À quel événement tragique pourrait appartenir ce charnier ?
Sur le plan historique, les archéologues pensent d'emblée aux champs de bataille des guerres napoléoniennes. La bataille de Bar-sur-Aube se déroula le 27 février 1814 et confronta les forces françaises à l'armée de Bohème (coalition autrichienne, russe et bavaroise), sur un terrain situé à seulement 1 km à l'ouest de la fouille, à Ailleville. L'essentiel des forces en présence se composait de bataillons d'artillerie à cheval et la division de cavalerie de Kellermann y perdit pas moins de 400 montures dans un seul assaut contre les défenses russes. À cette hypothèse s'oppose pourtant le plan en zig-zag de la tranchée qui ne correspond pas à une guerre de mouvement du début du XIXe siècle.
Une deuxième hypothèse repose sur la présence à Bar-sur-Aube du quartier général de futur maréchal Joffre en 1914. La ville aurait pu alors être sécurisée par des lignes de fortification dont éventuellement ces tranchées militaires établies à quelques centaines de mètres en avant d'une des principales portes de la ville (la porte Notre-Dame). Des chevaux blessés, redescendus du front situé à quelques dizaines de kilomètres au nord, auraient ainsi pu être soignés dans un hôpital vétérinaire spécialement affecté à ces malheureux compagnons d'armes (Croix Bleue).
Mais une recherche documentaire approfondie, l'étude des ossements et l'analyse des conditions d'enfouissement des carcasses privilégient une troisième hypothèse, celle de tranchées de défense civile mises en place au cours de la seconde Guerre Mondiale. La présence d'un site de réquisition de chevaux par les troupes d'occupation et celle d'un hôpital vétérinaire allemand (Pferdelazareth) à Bar-sur-Aube en 1940-41 sont par ailleurs avérées. Les traumatismes subits par les chevaux ne correspondent ni aux séquelles d'un bombardement ni à celles d'une extermination volontaire, mais vraisemblablement à celles d'un incendie. Aucun habitant témoin de cette période n'a gardé en mémoire l'incident, mais, dans les derniers jours de l'occupation allemande, la population civile de Bar-sur-Aube a dû faire face à bien d'autres vicissitudes.