Une bergerie au Moyen Âge à Lucy, Moselle

Dernière modification
29 août 2016

La commune de Lucy est localisée dans la zone de transition entre le Pays des Étangs et du Saulnois, au sud, et la haute vallée de la Nied française, au nord-est. Le site de la Grouyotte est établi sur les coteaux est de la commune, à la limite du ban de Chenois, sur la rive droite de la Nied. La fouille de ce site a révélé l'histoire d'une exploitation spécialisée à la fin du Moyen Âge, entre le XIIIe et le XVe siècle.

Une construction isolée

La première phase d'occupation du site est matérialisée par un bâtiment à poteaux plantés dans le sol d'une superficie de près de 30 m². Peut-être s'agissait-il d'une grange ou d'une étable. L'absence de mobilier archéologique ne permet pas de dater précisément cette construction. 

Une maison-bloc en pierre et pans de bois

Au XIIIe siècle, à la construction en bois succède une bâtisse d'une superficie totale de 660 m². Le bâtiment constitue une maison-bloc comme il en existe encore en Lorraine ; il est divisé en trois espaces distincts : le logis au sud, au nord le corps d'exploitation et, à l'est, une petite annexe. Une des particularités de la maison de Lucy réside dans l'absence de corridor de distribution séparant les activités domestiques des activités agricoles : on passe des unes aux autres par une large porte.
L'architecture de l'édifice associe murs en pierre fondés à l'extérieur et pans de bois sur solins de pierres à l'intérieur. À l'exception de l'annexe couverte de bois ou de matériaux périssables, l'ensemble du bâtiment dispose d'une toiture de tuiles. 

Le logis

Le logis, d'une superficie totale de 135 m², est composé d'une pièce centrale et de deux pièces latérales.
La pièce centrale (92 m²) a livré la plupart du mobilier archéologique ; elle correspond à la cuisine, lieu privilégié de la maison lorraine et passage obligé pour atteindre les autres pièces. On y accède depuis l'extérieur par une porte percée dans le mur sud du logis. Le chauffage paraît assuré par un poêle disposé en position centrale dans la pièce, éclairée par au moins une fenêtre. L'emplacement d'une pierre à eau est supposé dans l'angle sud-ouest de la cuisine. Aucune observation archéologique ne permet d'envisager la présence d'un étage. L'absence de cave et de four à pain est à noter.
Les pièces latérales, d'une superficie de 15 à 17 m², constituent des chambres. 

Le corps d'exploitation

Le corps d'exploitation occupe une superficie de plus de 300 m² et ne présente pas de divisons internes caractérisées. Un quadrilatère de près de 55 m² dans l'angle nord-est est assimilable à une zone de stabulation des animaux. La présence d'une porte de grange dans l'axe de la zone de stabulation, au nord de l'annexe, n'est pas exclue. 

L'annexe

L'annexe est située à l'arrière de la maison, dans le prolongement du logis et le long du corps d'exploitation. Elle occupe une superficie totale de 72 m². Au sud, dans le prolongement de la pièce principale du logis, un espace cloisonné pourrait correspondre à un lieu de stockage du bois de chauffe. 

Une bergerie

L'étude archéozoologique du site témoigne d'une activité unique d'élevage de moutons. Le cheptel serait composé de deux types de moutons, les uns relativement petits correspondant à des races laitières, les autres, plus grands, correspondant à des races à viande et laine.
La bergerie de Lucy apparaît comme un lieu autonome d'élevage et d'abattage des animaux, avec consommation de certains animaux sur place. La viande ne semble pas répondre à des attentes commerciales, mais à un approvisionnement plutôt local, à la différence du lait et de ses produits dérivés, de même que la laine. Pour assurer leur alimentation, les habitants de la bergerie de Lucy importent des produits agricoles issus du plateau lorrain : céréales (blé nu pour faire le pain, seigle, orge vêtue et avoine) et légumineuses (lentilles et vesces cultivées).

Réorientation économique et transformation

Les études archéozoologiques ont été conduites sur des restes d'animaux découverts dans un puits. Trente moutons y avaient été jetés, probablement à la suite d'une épidémie ou d'un accident, comme un incendie. Cet événement ayant entraîné la disparition de tout ou partie du cheptel capriné pourrait avoir déclenché une transformation de la bergerie de Lucy au XVe siècle.
Le logis subit en effet à cette époque d'importantes restructurations, la pièce principale étant totalement remaniée et transformée en étable et en fenil. L'architecture de pierres observée sur les murs extérieurs de la maison-bloc laisse place, au moins au niveau de l'ancien logis, à une architecture intégralement basée sur le pan de bois. En outre, un couloir sépare désormais le logis, de taille nettement réduite, du corps d'exploitation.

Ces aménagements résultent vraisemblablement d'une modification des activités agricoles, avec l'apparition de l'élevage de boeufs. Rien ne permet d'établir que l'élevage de caprinés subsiste. Malgré cette réorientation économique, l'occupation de la ferme est de courte durée.

Franck Gérard