Des habitats de l'âge du Bronze et de l'âge du Fer et un moulin à Bucy-le-Long (Aisne)

Une topographie singulière

La parcelle fouillée se distingue par la présence en son centre d’une butte d’argile qui correspond à une île développée dans l'argile sparnacienne au milieu de la vallée au cours du Weichselien (115 000 ans à 11 700 ans). De part et d’autre de la butte, de très gros blocs calcaires déposés par radeau de glace se sont accumulés. L’affleurement de certains d’entre eux explique sans nul doute le toponyme, « le moulin des roches ». Cette ancienne île qui domine légèrement le reste de la basse terrasse semble par son dénivelé avoir orienté et fixé des occupations humaines.

Accumulation de très gros blocs calcaires déposés par radeau de glace autour de la butte d’argile.

© Sophie Desenne, Inrap

Les occupations des âges des Métaux

Les habitats du Bronze final/Hallstatt ancien (Bronze final/Hallstatt C, 1200 av. J.-C. à 800 av. J.-C.) et du Hallstatt final (Hallstatt D3, 550 av. J.-C. à 475 av. J.-C.), au nord/ouest de la butte d’argile, occupent environ 1 300 m² et sont illustrés par une vingtaine de structures. Ces dernières sont des fosses aux remplissages complexes, anthropisés et charbonneux, riches en mobilier, comme les structures polylobées, aux fonds constitués de multiples cuvettes.

Fosse polylobée des âges des métaux.

© Sophie Desenne, Inrap

Le stockage est représenté par un silo et un alignement de trois greniers. D’autres trous de poteaux pourraient appartenir à des bâtiments, mais des occupations postérieures ont vraisemblablement perturbé ce secteur. Cet ensemble correspond à deux noyaux d’habitat ouvert de phases distinctes ou à un petit noyau d’habitat ouvert et quelques fosses isolées antérieures ou postérieures. Ces découvertes s’intègrent dans un vaste réseau de sites révélés par les fouilles réalisées dans la vallée de l’Aisne depuis les années 1970. Dans l’état des connaissances, les occupations du Bronze final IIIb/Hallstatt C sont des habitats ouverts de taille modeste ou des fosses isolées. Au Hallstatt final et à La Tène ancienne, les sites sont plus nombreux dans les méandres de Bucy/Missy et Villeneuve-Saint-Germain/Vénizel implantés à moins de 500 mètres les uns des autres. Une hiérarchisation marquée est visible avec des habitat enclos de type « Herrenhof » (fermes seigneuriales), des habitats enclos palissadés, des habitats ouverts de taille variable, étendus, organisés en noyaux ou de taille plus modeste regroupant quelques structures comme cela semble être le cas au « Moulin des Roches ».

Plan d’ensemble des fouilles 2019/2023.

© Sophie Desenne, Inrap /  Sébastien Hébert,  Inrap /  Gilles Desplanque, CD02

Le moulin des Roches

L’époque moderne est illustrée par les vestiges d’un moulin à eau. Ce dernier, en limite de parcelle, n’a pu être observé que partiellement, l’emplacement de la roue, en particulier, étant situé hors emprise. Les aménagements périphériques sont essentiellement des fossés aux fonctions diversifiées. Certains délimitent des chemins d’accès qui desservaient le moulin, l’un est surmonté d’un pont.

Parement nord d’un pont assurant le franchissement d’un canal.

© Gilles Desplanque, CD02

D’autres plus vastes devaient permettre d’assainir les lieux en contournant la butte. Enfin un large canal correspondait vraisemblablement à un bief alimentant la roue du moulin. En effet, il aboutit sur une construction en mortier hydraulique rose qui devait canaliser l’eau pour alimenter le moulin. Le vaste bâtiment perpendiculaire au bief présente des états successifs, témoins des nombreuses reprises et réaménagements. Cette construction à vocation artisanale devait accueillir des éléments techniques comme le mécanisme de mouture, mais sans doute également le meunier et sa famille. Plus au nord, sur la butte, il subsiste les vestiges d’autres constructions qui pourraient avoir servi de lieu de stockage, comme une grange pour les céréales.

Construction en mortier hydraulique rose permettant de canaliser l’eau pour alimenter le moulin.

© Sophie Desenne, Inrap