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Mars-la-Tour à travers les âges (Meurthe-et-Moselle)
À Mars-la-Tour, l'Inrap a mené sa cinquième fouille en cœur de village et apporte de nombreuses informations, tant sur la nature du site antique, que sur l’évolution de cette bourgade rurale à travers les siècles.
Historique de la recherche
Le potentiel archéologique présent sous le tissu urbain de Mars-la-Tour a été mis en évidence il y a une vingtaine d’années, notamment les vestiges relatifs à la période gallo-romaine. Des travaux universitaires qui ont exploité les rares sources anciennes et surtout les données de prospection (Viller 2002 et 2003), ont abouti à la mise en évidence d’une agglomération secondaire jusqu’alors insoupçonnée. Le site est désormais estimé, au bas mot, à une vingtaine d’hectares de superficie et, bien que situé à l’écart de la voie consulaire, il pourrait correspondre à l’une des stations routières mentionnées sur l’Itinéraire d’Antonin.
Le projet immobilier projeté rue du Clos Friaque s’inscrit à l’emplacement d’une dent-creuse d’une surface réduite (115 m2), dont la sensibilité archéologique découle de son implantation en cœur de village.
Les grandes lignes de l’occupation
À la base de la séquence, les niveaux gaulois ont été reconnus. Ils s’ouvrent dans un paléosol d’une dizaine de centimètres d’épaisseur. Le comblement d’un large et profond fossé (1,40 m de large et 0,75 m de profondeur conservée) a livré un corpus très homogène de céramiques fines et grossières, mais aussi de faune, dont des restes de bovidés. Une dizaine de négatifs de poteaux, sans plan apparent, renvoient aux édifices de ces primo occupants.
La phase antique précoce est marquée par la présence de deux poteaux très volumineux. Les fantômes, aux profils inclinés, sont associés à une technique architecturale spécifique, celle d’une fondation-châssis fréquemment rencontrée en Lorraine entre la fin de la période gauloise et le début de l’Antiquité. Une série d’autres poteaux, de plus petits modules, témoignent des changements architecturaux opérés dans le courant des premiers et seconds siècles. Des foyers, partiellement conservés, semblent être associés à cette phase sans que l'on puisse pour autant en préciser la fonction domestique ou artisanale.
Les premières constructions maçonnées pourraient intervenir entre le second et le troisième siècle ap. J.-C. Deux grands murs de façades ont pu être identifiés, dont un pourvu de deux partitions internes. Les moellons ont été systématiquement récupérés, ne subsistent que les fondations. Les niveaux de remblais associés ont livré des matériaux variés et révélateurs de changements dans le style de vie des occupants. C’est le cas des éléments d’hypocaustes (pilettes, fragments de suspensuras et de tubulis), que l’on retrouve également en remploi dans les structures médiévales, des fragments de dalles de calcaire sciées, des enduits peints ou encore d’un morceau de colonne en calcaire blanc. De petits ustensiles de la vie quotidienne sont associés à ces niveaux, comme des épingles en os, des monnaies, ainsi qu’une petite lampe à huile et un socle en calcaire témoignant de pratiques funéraires ou cultuelles.
L’Antiquité tardive est présente à travers les corpus céramique et monétaire, mais les vestiges légers se confondent avec les aménagements plus récents. Il en est de même pour la phase mérovingienne, non perçue à l’échelle de cette opération mais dont de nombreuses traces, tant funéraires (tombes des VIe-VIIe s.) que domestiques (cabanes excavées) ont été mises au jour sur les fouilles des parcelles voisines.
Dès lors, ce sont les aménagements de l’époque carolingienne qui sont les mieux perçus, au travers de volumineux poteaux ainsi qu’une série de structures mal conservées mais pouvant être interprétées comme des fonds de silos. De tels aménagements étaient présents sur la fouille réalisée rue des Écoles pour la phase attribuée aux VIIIe – IXe s. Le mobilier céramique associé est typique de la période et consiste en pots à oreilles de suspension ornés de décors ondés.
Par la suite, l’espace est occupé par trois caves-celliers, mais aucune trace d’édifices sus-jacents n’a été perçue. Ces structures de stockage, de petits volumes (entre 4 et 6 m2) sont creusées en pleine terre. Peut-être leurs parois étaient-elles élaborées au moyen de planches empilées ? Leur remplissage, très homogène, s’est révélé bien pauvre en mobilier, mais quelques tessons de céramique de type Chaillon sont caractéristiques du Moyen Âge central (Xe au XIIe s.).
La fouille de la rue des Écoles avait livré, pour le XIIIe-XIVe s., le plan partiel d’une maison à travées équipée de foyers. Les murs découverts en 2022 révèlent une évolution du bâti somme toute différente pour ce qui est du cœur d’îlot. Les phases de réaménagement paraissent s’y succéder avec des reprises en sous-œuvre, des extensions et la partition des volumes initiaux.
La présence d’un foyer, dont la sole est soigneusement agencée au moyens de petits fragments de tuiles canal disposées de chant, plaide en faveur d’une pièce à vivre pour la phase comprise entre le XIIIe et le XIVe s. Les sols en terre battue qui le recouvrent indiqueraient quant à eux un changement de fonction (une remise ?) s’opérant vraisemblablement dans le courant de l’époque moderne.
La parcelle accueille, à une date plus récente, un état de construction dont nous ne saisissons pas encore tout l’historique. Les derniers occupants y ont laissé un tas de déchets qui participent au comblement du puits dans les années 70. Pour des raisons obscures, l’édifice fût rasé et la parcelle resta en friche des décennies durant.
Perspectives de recherche
Cette opération est riche d’enseignements. Elle permet, d’ores et déjà, d’apprécier l’état de conservation des vestiges sous le bâti existant. Les études céramiques à venir, tout comme les datations radiocarbones, permettront de préciser le phasage des vestiges. Ces nouvelles données alimentent la réflexion portant sur l’agglomération secondaire antique et plus largement sur la topographie urbaine de Mars-la-Tour à travers les âges. Elles pourraient alimenter un projet collectif de recherche couplant des campagnes de prospections géophysiques et le traitement de toute la donnée (fouilles, diagnostics, prospections, traces archivistiques) dans le cadre d’un système d’information géographique.
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Grand-Est)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Sébastien Viller, Inrap