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En matières de Préhistoire
Réalisée en partenariat avec l'Inrap et labellisée « 20 ans de l'Inrap », l’exposition En matières de Préhistoire ouvre ses portes le 26 février au musée archéologique de l’Oise. Elle nous invite à découvrir comment les Hommes préhistoriques ont utilisé différentes matières naturelles et organiques pour construire leur habitat et organiser leur vie quotidienne.
Climat variable
Durant le dernier million d’années, la région des Hauts-de-France a connu une succession de périodes froides, appelées phases glaciaires, et de périodes plus tempérées, appelées interglaciaires. Lors des glaciations, l’Europe du Nord est recouverte d’une calotte glaciaire centrée sur la Scandinavie, se développant jusqu’au Sud de l’Angleterre. Les conditions climatiques régionales ne permettent plus aux Hommes et aux grands troupeaux d’herbivores de vivre dans la région. En phase interglaciaire, la fonte des glaces et la remontée du niveau marin laissent place à des conditions climatiques plus favorables, propices au développement de la steppe puis de la toundra.
Les Hommes et les mammifères s’installent à nouveau dans la région. Durant le Quaternaire, la succession des cycles glaciaires/interglaciaires ont conditionné les implantations des Hommes, Homo heidelbergensis (il y a plus de 690 000 ans), puis Homo neanderthalensis (vers -250 000 ans) et Homo sapiens (vers 43 000 ans) qui ont cohabité sur le même territoire pendant plusieurs milliers d’années et on su faire preuve d’adaptation, notamment grâce à leur utilisation des matières premières et organiques.
Vue de l’exposition temporaire, scénographie de Mathilde-Marguerite Bardel – Atelier Tilde.
©Musée archéologique de l’Oise
Dent de mammouth, ivoire, Paléolithique inférieur, institut UniLaSalle, Beauvais.
© Musée archéologique de l’Oise
Le minéral
Le silex est la roche la plus représentative de la région, celle qui a été le plus utilisée par les Hommes préhistoriques pour réaliser leurs outils depuis le Paléolithique inférieur. Jusqu’au début des années 1990, on caractérisait cette période dans le Nord de la France par l’omniprésence du débitage Levallois, une méthode impliquant la préparation d'une surface d'un nucléus pour le débitage d'un ou de plusieurs éclats prédéterminés. Depuis, de nombreux sites ont montré une spécialisation de la production.
Biface, silex, Paléolithique moyen, collections de l’Etat, DRAC, Hauts-de-France.
© Musée archéologique de l’Oise
Nucléus à lamelle, silex, Mésolithique, collections de l’État, DRAC, Hauts-de-France.
© Musée archéologique de l’Oise
Éclat, grès quartzite, Paléolithique, site de Chevrières, Oise.
© Musée archéologique de l’Oise
Il a existé ainsi dans la région plusieurs techno-complexes distincts (production d’éclats, production de lames et de pointes, façonnage de bifaces) qui relèvent de savoir-faire techniques hérités de traditions culturelles différentes. D’autres pierres comme la craie et le quartz sont également présentées dans l'exposition, comme la craie qui a permis de façonner les Vénus gravettiennes (Paléolithique supérieur), découvertes sur le site d’Amiens-Renancourt. Pour la première fois également sont présentés les outils taillés dans le quartz des carrières de l’Oise, matière moins présente dans le Nord de la France mais utilisée pour ses propriétés esthétiques.
La « Dame d'Amiens » aux cheveux découverte en 2019 à Amiens-Renancourt 1.
© Stéphane Lancelot, Inrap
Vénus d'Amiens Renancourt découverte en 2014
© Stéphane Lancelot, Inrap
Vue générale de la fouille programmée du gisement d’Amiens-Renancourt
Irwin Leullier, Inrap
Une occupation vieille de 650 000 ans à Moulin-Quignon
Avec la découverte en 1863 d’une mandibule humaine associée à des outils en silex taillés par l’Homme et des restes d’animaux disparus, le site dit du Moulin-Quignon sur la haute terrasse de la Somme Abbeville fournit à Jacques Boucher de Perthes des arguments définitifs pour démontrer de « la haute antiquité» de l’Homme, même si la suspicion d'une supercherie a débouché sur le discrédit et l’oubli définitif du site. Or, ce site a été redécouvert en 2016 et a révélé l’industrie préhistorique bifaces la plus ancienne de la vallée de la Somme. Plus de 400 artefacts lithiques, outils et nucléus de toute nature, dont cinq bifaces ont été mis au jour par les archéologues. Cette découverte exceptionnelle fait reculer de plus de 100 000 ans l’âge de la plus ancienne occupation du Nord de la France, faisant remonter la présence de l’Homme dans cette région à - 650 000 ans. La maîtrise de cette technologie de fabrication des bifaces conforte l’hypothèse d’une introduction de celle-ci en provenance du Sud de l’Europe et d’une diffusion rapide vers le Nord puis vers l’Angleterre via notamment la vallée de la Somme.
L'animal
Les os constituent une importante réserve de matériaux utilisés durant toute la Préhistoire, même si on note que les Néandertaliens les ont moins utilisés que les Homo sapiens. A côté des outils en silex, ils constituent une large part des découvertes faites en fouilles. Ainsi, l’os sert non seulement à se nourrir, quand on le fracture pour en extraire la moelle, mais aussi à se chauffer (les archéologues ont retrouvé des foyers constitués d’ossements). L'os peut aussi servir à fabriquer plusieurs petits objets du quotidien (harpons, aiguilles, pointes de sagaies, propulseurs, etc.), qui sont souvent embellis par des gravures mettant justement en scène des animaux.
Le faux de l’abbé Breuil, collection UniLaSalle, Beauvais, ancienne collection de l’institut catholique de Paris.
© Musée archéologique de l’Oise
Un site de boucherie néandertalien à Caours
Découvert en 2005, le site de Caours fournit sur cinq niveaux d’occupation des données uniques et essentielles sur les comportements de subsistance des chasseurs nomades du Paléolithique moyen. Des accumulations osseuses sont constituées de restes de cerf, de daim, de chevreuil, d’auroch et de rhinocéros des prairies, chassés et consommés par les Néandertaliens. Le site de Caours semble avoir joué le rôle de site de boucherie : les animaux abattus à proximité auraient été ramenés sur le site pour la découpe et la consommation du gibier. La représentation anatomique des vestiges osseux montre des différences de proportion qui témoigneraient d’un traitement différentiel du gibier en fonction de la taille des animaux.
Les plus lourds (aurochs, rhinocéros) ont été découpés sur le lieu d’abattage et seules les parties les plus nutritives ont été apportées sur le site. Les espèces plus légères (cerfs, daims, chevreuils…) y ont été amenées entières et toutes les parties du squelette ont été retrouvées. Ces activités à but alimentaire sont mises en évidence par certains fragments osseux portant des traces de découpes à l’aide d’outils de silex. D’autres présentent les stigmates d’une fracture intentionnelle afin d’en récupérer la moelle, très recherchée pour ses qualités nutritives. À proximité immédiate se trouvent de petits postes de taille du silex, où ont été produits les outils lithiques, destinés à la découpe immédiate du gibier. Les activités de débitage ont été réalisées avec des galets de silex prélevés dans les alluvions du Scardon. L’objectif de la taille semble avoir été la production rapide d’éclats pour les activités de boucherie. Les éclats produits sont plutôt courts, certains possèdent un dos de débitage opposé à un bord tranchant, qui a été utilisé brut. Dans le niveau le plus ancien, des zones de combustion ont été identifiées.
Le végétal
Les végétaux étaient également très présents dans la vie quotidienne des Hommes préhistoriques. Le bois par exemple, dont on peut retrouver quelques rares témoignages sur plusieurs sites de la région, servait à façonner des outils et des armes. Il était employé également pour fabriquer des habitats légers, indispensables à la vie nomade des Hommes de cette période, mais aussi pour alimenter les foyers. Pour comprendre les différents environnements dans lesquels évoluaient les Hommes, et surtout interpréter les changements climatiques qui se sont opérés tout au long du Quaternaire, l’étude des pollens est indispensable. Découvert en 2011, le gisement Paléolithique de Waziers (Nord) a ainsi livré des restes organiques dans un excellent état de conservation dont des pollens, des mollusques, des restes fauniques, des insectes et des bois qui permettent de reconstituer finement les paysages et la végétation locale qui poussait durant le dernier Interglaciaire, appelé l’Éémien. Les analyses palynologiques et malacologiques dénombrent plus d’une centaine de taxons d’arbres, d’herbacés et de mollusques mis au jour dans les dépôts organiques de l’ancienne rivière Scarpe. Ils indiquent la présence, il y a environ -140 000 ans, d’une prairie sèche de type arctique, bordée d’arbres pionniers en bosquets clairsemés. À partir de - 130 000 ans, une forêt boréale de bouleaux, de pins et d’ormes se développe, à laquelle succède une chênaie indiquant un climat tempéré, chaud et humide. Une forêt marécageuse s’installe ensuite vers -120 000 ans, composée de noisetiers, aulnes et charmes.
Bloc de tuf avec empreinte de feuille, sédiments, fossiles, Vernou-la-Celle, Seine-et-Marne, Musée de la Préhistoire d’Île-de-France, collection Edmond Doigneau.
©Musée archéologique de l’Oise
Coquillages dans sédiments.
© Nicole Limondin-Lozouet CNRS
Tubes à essai contenant les mollusques et coquillages étudiés sur les sites de Caours et Amiens-Renancourt.
© Musée archéologique de l’Oise
Au-delà des pollens, les analyses des bois et des fruits (glands de chênes, noisettes, etc.) documentent de manière inédite la dynamique climatique et végétale de la région pendant environ 30 000 ans, de - 140 000 ans à - 110 000 ans, passant de la fin de la glaciation à la période tempérée de l’Éémien. Dans ce paysage en constante évolution, quatre occupations de l’Homme de Néandertal ont été retrouvées jusqu’à présent. Elles relatent l’exploitation que Néandertal faisait de ce milieu steppique puis marécageux : un terrain de chasse aux grands herbivores et aux plus petites espèces comme le castor.
Commissariat scientifique : Emilie Goval, préhistorienne, ingénieure d’études au Service régional de l’archéologie des Hauts-de-France
Régie des œuvres : Sandra Legrand et Mélanie Mingotaud, chargées des collections
Scénographie : Mathilde-Marguerite Bardel, Atelier Tilde
Comité scientifique
Inrap : Pascal Depaepe, Laurent Deschodt, Philippe Feray, Jean-Luc Locht, Clément Paris, Annick Thuet, Colette Swinnen, avec l’aide d’Estelle Bultez
CNRS : Nicole Limonlin-Louzet, David Hérisson, Olivier Moine, Pierre Antoine, Patrick Auguste, Marie-Hélène Moncel
SRA, DRAC Hauts-de-France : Luc Vallin, Marina Pagli