Vous êtes ici
Brèves du Bronze : le tintinnabulum de Vaudrevange
À l'occasion de la saison scientifique et culturelle de l'Inrap, des archéologues racontent des fouilles et des objets de l'âge du Bronze qui les ont marqués. Aujourd'hui, le Tintinnabulum ou sonnaille de Vaudrevange (Sarre, Allemagne), 850-800 avant J.-C.
Objet complexe et d’une grande beauté formelle, ce bel instrument qui évoque un mobile de Calder, pèse près d’un kilogramme et mesure plus de 30 centimètres. Remarquable exemple de la maîtrise technique à laquelle sont parvenus les artisans fondeurs de la fin de l’âge du Bronze, il est composé d’un grand disque solaire, large et plat, auquel sont attachés deux disques plus petits.
Fondues à la cire perdue, ces pièces ont été assemblées par une coulée secondaire. Un moule de disque en pierre, trouvé sur le site des Grands Bois de Xarthe (Meurthe-et-Moselle), témoigne du soin apporté à leur fabrication. Seule une valve de moule est conservée. Son épaisseur ne dépasse guère le millimètre. On distingue encore sur son pourtour la place du cône de coulée et la trace des évents.

Tintinnabulum ou sonnaille de Vaudrevange., Inv. Musée d'Archéologie nationale (MAN) 8100.
© MAN/Valorie Gô
La couleur bleu vert si singulière du tintinnabulum de Vaudrevange provient de la patine qui s’est formée au fil des siècles, après sa déposition dans une zone marécageuse, il y a 3 000 ans. Mis au jour en 1851 près de Sarrelouis, il appartenait à un dépôt exceptionnel, constitué d’une épée, de haches, de bracelets, de phalères et de mors – un assemblage manifestement conçu pour en imposer ! À l’époque, son grand disque doré brillait comme un soleil. Les deux plus petits, en mouvement, venaient tinter contre lui, produisant des cliquetis légers et réguliers – ceux-là mêmes qui ont inspiré son nom. Le grand anneau, décoré sur ses deux faces, pouvait même tourner sur lui-même, captant la lumière et les regards.
Cet objet, souvent mis au jour avec des éléments de harnachement, n’était sans doute pas suspendu au cou d’un cheval, comme on l’a longtemps cru. Il devait être manipulé à part ou fixé à un char de procession, dans un contexte cérémoniel. À chaque pas des chevaux, il vibrait, cliquetait, annonçait son arrivée. Objet de prestige, probablement réservé aux élites, le tintinnabulum de Vaudrevange révèle une autre facette du goût de l’âge du Bronze : celle du faste, du spectaculaire, et – osons le mot – du bling-bling.
Rolande Simon-Millot, Conservateur en chef du patrimoine au musée d'Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye