hauts-de-France), dans le cadre de la vaste campagne de restauration portée par le Centre des Monuments Nationaux (CMN). Au cours de l’été 2020, une première fouille menée par les archéologues de l’Inrap et du service archéologique de l’Aisne a porté sur les abords du logis royal et la cour du jeu de paume. Une deuxième fouille se déploie actuellement dans la Cour des Offices, sur une surface de 3700 m².
Vue de la cour des Offices fermée par la façade méridionale du logis royal.
V. Le Quellec, Département de l’Aisne
Splendeurs et misères...
Possession des comtes de Valois, le château de Villers-Cotterêts est, au Moyen Âge, une forteresse sans grand rôle stratégique : la « Malmaison ». Transformé en résidence royale en 1528 par François Ier, c'est dans ce château qu'a été signée la fameuse ordonnance de Villers-Cotterêts (août 1539) qui a imposé la langue française à la place du latin dans tous les actes officiels de l’administration et de la justice. Offert par Louis XIV à son frère, Philippe d’Orléans en 1661, le château a été transformé en profondeur par les ducs d’Orléans qui en fait un lieu de fêtes jusqu’à la Révolution française, avant d'être transformé en 1808 en dépôt de mendicité regroupant un millier de mendiants, de délinquants, de vieillards ramassés dans les rues parisiennes. Accueillant à la fin du XIXe siècle une maison de retraite qui perdurera jusqu'en 2014, il a connu au cours de cette dernière phase plusieurs dégradations importantes, dont notamment la création d’entresols qui ont modifié ses volumes initiaux. Les travaux et les études en cours sont destinés notamment à rendre à l'édifice ses volumes intérieurs initiaux (XVIe-XVIIIe siècles).
château médiéval disparu
Une des principales problématiques des archéologues concerne le château médiéval, arasé au début du XVIe siècle, dont ni le plan, ni l’évolution au cours du Moyen Âge ne sont documentés par des archives. Les fouilles archéologiques menées entre mai et août 2020 ont permis de reconstituer en grande partie son plan. Les archéologues ont ainsi montré que le logis Renaissance prenait appui à son arrière (nord) sur la semelle du château médiéval et qu’il a été construit avec les pierres retaillées de ce dernier. Ils ont également mis au jour les vestiges d’une tour carrée, un grand fossé défensif (large de 13-14 m et profond de 6,5 m) ainsi qu'un réseau de canalisations.
Les vestiges de l'ancien château médiéval de Villers-Cotterêts (La Malmaison), dont la tour carrée (à l'arrière du logis royal).
Denis Gliksman, Inrap
La tour carrée du château médiéval arasée au XVIe siècle (à l'arrière du logis royal).
Denis Gliksman, Inrap
Vestiges de la tour carrée arasée au XVIe siècle
Denis Gliksman, Inrap
Un autre grand fossé protégeait la basse-cour médiévale. Les archéologues y ont mis au jour de nombreuses fosses, un puisard et des latrines mais aussi, au centre, un grand bâtiment. De plan rectangulaire, long de 18 m et large de 5 m, il comprend au moins trois pièces. Il est daté de la fin du Moyen Âge mais sa fonction reste pour l’instant inconnue. Au nord de la basse-cour, l’espace est occupé par des niveaux de circulation en calcaire, et un système hydraulique composé de caniveaux en pierre et d’une conduite d’alimentation en plomb.
M. Poux, Inrap
Pots en terre cuite du début du XVIe siècle rejetés dans la fosse latrine.
T. Galmiche, Département de l’Aisne
Les aménagements de François Ier
À Villers-Cotterêts, François Ier érige une demeure royale au cœur du Valois et de la forêt giboyeuse de Retz, dans le cadre d'un vaste programme de construction de châteaux royaux. Afin d’ériger les deux grandes ailes des Offices, le fossé sud de la basse-cour est comblé et le grand bâtiment est arasé. La fouille a remis au jour les murets soutenant des galeries connues par des plans et gravures des XVIe et XVIIe siècles et situées le long des murs des Offices. Les archéologues ont également exhumé une canalisation en terre cuite glaçurée participant du système d’adduction d’eau et qui, venant de la forêt, alimentait le château, les fontaines et son fossé sec. La fontaine apparaît sur les plans anciens mais il n’en reste plus que le socle et la cuve centrale.
Soubassements carrés des colonnes de la galerie Renaissance.
L. Notte, Inrap
LA cour du jeu de paume
La cour de l’ancien logis de François Ier accueillait un jeu de paume, connu grâce au plan réalisé par Jacques Androuet du Cerceau vers 1570. L’âge d’or de ce jeu de balle, très prisé par François Ier et par la Cour, s’étend de la fin du XVe au premier tiers du XVIIe siècle. Celui de Villers-Cotterêts est ceinturé par les façades de la cour centrale, bordées de galeries. Les rebonds spectaculaires des esteufs (balles) sur ces parois, exigeaient de la part des participants une grande dextérité qui « épate la galerie ». Les archéologues ont mis au jour le radier de pierre, initialement couvert par un dallage de terre cuite que l’on appelle le « carreau » (d’où l’expression « rester sur le carreau »). Au centre de la façade est, le mur présente un biseau, nommé tambour, qui permet de surprendre l’adversaire en produisant des rebonds aléatoires.
Parmi les cinq jeux de paume ayant fait l'objet d'une fouille archéologique en France, celui de Villers-Cotterêts est le plus ancien. Il appartient à une époque où les règles et l’architecture du jeu commencent à se fixer. Les trois jeux de paume précédemment mis au jour par l’Inrap à Versailles (celui de Louis XIII), Marseille et Rennes datent du XVIIe et XVIIIe siècles.
Villers-Cotterêts, vue zénithale de la cour de l’ancien logis de François Ier dans laquelle a été aménagé le jeu de paume (en cours de fouille).
Denis Gliksman, Inrap
Le carreau du jeu de paume de Villers-Cotterêts en cours de fouille.
Denis Gliksman, Inrap
Fouille du jeu de paume : les archéologues ont mis au jour les traces des galeries des spectateurs, ainsi que celles du terrain de jeu.
Denis Gliksman, Inrap
Le pavement du carreau du jeu de paume en cours de fouille.
Denis Gliksman, Inrap
Dégagement d'éléments du dallage de terre cuite du carreau du jeu de paume.
Denis Gliksman, Inrap
Restes de décoration du dallage de terre cuite.
Denis Gliksman, Inrap
Les restructurations du XVIIIe siècle
En 1661, Louis XIV offre ce château royal à son frère, Philippe d’Orléans. Les ducs d’Orléans le transforment en un lieu de fêtes. Les travaux des XVIIe et XVIIIe siècles sont importants : un escalier monumental relie le logis royal aux jardins nord, une salle de bain est construite, les galeries de la cour des Offices disparaissent, un nouveau jeu de paume est créé dans une longue aile sur le côté est et de grandes canalisations en terre cuite, enrobées d’un mortier hydraulique rose, sont installées dans le terrain. Elles sont orientées vers le sud-ouest, permettant très vraisemblablement d’alimenter en eau le réservoir de la ville, alors que d’autres semblent passer sous le porche d’entrée du château.
Enfin, quelques fosses dépotoirs permettent de renseigner la vie quotidienne lorsque le château est transformé en dépôt de mendicité après la Révolution, puis en maison de retraite.
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Hauts-de-France)
Recherche archéologique : Inrap/service archéologique de l’Aisne
Responsables scientifiques : Bénédicte Guillot, Inrap ; Thierry Galmiche (département de l'Aisne)
Responsable scientifique jeu de paume : Aurélie Raffin, Inrap