A Seynod, l'Inrap a mis au jour les vestiges d'un sanctuaire antique. Deux ou trois petits temples sont associés à une quarantaine de fosses cultuelles contenant pour certaines un riche mobilier de la fin du Ier siècle à la fin du IIIe siècle de notre ère. Parmi ces vestiges, une gourde métallique exceptionnellement bien conservée et son contenu organique pourraient évoquer un geste cultuel.

Dernière modification
27 avril 2020

À Seynod, en amont de l'aménagement de la Zone d’activité de la Pilleuse par la Nouvelle commune d’Annecy, l'Inrap a mis au jour les vestiges de plusieurs occupations remontant toutes à l'Antiquité, à l'exception d’un dépôt de crémation du Bronze final (XIe siècle avant notre ère) et d’une fosse-silo de la fin du haut Moyen Âge (Xe-XIIe siècle de notre ère).

Premières occupations antiques

La première occupation des lieux est caractérisée par un enclos fossoyé daté de la première moitié du Ier siècle de notre ère qui pourrait correspondre soit à un habitat de type ferme indigène soit au premier état d’un sanctuaire (étude en cours). À l’ouest de l’enclos, trois fosses d’extraction et un axe de circulation sont associés à cette première occupation. La deuxième phase d’occupation antique est marquée, à partir du milieu du Ier siècle de notre ère, par l’aménagement d’une large voie conservée sur 120 m et restituée sur 150 m sur l’emprise. La période d’abandon de cet axe viaire est difficile à juger ; il est très probable que cette voie ait desservi le sanctuaire découvert sur le site et qui a fonctionné jusqu’au milieu du IVe siècle. La voie, large de 10 m, traverse l’emprise selon un axe nord-ouest / sud-est.

La présence de cette voie a influencé le lieu d’installation d’au moins deux ensembles de dépôts de crémation en fosse. Un premier espace funéraire, situé à une trentaine de mètres au sud de la voie, n’est connu que par 7 sépultures dont le mobilier remonte à la deuxième moitié du Ier siècle de notre ère. En bordure méridionale de la voie, s’étend un autre espace funéraire constitué de 24 structures. Le riche mobilier déposé dans ces tombes a permis de différencier un ensemble situé à l'ouest et daté des années 100 – 150 et un groupe situé à l'ouest et utilisé entre 150 et 250.

Un sanctuaire

La troisième phase d'occupation romaine concerne la partie nord-est du site où ont été découverts les vestiges d’un sanctuaire. Ceux-ci se composent de deux, voire trois, édicules cultuels ainsi que de 42 fosses comprenant le mobilier spécifique des dépotoirs à caractère cultuel. Des petits bâtiments ne subsistent que les fondations maçonnées mais pour deux d’entre eux, ces vestiges sont suffisants pour identifier un petit temple doté d’une cella (partie close du temple) flanquée d’un vestibule. L'autre construction est connue seulement par un mur long de 4,80 m et deux retours. L’hypothèse d’un édicule cultuel est privilégiée mais n’est pas assurée au vu de son degré de destruction et également du mobilier associé qui est plus précoce que celui de toutes les autres structures rattachées au sanctuaire.

Les fosses cultuelles, aux gabarits variables et difficiles à différencier sur le plan chronologique, se répartissent spatialement en trois ensembles. Ces trois groupes, l'un de 13 fosses et deux de 14 fosses, comprennent des éléments de grand volume dépassant parfois 1,80 m d’ouverture et des creusements beaucoup plus modestes ne dépassant pas les 0,50 m de diamètre. Certaines fosses contenaient un riche mobilier dont une gourde en fer et alliage cuivreux, datée de la fin du Ier siècle à la fin du IIIe siècle de notre ère dans un état exceptionnel de conservation et un buste-applique représentant une divinité féminine en alliage cuivreux. Un dépôt de 9 monnaies dans un fond de vase dénote un autre type de fosse et une datation dans la deuxième moitié du IIIe siècle de notre ère.

Hypothèses chronologiques

Au vu des incertitudes sur le caractère cultuel de certains vestiges, l’époque de fondation du lieu de culte est incertaine. L’enclos fossoyé, éventuel premier état du sanctuaire, est daté des années 0 à 50. Les niveaux de démolition de l'édicule méridional et une grande fosse (peut-être un point d’eau), probables aménagements cultuels, ont livré de la céramique datée de la fin du Ier siècle ou du début du IIe siècle. Ce mobilier est bien plus ancien que celui issu des deux petits temples et des fosses cultuelles qui remontent à la première moitié du IVe siècle.

Si le terminus de la fréquentation du sanctuaire n’excède pas 360 de notre ère, plusieurs hypothèses se dessinent quant à sa fondation : soit dès le début du Ier siècle de notre ère avec l’enclos fossoyé, considéré dans ce cas comme un aménagement cultuel, soit au début du IIe siècle de notre ère, époque probable du premier édicule interprété comme un temple. Cependant, la fouille n’a pas permis d’appréhender le péribole du sanctuaire. Les vestiges à caractère cultuel dégagés dans l’angle nord-est de l’emprise devaient se développer sur les pentes et peut-être le sommet de la colline sur laquelle est établi le sanctuaire de la Pilleuse. 

Analyses de la gourde métallique

La gourde en fer et alliage cuivreux trouvée dans une des fosses du sanctuaire fait partie du paquetage type du légionnaire romain. Appelée laguncula et ne contenant pas de boissons alcoolisées, cette gourde est le troisième exemplaire trouvé en Gaule et un des rares complet. Sa panse cylindrique est constituée de 2 coques  en fer serties et réunies par de longues appliques latérales en alliage cuivreux de formes plates, lisses et aux contours découpés en forme de feuilles servant également à la fixation d'une anse de suspension articulée en alliage cuivreux. Un col trapu est également serti entre les attaches de l'anse. Le bouchon circulaire en alliage cuivreux ferme la gourde et est relié à cette dernière par un lien (fil) de bronze pour la sceller (lien fragmentaire, la gourde n'était donc plus scellée au moment de sa découverte). Le fond en alliage cuivreux est solidaire de l'ensemble des attaches qui sertissent la gourde ; il est circulaire et orné d'incisions concentriques tournées comme les fonds des vases métalliques. 

La gourde était cadenassée, indice qu'elle a pu contenir autre chose que de l'eau. La gourde métallique a bien conservé trace de son contenu organique originel et afin d’identifier la nature des matériaux biologiques qu'elle contenait, quatre prélèvements ont été effectués lors de la restauration de l’objet. L’analyse organique révèle qu’il s’agit principalement de millet (Panicum miliaceum L.) mélangé à une faible quantité de baies noires et de produits laitiers. Le tout, animal et végétal, a été chauffé ou cuit. On trouve aussi des traces de poix de conifère. Une autre plante, très riche en acide oléanolique et 3-O-acétyl oléanolique, est présente, mais son identification plus précise n’est pas possible. Vu le contexte de la découverte dans une fosse d’un sanctuaire, le contenu de la gourde permet d’évoquer un geste cultuel, tel qu’un sacrifice alimentaire.

Aménageur : Nouvelle Commune d'Annecy
Recherches archéologiques : Inrap​
Responsables des opérations archéologiques : Sylvain Motte 
Étude détaillée de la gourde : Stéphanie Bigot

Étude du contenu de la gourde : Laboratoire Nicolas Garnier Clichés terrain : équipe Inrap​
Clichés de la gourde : Antoine Valois, Inrap