Ce 17 janvier 2021, la loi relative à l’archéologie préventive aura 20 ans. Alors que la loi de 1941 sanctuarisait le patrimoine enfoui et pouvait faire obstacle aux travaux d’aménagement et d’infrastructure, celle de 2001, en assurant que ces travaux intègrent en amont la nécessité de détecter, d’étudier et de protéger les vestiges, est à l’origine d’une mise en valeur sans précédent du patrimoine archéologique des territoires.

Dernière modification
26 janvier 2021

Une loi pour les découvertes

Depuis l’adoption de la loi du 17 janvier 2001, chaque année, ce sont environ 700 km2 qui sont aménagés pour construire des routes, des stades, des lotissements, des carrières, des champs d’éolienne en mer, après analyse du risque patrimonial... 8 % de cette superficie sont soumis à un diagnostic archéologique et 2 % font l’objet d’une fouille. Pour un impact marginal sur les projets d’aménagement, les fouilles préventives sont devenues de véritables outils de développement des villes et des territoires. À la différence des fouilles programmées qui, le plus souvent, complètent la documentation sur des sites déjà connus, elles interviennent sur des surfaces où pèse seulement une présomption de découverte archéologique. Elles sont, de ce fait, propices à des découvertes inattendues ou « exceptionnelles ». Pour ne regarder que la période récente, la tombe étrusque à hypogée d’Aléria, les menhirs de Veyre-Monton, la plaque gravée azilienne d’Angoulême ou la nécropole romaine de Narbonne (dont la fouille vient de se terminer) n’auraient sans doute pas vu le jour sans la loi de 2001.
 

Une révolution silencieuse

Derrière l’actualité des découvertes exceptionnelles, s’est déroulée en 25 ans une révolution plus silencieuse qui est la reconnaissance par les scientifiques et par le grand public de la valeur scientifique et culturelle d’une très grande diversité de vestiges archéologiques. La définition du patrimoine archéologique reste inchangée depuis la Convention de La Valette (1992) : « Tous les vestiges, biens et autres traces de l'existence de l'humanité dans le passé, dont la sauvegarde et l'étude permettent de retracer le développement de l'histoire de l'humanité et de sa relation avec l'environnement naturel et dont les principaux moyens d'information sont constitués par des fouilles ou des découvertes ». L’apport de l’archéologie préventive au cours de ces 20 dernières années réside surtout dans la découverte de vestiges qui ont permis de nouvelles lectures, à la fois plus denses et plus fines, des territoires et de l’histoire nationale, de vestiges qui, parce qu’ils sont étudiés et partagés à diverses échelles de public, et notamment auprès des collectivités territoriales, « font » patrimoine.
Le fait le plus saillant est évidemment la sauvegarde par l’étude de milliers de sites gaulois qui sont venus bousculer les stéréotypes qui nous sont transmis depuis Jules César. Toutefois, loin de se cantonner classiquement à l’étude des âges lointains – du Paléolithique à l’Antiquité –, l’archéologie préventive a permis l’essor de nouvelles disciplines comme l’archéologie du Moyen Âge, de l’Époque moderne, de la Première et de la Seconde Guerre mondiale, de l’esclavage colonial… Elle a produit une importante documentation scientifique et des preuves matérielles qui ont permis de découvrir des pans entiers d’une histoire humaine qui avaient été peu racontés : minorités, esclaves, ruralité, vie quotidienne, circulations, échanges, environnement, démographie, santé, handicap…
 

De la fouille au musée

Quelque chose s’est vu changé dans notre rapport au patrimoine archéologique, lequel n’accorde plus seulement de valeur à des architectures solides et monumentales, aux « beaux » objets et « trésors » des élites du passé, mais s’est étendu à tous les artéfacts qui, du moment qu’ils racontent le passé d’une collectivité ou d’un territoire, sont devenus dignes non seulement d’étude, mais de rejoindre les collections des musées. Parmi de nombreux exemples de ces patrimoines archéologiques locaux, une pirogue-vivier du XVIe siècle découverte à l’occasion d’un aménagement sur une berge de la Saône à Lyon, entre aujourd’hui au musée Gadagne après trois ans de restauration dans un atelier régional (ARC-Nucléart). Elle y sera la pièce phare d’un parcours permanent consacré aux rapports tumultueux des Lyonnais avec leurs cours d’eau. Cette histoire, dans sa singularité même, est celle des milliers de vestiges découverts par l’archéologie préventive qui font l’histoire des territoires et alimentent chaque jour leurs musées.

L’Inrap, établissement créé à la suite de la loi du 17 janvier 2001, met en œuvre, grâce à ses 2 200 agents, l’ensemble des missions d’expertises, de rechercher et de valorisation. En 2020, son activité a progressé malgré la crise sanitaire.