A Marseille, Bouches-du-Rhône, la Ville de Marseille projette la création d'un mémorial de la Marseillaise à l'emplacement d'un ancien jeu de paume, rue Thubaneau, devenu temporairement le siège des Jacobins sous la Révolution.

Dernière modification
04 août 2016

Écrit par Rouget de Lisle en avril 1792, ce qui allait devenir l'hymne national de la République française y aurait été entendu puis diffusé jusqu'à Paris par les fédérés de Marseille.

Un diagnostic, suivi d'une étude du bâti, a montré l'exceptionnelle conservation de la salle de ce bâtiment, en dépit de sa transformation en théâtre puis en bains publics.
Les archives ont permis de compléter des recherches archéologiques rendues difficiles par les nombreux obstacles liés à la sécurité : risques d'effondrement, chute de pierre et présence d'amiante.

Un jeu de paume dans la « ville nouvelle »

Le jeu de paume a été édifié en 1680 par Charles de Castellane, noble marseillais, dans la « ville nouvelle » créée sous Louis XIV. Dix ans plus tôt, les remparts de la ville avaient été repoussés vers l'est et le sud, et les anciens faubourgs et jardins avaient fait l'objet d'un remembrement afin de s'adapter au nouveau réseau de voies, en partie percé au travers de grandes propriétés. C'est sur l'une d'elles, à l'emplacement d'une fabrique de cire, que fut établi le jeu de paume. À l'origine isolé, il disparaît progressivement sous la couverture urbaine au cours du XVIIIe siècle. En 1750, un immeuble est bâti sur le parvis qui le séparait de la rue, masquant ainsi sa façade.

Des murs conservés sur toute leur hauteur

La salle est aisément identifiable au rez-de chaussée et l'étude des élévations a été facilitée par l'homogénéité du liant utilisé par les murs : un mortier constitué de sable marin, matériau assez rare nécessitant des rinçages préalables, le sel pouvant nuire à sa cohésion.
La suppression des enduits récents a révélé une partie des murs conservés sur toute leur hauteur, soit 10,50 m. La charpente serait également d'origine.
La salle du jeu de paume mesure 11 m par 31 m. Les murs gouttereaux se décomposent en deux murs accolés : l'un situé à l'intérieur, haut de 5,50 m et supportant probablement une tribune ; l'autre constitué d'une succession d'arcades aveugles, jusqu'à la hauteur des tribunes, dont les jambages, surmontés de piliers, soutiennent les fermes de la charpente. Ces dernières, au nombre de 7, ne mesurent pas moins de 12 m. Entre les piliers, quatorze fenêtres, de 4,50 m de haut sur 2 m de large, étaient grillagées et dotées d'un garde-corps à l'arrière des tribunes. La façade (mur pignon sud) dispose d'une entrée. D'autres ouvertures, qui permettaient l'accès aux cours latérales, au billard et au salon, ont été identifiées.

Le mur de « bricole »

Les murs sont constitués d'un appareil de moellons bruts de taille et enduits. Seul le « mur de bricole », essentiel pour le jeu de paume, fait exception. Utilisé pour le rebond de la balle, il a été parementé avec des blocs de calcaire tendre taillés et soigneusement ajustés, sur une hauteur de 2,50 m. Il possède la particularité de présenter un décrochement, appelé  tambour ; la dissymétrie axiale de la salle est caractéristique du jeu de paume où les terrains adverses sont différents, un seul étant réservé au service.
Aucun élément du sol n'est conservé, le terrain ayant été rabaissé postérieurement. Cependant, des galeries latérales ont été identifiées au sol et contre les murs pignons. Détruits lors de la transformation de la salle en théâtre, ces couloirs étaient pourvus d'un toit permettant le rebond de la balle.

L'adaptation locale d'une architecture canonique

L'architecture du jeu de paume de la rue Thubaneau est canonique : elle correspond au modèle décrit par Garsault un siècle plus tard, en 1776, dans L'art du Paumier-Raquettier et de la Paume, à l'exception des matériaux utilisés, l'auteur préférant l'usage du bois pour les parties hautes, comme il est de coutume dans le nord de la France.
Identique aux jeux de paume d'Aix-en-Provence et de Toulon, tous deux disparus, le jeu de paume de la rue Thubaneau est le dernier conservé à Marseille et plus largement en Provence.

Son étude a mis en évidence l'adaptation locale d'une norme architecturale nationale, en particulier dans l'utilisation de la pierre sur toute la hauteur du bâtiment et de la pierre de taille pour le « mur de bricole », élément maître du jeu. Considéré comme exceptionnel, ce mur a fait l'objet d'une mesure de conservation par les Bâtiments de France, et sera intégré dans le futur musée.

Bernard Sillano, Nadine Scherrer, C. Castrucci