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Découverte d’un nouveau site solutréen ancien en Bourgogne (Saône-et-Loire)
Entre septembre et décembre 2023, l’Inrap a mené une fouille à Fragnes-La Loyère, sur prescription de l’État (Drac Bourgogne – Franche-Comté). Cette opération de 6 000 m² menée en amont de l’aménagement d’un échangeur autoroutier sur l’autoroute A6 (au Nord de Chalon) par APRR, a révélé une occupation paléolithique attribuée au Solutréen ancien (24 000 - 22 000 avant notre ère).
Au cœur de la steppe
Entre le cours de la Saône à l’est et la Côte chalonnaise à l’ouest, le site est implanté au sommet d’un versant dominant un affluent de la Saône, la Thalie. Les premiers résultats permettent de le dater entre 24 000 et 22 000 ans avant notre ère, au cours du dernier maximum glaciaire. Les conditions climatiques qui règnent alors sur la région sont particulièrement rigoureuses. La plaine de Saône est une vaste steppe froide au couvert végétal peu développé, essentiellement composé d’herbacées, où évoluent des espèces adaptées à ces milieux extrêmes et dominées par les troupeaux d’herbivores comme le renne, le cheval, le bison ou le mammouth. Les chasseurs solutréens vont parcourir ces territoires notamment lors d’expéditions de chasse.
Vue aérienne de la fouille archéologique du site de Fragnes-La Loyère. Au fond, la vallée de la Thalie ; à gauche, les travaux de l’échangeur autoroutier et à droite, l’autoroute A6.
© Jérôme Berthet, Inrap
Vue d'ensemble de la fouille de Fragnes-La Loyère.
© Philippe Busser
Vue aérienne du niveau archéologique en cours de fouille.
© Philippe Busser
Un espace structuré ?
Le niveau archéologique apparaît entre 40 et 50 cm sous la surface du sol actuel. L’état de conservation exceptionnel du mobilier lithique, représenté dans toutes ses dimensions, des esquilles de quelques millimètres aux objets de plus de 20 cm, atteste l’excellent état de conservation du gisement. En revanche, l’acidité naturelle du sol a empêché la conservation de restes osseux.
Le site est formé d’une concentration de silex taillés qui s’inscrit dans un ovale de 5 m de long par 4 m de large. À l’intérieur de cet espace délimité par de gros galets de quartzite, des zones de taille de silex sont attestées par des amas de débitage, parfois très denses (300 objets / m²). Une étude approfondie de la distribution des objets permettra de définir plus précisément l’organisation de ce campement.
Fouille en cours du niveau solutréen.
© Gaëlle Pertuisot, Inrap
Fouille en cours du niveau solutréen. Les galets de quartzite ont été laissés en place après le démontage et l’enregistrement de l’industrie lithique.
© Jean-Baptiste Lajoux, Inrap
Fouille en cours du niveau solutréen. Les galets de quartzite ont été laissés en place après le démontage et l’enregistrement de l’industrie lithique.
© Jean-Baptiste Lajoux, Inrap
Vue oblique des carrés H8 et H9 dans la zone centrale.
© Jean-Baptiste Lajoux, Inrap
Niveau archéologique en cours de fouille.
© Gaëlle Pertuisot, Inrap
Dégagement d’une pointe à face plane.
© Gaëlle Pertuisot, Inrap
Une production spécialisée
L’industrie lithique, composée de plus de 4 000 objets, est produite à partir de silex issus des formations du Crétacé supérieur locales et régionales du Châlonnais et du Mâconnais. Toutes les étapes de la production des lames utilisées comme support pour la confection d’outils sont présentes sur place. Cet ensemble comprend des nucléus (blocs de silex à partir desquels les lames vont être débitées), des déchets techniques ainsi que des lames utilisables brutes ou transformées en outils. Les Solutréens ont utilisé des percuteurs en pierre tendre, en grès. L’outillage, peu diversifié, témoigne d’une forme de spécialisation des activités pratiquées sur le site. Il est principalement représenté par des lames appointées, désignées sous le terme de « pointe à face plane », outil emblématique de la phase ancienne du Solutréen. Des burins complètent l’assemblage, la plupart étant également aménagés à partir de pointes à face plane. Des études tracéologiques permettront de déterminer la fonction de ces objets (outils de découpe, armature de projectile…).
Lame appointée et nucléus.
© Philippe Busser
Nucléus à lames.
© Gaëlle Pertuisot, Inrap
Pointe à face plane.
© Gaëlle Pertuisot, Inrap
Pointe à face plane.
© Gaëlle Pertuisot, Inrap
Fouille en cours du niveau solutréen.
© Gaëlle Pertuisot, Inrap
Fouille en cours du niveau solutréen.
© Gaëlle Pertuisot, Inrap
Une nouvelle référence pour le Solutréen ancien
Le Solutréen doit son nom au gisement préhistorique découvert en 1866 au pied de la Roche de Solutré (Saône-et-Loire). Ce faciès culturel du Paléolithique supérieur se développe en France, en Espagne et au Portugal entre 24 000 et 20 000 avant notre ère. Si les grandes pièces bifaciales appelées feuilles de laurier et les pointes à cran sont emblématiques des phases moyennes et récentes du Solutréen, le Solutréen ancien se caractérise par la présence de pointes à faces plane. La culture solutréenne pourrait être l’inventrice de l’aiguille à chas et du propulseur. L’art solutréen est connu dans la grotte Cosquer et au Portugal dans la vallée de Côa.
Le Solutréen ancien est peu documenté avec moins d’une dizaine de références en France. Le site de Fragnes-La Loyère constitue donc un jalon important pour la connaissance de cette culture. Il comble notamment le vide existant entre les sites du nord de la Bourgogne (Arcy-sur-Cure, La-Celle-Saint-Cyr) et le sud du couloir Rhodanien (Baume d’Oullins, grotte Chabot). Le site rappelle par ailleurs le rôle de premier plan joué par l’archéologie préventive dans la recherche en préhistoire et le renouvellement des données concernant le Paléolithique supérieur du couloir Saône-Rhône.
Fouille en cours du niveau solutréen.
© Gaëlle Pertuisot, Inrap
Fouille en cours du niveau solutréen.
© Gaëlle Pertuisot, Inrap
Enregistrement topographique du mobilier archéologique.
© Gaëlle Pertuisot, Inrap
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Bourgogne – Franche-Comté)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Jean-Baptiste Lajoux, Inrap