A Guichainville et Le Vieil-Évreux (Eure), le projet couvre une surface de 147 ha. Le diagnostic a porté sur la totalité de cette emprise.

Dernière modification
10 mai 2016

À terme, nous avons ouvert près de 32 km de tranchée au godet de 3 m de large. Une moyenne de deux pelles a été utilisée en permanence. Les premiers sondages archéologiques ont débuté vers le mois de décembre 2001 et ont été scindés en quatre phases.

L'activité de la région Haute-Normandie engendre depuis plus de dix ans un rythme d'opérations d'archéologie préventive soutenu et de toute nature (tracés linéaires, zones pavillonnaires, carrières, villes, etc.). L'ampleur du présent projet fait de cette opération une des plus importantes actuellement de l'Ouest de la France. La nature même des découvertes, au seul stade du diagnostic, présente un intérêt scientifique sans précédent auprès des différents intervenants de l'archéologie régionale et extra-régionale.

Le contexte géomorphologique

L'ensemble du plateau est d'Évreux est recouvert d'une plage limoneuse de 1 m d'épaisseur en moyenne. Elle repose sur des biefs à silex qui forment ainsi de vastes cuvettes où sont conservées des stratigraphies significatives (dolines). De l'industrie préhistorique peut y être découverte. Un talweg, maintenant colmaté, coupe la plaine et notamment le projet d'est en ouest. À la faveur de coupes mécaniques pratiquées dans des fossés, une séquence sédimentaire montre une stratigraphie liée à la dernière période interglaciaire.

Le contexte archéologique

L'extrême richesse archéologique d'Évreux et de ses environs est confirmée après chaque opération de diagnostic et de fouille. Les découvertes anciennes et aériennes sur l'ensemble des plateaux de la localité ébroïcienne posent les jalons d'un paysage archéologique qui se dessine quotidiennement. Les dernières investigations archéologiques proches du présent projet ont porté notamment sur l'usine à incinération du Setom (N. Roudié/Inrap) et sur le tracé de la RN154 (G. Léon/Inrap). Une intense prospection aérienne (Archéo 27) est menée depuis près de quinze ans sur l'ensemble du département de l'Eure et notamment sur le plateau est d'Évreux. Cette prospection révèle chaque année de nouveaux sites et indices de site de toute nature. L'implantation de la ZAC du Long Buisson est à mi-chemin entre la cité antique d'Évreux (Mediolanum) et le sanctuaire du Vieil-Évreux (Gisacum ?).

L'occupation du Paléolithique inférieur et moyen

Les vestiges liés au Paléolithique inférieur et moyen sont principalement liés à de l'industrie lithique. Les sites sont découverts à l'occasion des coupes mécaniques effectuées dans les fossés protohistoriques et/ou antique. L'industrie se singularise par la présence de bifaces, d'éclats de façonnage de bifaces et d'industrie de type Levallois. Il est intéressant de noter la présence d'un éclat brûlé. Cela signifie certainement que des traces autres que celle du débitage (foyer ?) sont partiellement conservées. Si tel était le cas, des datations absolues seraient possibles. Elles apporteraient des informations sans précédent pour la région. Le Paléolithique inférieur est exclusivement connu en Haute-Normandie par des découvertes anciennes faites dans les briqueteries de la région d'Évreux à la fin du XIXe s. et au début du XXe s. Des indices d'occupation structurée du Néolithique ancien et moyen ont été découverts sur l'ensemble du projet. Il est vraisemblable que nous sommes en présence de sites d'habitat de tradition VSG. Des concentrations de mobilier présentent une forte densité d'éclats et de tessons (30 pièces par m2). Les objets apparaissent directement sous la terre végétale dans un limon brun de 10 cm d'épaisseur très peu chargé en charbons de bois. Cet horizon repose sur le toit des limons orangés. Parmi les structures, l'une, de forme ovale, mesure un peu plus de 15 m de long pour une largeur de 3 m. De telles structures sont présentes dans au moins 5 secteurs distincts. Le mobilier est principalement composé de silex taillés parmi lesquels on reconnaît des outils dont plusieurs tranchets. Un fragment de molette en grès ainsi que des tessons de céramique y sont associés. On notera surtout la découverte de demi-anneaux en roche dure (au moins quatre éléments de bracelets en schiste). De petits amas de silex taillés se rencontrent par endroits (absence d'outils et présence uniquement de déchets de taille). Le diagnostic archéologique vient enrichir la liste de sites VSG situés en dehors des grandes vallées alluviales du Bassin parisien. Il faut désormais constater la fréquence en Haute-Normandie, et plus particulièrement dans l'Eure, d'une forte occupation des plateaux à partir de la fin du Néolithique ancien.

Les occupations de la fin de l'âge du Bronze ou du premier âge du Fer

Cette phase est omniprésente sur le site. La Protohistoire ancienne et récente y est très bien représentée. L'âge du Bronze se singularise par la découverte d'enclos circulaires et de bâtiments sur poteaux plantés également circulaires. Nous définissons un minimum de 3 bâtiments de cette nature. De la céramique est présente dans les structures en creux des différents édifices. Des tessons sont de temps en temps découverts dans des horizons bruns (paléosols ?) au gré du décapage des tranchées. Pour l'âge du Fer, on note la présence d'enclos. Une première constatation permet toutefois de remarquer que peu de bâtiments ont été individualisés. Les structures les plus pertinentes sont principalement des fours de grande dimension et des fosses. Des coupes pratiquées dans certains fossés permettent d'observer un comblement stratifié. Elles révèlent que les environs immédiats sont densément occupés par des structures artisanales et/ou domestiques. Les quelques fossés ayant livré du mobilier céramique protohistorique de La Tène D2 présentent, parmi les lots de céramique, des fragments d'amphores tardo-républicaines. Au vu de l'ampleur des cellules parcellaires et de la relative faiblesse en mobilier archéologique de toute nature, les secteurs traversés semblent pour le moment correspondre aux zones liées aux pacages. La proximité du petit espace funéraire (même si rien ne permet de les associer) semble confirmer que les secteurs vitaux des enclos sont localisés légèrement plus à l'est. Il est à signaler qu'un potin de la tribu des Aulerques Eburovices a été mis au jour dans l'un de ces fossés d'enclos. Le fait est extrêmement rare. À la lumière de cette découverte exceptionnelle, nous pouvons envisager que les occupants du site faisaient partie des témoins de la Conquête et de la fondation de l'antique ville de Mediolanum (Évreux).

Le parcellaire protohistorique est présent sur l'ensemble du projet. Plus généralement, nous sommes certains de rencontrer des traces de ces vestiges sur presque tous les plateaux est et ouest d'Évreux. Les trames et les orientations des parcelles évoluent suivant les besoins de la productivité et des pratiques agricoles gauloises. Par conséquent, les plans ainsi dressés sont confus et totalement irréguliers à priori. Le cadre dans lequel s'inscrit Le Long Buisson offre, une fois encore, l'opportunité de répondre en partie à bon nombre de questions sur les parcellaires, leurs origines, leur fonction et leur place dans la société gauloise. Les fouilles qui auront lieu sur l'assiette du projet détermineront, au regard de l'importance des emprises de l'infrastructure, la dimension moyenne d'une ferme de type indigène sur le plateau est d'Évreux aux époques gauloises.

En ce qui concerne les nécropoles à incinérations et inhumations, trois petites nécropoles regroupent 6 et 8 sépultures à incinérations. Un rassemblement de fosses oblongues suggère la présence d'inhumations. Les tombes apparaissent directement dans un limon brun situé à la base de la terre végétale. Chaque sépulture regroupe au minimum un vase et un objet métallique. Les vases sont essentiellement représentés par des fragments de fonds. Une poignée d'ossements brûlés (valeur symbolique) est systématiquement présente dans ces récipients.

Les occupations gallo-romaines

Un vaste domaine agricole complet de type villa d'époque gallo-romaine est l'une des découvertes majeures du site. La villa présente tous les attributs d'un domaine puissant, avec sa domus et ses bâtiments annexes (laraire ?, balnéaire ?, granges, remises, etc.). Le domaine est complété par un réseau parcellaire et par des axes de circulation qui sillonnent la campagne gallo-romaine. La villa est desservie par un chemin qui passe à l'ouest du site agricole en prenant soin d'éviter la propriété. Il est suivi sur près d'un kilomètre et orienté N-E/S-O. De petits chemins de traverse longent le domaine au sud. Topographiquement, la villa s'implante sur la marge sud d'un talweg totalement colmaté. Cette situation découle de la configuration du lieu : une plaine évoluant très doucement vers le sud-est en se soulevant progressivement. Ainsi, l'implantation et le fonctionnement des bâtiments ont créé des microreliefs de plusieurs centaines de mètres carrés perceptibles sur le terrain. Ce phénomène est lié à l'accumulation des matériaux de démolition et de rejet. Les extérieurs de la villa (les cellules parcellaires) présentent une stratigraphie classique pour le plateau d'Évreux (plages limoneuses). Au sein de la domus, la stratigraphie est plus complexe, notamment dans le périmètre des bâtiments. Des niveaux fortement anthropisés contiennent une grande quantité de matériaux de démolition (tegulae, imbreces, etc.). La fouille de ces horizons permet, dans certains cas, d'y déterminer des aménagements sous la forme de bâtiments sur poteaux (des IVe et Ve s.). Un second ensemble de bâtiments est identifié environ 400 m au sud de la villa. Ils regroupent un mobilier similaire. Une cave est présente dans ces infrastructures.