À Auxerre, l’Inrap a fouillé deux zones situées en périphérie sud de la ville occupées sur le temps long du Paléolithique jusqu’à l’Époque moderne, une occasion exceptionnelle d’enrichir les connaissances pour des périodes rarement documentées dans cette zone.

Dernière modification
27 septembre 2022

À l’occasion des travaux préalables à la construction du contournement sud d’Auxerre, l’Inrap a mené une fouille archéologique préventive de deux sites sur la partie sud du futur aménagement routier. Les opérations démarrées au mois de mars 2022 ont duré 4 mois et se sont déroulées aux lieux-dits « Les Beauvoirs » et « Les Montardoins ». Le secteur investigué à cette occasion n’avait été que peu touché par les travaux archéologiques. Les chantiers, encore en cours d’étude, vont par conséquent permettre d’apporter un regard nouveau sur les connaissances de l’occupation ancienne du plateau auxerrois.

Au lieu-dit « Les Beauvoirs » : un habitat gaulois sur le plateau

La fouille du site d’Auxerre « Les Beauvoirs », menée sur une surface de 4000 m², a livré ce qui semble être un établissement rural de la fin de l’âge du Fer. Cette découverte sur le plateau calcaire d’Auxerre, en fait un établissement original. En effet, dans la région, les activités archéologiques préventives se concentrent plus généralement sur les occupations de fonds de vallées, le contournement sud d’Auxerre a donc fourni une rare occasion de fouiller une occupation de plateau. 

L’établissement rural des Beauvoirs n’a pas livré d’enceinte fossoyée. Si les habitats dits « ouverts » sont connus dans la région, très peu sont fouillés. Malgré l’absence de fossé périphérique, le site semble s’organiser grâce à quelques petits fossés parcellaires dans lesquels s’insèrent les bâtiments. Malgré l’érosion active dans ces contextes, trois bâtiments sur quatre poteaux porteurs assez massif, typiques de la période de La Tène, ont été découverts. Vue la taille des installations et l’espacement des poteaux porteurs, il s’agirait de deux bâtiments à vocation agricole (grange ?) ou domestique (maisons ?) et d’un autre bâtiment qui pourrait être interprété comme un grenier sur quatre poteaux. Deux autres aménagements sur petits poteaux, moins bien organisés peuvent aussi être interprétés comme des bâtiments annexes.

La vocation agricole du site est confirmée par la découverte de meules va-et-vient en grès de Puisaye (deux faciès : Guédelon et Treigny) qui portent des traces d'outils métalliques. Ces meules permettent de faire remonter les dates de productions qui étaient jusque-là attribuées à la fin de l'âge du Fer et à la période augustéenne. La mise en place de ces carrières à La Tène (Ve – Ier av. n. è.) est assez conforme à ce que l'on observe dans d'autres régions et les nouvelles données issues de la fouille des Beauvoirs confirme cette hypothèse pour ce secteur géographique. En parallèle, la pratique de l’artisanat est également pressenti grâce à la découverte d’une tige en fer cisaillée (chute du travail du fer).  

Un chemin inattendu, attribué aux périodes médiévale-moderne et traversant le site, a par ailleurs pu être documenté. Il a livré des clous d’attache de bandages de roue ainsi que des clous de ferrage d’équidés. L’étude en cours du mobilier, permettra d’affiner les périodes d’occupations et les activités pratiquées sur ce site.

Au lieu-dit « Les Montardoins » : une occupation diachronique exceptionnelle

Les opérations menées sur le site des Montardoins présentent un intérêt scientifique majeur. Elles ont permis de documenter une occupation longue et bien conservée sur la moyenne terrasse de l’Yonne, dans un contexte géographique pourtant soumis à une forte activité érosive. Au sortir de la fouille, les éléments mobiliers découverts ainsi que les structures observées permettent de différencier plusieurs phases d’occupation sur le site, du Paléolithique moyen jusqu’à l’Époque moderne.

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Vue générale de la fouille au lieu-dit « Les Montardoins ».

© Christophe Fouquin, Inrap

Bien que quelques éléments lithiques éparses du Paléolithique moyen aient été enregistrés, c’est au cours du Paléolithique supérieur qu’intervient la première phase d’occupation. Celle-ci pourrait correspondre à une halte de chasse ponctuelle, avec un traitement actif des matières dures animales caractérisé par de nombreuses chutes de burin. Cette première phase est suivie d’une nouvelle occupation plus structurée au cours du Néolithique ancien, caractérisée par le creusement d’une fosse d’extraction de matière première de 8 m de longueur, comblée par des rejets domestiques. Suite à l’abandon et au comblement de cette fosse, il ne semble pas que le site soit délaissé sur le temps long, puisque des éléments mobiliers du Néolithique moyen et final ont pu être mis au jour, sans que cela ne coïncide avec l’installation d’un habitat structuré dans l’emprise fouillé.

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Dépôt de meules dans une fosse d'extraction néolithique ancien au lieu-dit « Les Montardoins ».

© Christophe Fouquin, Inrap

La parcelle semble, en l’état actuel de l’étude, abandonnée par la suite au cours de l’âge du Bronze et jusqu’à la fin du premier âge du Fer. Elle ne sera d’ailleurs réoccupée qu’à partir de la période de La Tène, comme en témoigne l’installation d’une nécropole de La Tène ancienne et d’un établissement rural de La Tène finale. La parcelle est laissée à l’abandon au cours de la période antique et ce jusqu’à la fin de l’époque médiévale. Des traces de réoccupations agricoles du site apparaissent régulièrement au sein de l’emprise (murgers parcellaires, chemin et fosses de plantation ou de clôture).

La phase d’analyse en laboratoire lancée à l’issue de la fin de la fouille permettra grâce au support de nombreux spécialistes (géomorphologues, anthropologues, céramologues, lithiciens, archéozoologues, etc…) de mettre en relation l’ensemble des données pour parvenir à la compréhension complète du site.

L'étude de ces deux fouilles permettra certainement de proposer un modèle beaucoup plus complet des dynamiques de l’occupation humaine sur le plateau auxerrois de la Préhistoire jusqu’à l’Époque moderne dans des espaces jusqu'alors relativement méconnus.

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Prélèvement d'une parure annulaire en alliage cuivreux au lieu-dit « Les Montardoins ».

© Christophe Fouquin, Inrap

Aménagement : DREAL Bourgogne-Franche-Comté
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Bourgogne-Franche-Comté)
Recherche archéologique : Inrap
Responsables scientifiques : Benjamin Defert, Thibault Le Cozanet