Découverte par l'Inrap en 2015 en Champagne, près de Troyes, la tombe de Lavau constitue avec la tombe de Vix, l’une des plus importantes découvertes archéologiques réalisées en France et l'une des plus impressionnantes manifestations de la puissance des principautés celtiques qui se sont développées du VIIe au Ve siècle avant J.-C. Au coeur d'une nécropole occupée depuis l’âge du Bronze, un tumulus d'une quarantaine de mètres de diamètre accueillait la chambre funéraire d’un personnage de très haut rang, décédé au milieu du Ve siècle avant notre ère. Cette découverte marque le début d'une grande aventure scientifique menée par l'Inrap et le C2RMF, racontée dans Enquête sur la tombe du dernier prince celte (Gédéon) diffusé le 7 juin sur Arte. 10 ans après, les restaurations s’achèvent : où en sont les recherches ?

Dernière modification
05 juin 2025

Un programme de recherches ambitieux pour une découverte unique

Unique par ses dimensions et son architecture, le monument de la tombe de Lavau est composé d’un vaste enclos quadrangulaire, d’un portique monumental donnant accès à la tombe par une rampe, le dispositif étant scellé par un tumulus.

Depuis 10 ans, l'Inrap et le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF), ainsi que de nombreux chercheurs et institutions mènent leur enquête sur ce vaste complexe funéraire celte, sa chambre princière et son riche mobilier mis au jour dans un état de conservation exceptionnel. L'examen des éléments de parure, des accessoires vestimentaires et des pièces du char, a notamment permis de dater cette sépulture du tout début du second âge du Fer (à La Tène A1), soit à peine quelques décennies après celle de Vix en Bourgogne. Autour de la Petite Seine, Lavau comme Vix apparaissent comme les pôles dominants de territoires organisés, de petits « états émergents » préfigurant les cités gauloises des siècles suivants.

Sous la direction de Bastien Dubuis (Inrap), un premier volume de la monographie du site, consacré au Complexe funéraire monumental de Lavau (Gallia, 2024) montre de quelle façon la sépulture de Lavau offre de nouvelles clefs de lecture de la société celtique du Ve siècle avant notre ère, à l’instant où celle-ci, une génération après la Dame de Vix,  bascule d’un âge à l’autre à travers la soudaine disparition des princes et des premières villes, le retour à une société fragmentée en de multiples chefferies.

Un univers à explorer : la tombe et son mobilier

La découverte en 2015 de Lavau constituait une occasion unique pour l’archéologie moderne de renouveler les connaissances sur le phénomène princier. Le tropisme des élites celtiques vers la culture méditerranéenne (grecque et étrusque) se traduit ainsi par les objets historiés importés ou inspirés du monde transalpin notamment les dieux barbus ornant l’œnochoé (Dionysos) et le chaudron (Achéloos), la consommation « civilisée » d’un vin rouge aromatisé (dont les traces ont été retrouvées dans le chaudron) et la pratique du banquet méditerranéen (symposium).

La mixité culturelle de plusieurs objets précieux (en particulier l'oenochoé attique à figures noires mettant en scène Dionysos améliorée ou augmentée par un décor en tôle d'or filigranée et un pied en argent et en or), semble être le fruit d’un artisanat de cour très raffiné mêlant techniques et répertoires stylistiques celtiques et méditerranéens. La symbolique portée par ces objets, la mise en scène du défunt et de son viatique participent d’un véritable discours : le dernier discours d’un chef.

Qui était ce défunt illustre ?

Qui est donc le défunt ? L’analyse archéogénétique a confirmé le sexe masculin. Âgé d’une trentaine d’années lors de son décès (d'après l'étude cémentochronologique d’une dent), il semble avoir grandi et évolué dans un milieu très favorisé : l’état de sa dentition est exceptionnel. Une fracture de clavicule mal consolidée renvoie toutefois à une possible chute de cheval ou de char.

L’organisation de funérailles, différées, dans le complexe princier, véritable écrin monumental propice à la mise en scène, a dû nécessiter un traitement du corps digne de son statut. Ses contemporains, dans le monde grec ou en Égypte, maitrisent la momification et l’embaumement : ici, la multiplication des prélèvements, notamment à l’emplacement de l’abdomen, indique l’absence d’intestins et suggère une éviscération. Allongé dans son char sur une jonchée d’herbes odoriférantes et fongicides, il a ainsi pu recevoir les hommages d’une assemblée réunie pour l’honorer. Les archéologues s’interrogent désormais sur son statut réel : plus qu’un « prince », ne pourrait-il s’agit d’un roi ?

Un chantier de conservation-restauration de 10 ans au C2RMF

Une grande partie du mobilier, propriété de la commune de Lavau et de l’État, a été confié au Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) par le ministère de la Culture pour des travaux d’analyses scientifiques et de conservation-restauration, en vue de son exposition au musée d’art moderne de Troyes en janvier 2026 et dans un futur ouvrage.

Plusieurs spécialités du C2RMF ont été mobilisées comme les arts du feu (céramique et verre), notamment pour la restauration d’une magnifique bouteille cannelée brisée en 68 fragments. Un très important travail de conservation-restauration, financé par l’État et la ville de Troyes, dont le suivi a été confié au C2RMF, est effectué par le groupement de conservateurs-restaurateurs spécialisé en métal piloté par Renaud Bernadet, au sein des ateliers du C2RMF, et avec l’accompagnement scientifique et technique de la filière Archéologie-Ethnographie du département Restauration.

La plate-forme analytique du C2RMF permet d’obtenir des informations sur la nature des matériaux (composition précise du torque en or contenant également des traces d’argent et de cuivre, par exemple), ainsi que sur leur structure, le mode d’assemblage, et les décors, grâce notamment à la radiographie et tomographie.


Les résultats obtenus par les chercheurs du centre contribuent ainsi à apporter des éléments de réponse sur les processus technologiques mis en jeu lors de la fabrication des objets – les traces d’outils et d’usure observés sur les bijoux, l’identification de brai de bouleau utilisé comme adhésif pour l'application de tôles d'or et d’argent sur l’œnochoé ou encore, la provenance des argiles de la bouteille cannelée par exemple.
La caractérisation de la boisson fermentée contenue dans plusieurs récipients permet, quant à elle, d’en savoir plus sur les pratiques funéraires et sur les fonctions du mobilier. Les examens radiographiques pratiqués sont également importants pour déterminer le niveau de dégradation des objets, afin d’orienter les opérations de restauration et aider à définir les protocoles de conservation-restauration.

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Détail du chaudron (tête d'Acheloos) après restauration au C2RMF.

© E. Millet, Inrap

Les équipes du département Conservation préventive, en collaboration avec la filière Archéologie-Ethnographie, sont chargées de garantir la conservation du mobilier tout au long des opérations qui se déroulent au C2RMF par un contrôle régulier et des modes de conditionnements optimisés par type de matériaux. Le centre conseille également la ville de Troyes pour la conservation des objets pour les générations futures et leur présentation au public. La très grande quantité de données collectées est archivée et sera accessible à la communauté de chercheurs et professionnels des musées tout comme au grand public.

La présentation des résultats au public

Affiche Lavau

Lavau est le sujet du documentaire « Enquête sur la tombe du dernier prince Celte » diffusé sur Arte à l’occasion des Journées européennes de l’archéologie, samedi 14 juin.
Dans ce « very cold case », les archéologues de l'Inrap et les spécialistes du C2RMF déchiffrent pas à pas les énigmes de la tombe du dernier des princes celtes identifiés à ce jour. 

Voir la présentation du documentaire sur Arte TV