Vous êtes ici
Le couvent des Mathurins à Rouen redécouvert par les archéologues (Seine-Maritime)
Dans le cadre d’un projet immobilier, les archéologues de l’Inrap ont mené une fouille préventive sur une surface de 510 m2 au 2 rue de Joyeuse, quartier Saint-Nicaise, au nord-est de la ville de Rouen, entre l’abbaye Saint-Ouen et les boulevards extérieurs de la ville. La fouille a livré des vestiges funéraires et domestiques liés à l’ancien couvent des Mathurins de Rouen.
L'ordre des Mathurins, créé au XIIe siècle, avait pour mission principale le rachat des captifs chrétiens retenus par les Maures. Les Mathurins avaient obtenu l’autorisation de s’installer dans ce secteur peu urbanisé de la ville de Rouen au cours du XVIIe siècle. D’abord établi dans une petite maison, le couvent est ensuite doté d’une chapelle, puis les religieux obtiennent l’autorisation de fonder un hôpital en 1730. Leur présence perdure à Rouen jusqu’en 1792, date de la fermeture du couvent. L’église est finalement détruite au XIXe siècle.
Les sépultures du couvent des Mathurins (XVIIIe siècle)
Les archives mentionnent plusieurs lieux d’inhumation pour ces religieux, qui ont été enterrés dans l’église, dans le cloître, dans la cour et même dans d’autres cimetières de la ville (cimetière de l’église Saint-Nicaise et cimetière Saint-Maur). Les archéologues ont mis au jour 21 sépultures dans l’angle nord-est de la fouille, qui pourraient correspondre à une partie des 28 inhumations recensées à l’intérieur de l’église dans les sources écrites. Les tombes sont proches les unes des autres. Quatre rangées d’inhumations ont été dénombrées, avec quelques recoupements et superpositions de sépultures. Des réductions et des ossements surnuméraires ont été observés dans plusieurs fosses sépulcrales, ce qui laisse supposer que le nombre d’individus découverts sera revu à la hausse lors des études archéo-anthropologiques. Les défunts sont exclusivement des individus adultes. Aucune tombe d’enfant n’a été retrouvée. Les mesures et observations biologiques ont été faites directement sur le terrain en raison du mauvais état de conservation de certains squelettes.

Photographie par drone du secteur funéraire (1er niveau).
© Guillaume Gadebois, Inrap

Photographie par drone du secteur funéraire (2e niveau).
© Guillaume Gadebois, Inrap

Sépultures en cours de fouille.
© Raphaëlle Lefebvre, Inrap
Des pratiques funéraires plutôt classiques
Les pratiques funéraires révélées par la fouille sont homogènes et classiques pour la période moderne. Les inhumations sont toutes primaires et individuelles. Les défunts sont inhumés en position allongée sur le dos, dans des cercueils en bois majoritairement de forme trapézoïdale. La position des membres supérieurs est plus hétérogène : ils sont croisés sur la poitrine, sur le ventre ou sur le bassin. Seule l’orientation des tombes diffère de ce que l’on connait traditionnellement, puisqu’elles sont strictement orientées nord-sud avec la tête indifféremment placée au nord ou au sud. Elles suivent ainsi l’orientation de l’église établie le long de l’impasse des Flandres, dont des restes de fondation ont été partiellement retrouvés lors de la fouille. Le mobilier funéraire, peu abondant, est composé exclusivement d’accessoires vestimentaires (boutons en os, agrafe en alliage cuivreux) ou d’objets de dévotion (crucifix en bois et alliage cuivreux, déposé sur le thorax du défunt).

Sépulture en cercueil de bois trapézoïdal.
© Marion Le Moigne, Inrap

Prise de mesures ostéométriques sur le terrain pour la détermination du sexe en raison d’un mauvais état de conservation des ossements.
© Marion Le Moigne, Inrap

Recoupement de sépultures.
© Marine Drieu, Inrap

Crucifix en bois avec Jésus-Christ en alliage cuivreux.
© Marine Drieu, Inrap

Prélèvement du crucifix en bois.
© Marion Le Moigne, Inrap

Bouton en os.
© Raphaëlle Lefebvre, Inrap
Des vestiges d’habitat d’époque moderne (XVIe-XVIIe siècle)
Des vestiges d’habitation avaient été repérés lors des diagnostics préalables, menés en août 2019 et en mars 2023. Ils ont été dégagés lors de la fouille, faisant apparaître les pièces d’un bâtiment rectangulaire situé entre l’hôpital du XVIIIe siècle et le bâti longeant la rue de Joyeuse. Les murs sont relativement arasés ou manquants mais les sols sont bien conservés. Ils sont pavés de carreaux en terre cuite ou de tomettes hexagonales, parfois les uns superposés aux autres. Une cheminée avec une sole de forme ovalaire équipe la pièce ouest de l’habitat. Cette partie est construite sur une cave voûtée en pierre, dotée de soupiraux, qui a été comblée avec les matériaux issus de la démolition du bâtiment : des briques, des moellons de silex et de calcaire recouverts d’enduits peints en jaune, gris et noir, ainsi que de nombreux carreaux de pavement. Cette construction n’apparaît sur aucun plan mais l’étude d’archives la place au sein d’un tènement (ensemble de maisons qui se tiennent) acquis en 1674, dont deux maisons ont été réhabilitées cinq ans plus tard en réfectoire, cuisine, infirmerie et maison d’hôte. La confrontation des sources historiques et des données archéologiques lors de la phase d’étude à venir permettra ainsi de mieux préciser l’évolution du couvent des Mathurins de Rouen.

Photographie par drone de pièces d’habitation avec sol pavé et vestige d’une cheminée (époque moderne XVIe-XVIIe siècle).
© Guillaume Gadebois, Inrap

Fouille de la cave.
© Raphaëlle Lefebvre, Inrap

Photographie par drone des pièces d’habitation et de la cave entièrement fouillée.
© Guillaume Gadebois, Inrap
Contrôle scientifique : Service régional de l'Archéologie (Drac Normandie)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Raphaëlle Lefebvre, Inrap et Paola Caldéroni, Inrap (responsable du secteur Habitat)