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Prieuré de la Madeleine - pont de l'Europe
A Orléans, Loiret, la construction du Pont de l'Europe, à l'ouest d'Orléans, a suscité plusieurs interventions archéologiques entre 1998 et 2007 sur la rive nord de la Loire.
Chronique de site
Date de publication
19 mai 2010
Dernière modification
18 mai 2016
Les résultats de ces opérations ont permis de mieux appréhender l'occupation humaine dans cette zone périphérique de la commune.
Une voie antique
Jusqu'au VIIIe siècle de notre ère, l'activité reste quasiment absente sur ces parcelles situées sur le rebord nord du plateau dominant le lit majeur de la Loire. Seule une voie antique bordée de champs cultivés semble définir le paysage de ce secteur. Aucune trace d'urbanisation n'a été reconnue.
Plan de localisation de la fouille.
Prieuré de la Madeleine, Pont de l'Europe, Orléans (Loiret), 1998-2007.
© Hervé Herment, Inrap
Fouille de 2006-2007.
Exploration des inhumations du Xe-XIIe siècle.
Prieuré de la Madeleine, Pont de l'Europe, Orléans (Loiret), 1998-2007.
© Christophe Bours, Inrap
Plan du prieuré entre la seconde moitié du XVe siècle et le XVIe siècle.
Prieuré de la Madeleine, Pont de l'Europe, Orléans (Loiret), 1998-2007.
© Béatrice Marsollier, Inrap
L'établissement religieux du haut Moyen Âge
Ce n'est qu'à partir du IXe siècle que la première occupation humaine est décelable dans cet environnement rural situé à 2 km des murailles de la ville. Elle se caractérise par la présence d'un important enclos reconnu sur trois côtés. Ouvert vers l'est, il regroupe un grand nombre de fosses, de trous de poteaux et quelques petits bâtiments excavés. La population occupant les lieux constitue certainement une modeste communauté monastique.
Dans le courant du Xe siècle, les lieux connaissent des modifications et les structures antérieures sont abandonnées. Dans la partie orientale du site, quelques inhumations en cercueil non cloué ont été mises au jour ; elles semblent être disposées autour d'un éventuel lieu de culte. C'est probablement vers le milieu du Xe siècle qu'est érigée à cet endroit une église en pierre, dont la première mention connue dans les textes date de 1025. Quelques bâtiments environnants ont également été retrouvés.
Le grand cimetière des étrangers
À la même époque, la moitié nord-ouest du site est occupée par un vaste espace funéraire limité au sud par un fossé, à l'ouest par une palissade et, au nord, par un axe de circulation, persistance de la voie antique. Les inhumations sont estimées, sur la surface explorée, à au moins 4 000 à 5 000 entre le Xe et le début du XIIe siècle.
La fonction des lieux est précisée dans un texte du début du XIe siècle : il révèle la présence d'une structure hospitalière, à vocation d'accueil, tournée vers l'assistance et l'hospitalité des voyageurs et personnes de passage et de condition modeste. L'espace funéraire attenant à l'établissement correspond sans doute au cimetière des étrangers, défunts non orléanais ou pauvres n'ayant pas les moyens (ou le droit) de se faire inhumer dans les cimetières intra muros.
Le prieuré fontevriste
À partir de 1113, l'évêque d'Orléans cède les lieux à Robert d'Arbrissel, fondateur de l'ordre de Fontevraud, afin que ce dernier y établisse un important prieuré. La règle de Fontevraud a cette particularité de permettre l'accueil d'hommes et de femmes dans un même établissement, placé sous le contrôle d'une religieuse.
La structure hospitalière est reprise par les moniales, qui effectuent plusieurs réaménagements et reconstructions jusqu'à la fin du XIIIe ou le début du XIVe siècle pour accueillir plus de soeurs. L'espace du prieuré est clairement séparé, avec des bâtiments réservés aux hommes au nord de l'église, et les bâtiments des moniales au sud.
À partir du XIVe siècle, l'église est reconstruite, tandis que les bâtiments conventuels dévolus aux religieuses sont distribués autour d'un cloître.
Destructions, reconstructions et apogée
En 1428, le siège d'Orléans par les Anglais entraîne la ruine et l'abandon de l'établissement monastique. La reconstruction débute vers 1460 grâce à l'abbesse Marie de Bretagne, qui rédige en ces lieux la réforme de la règle fontevriste. Décédée en 1477, elle est inhumée à l'intérieur de l'église dans un cercueil de plomb armorié, retrouvé en 1999.
Cette période est une des plus brillantes du prieuré, car c'est à partir de lui que la réforme de l'ordre se diffuse dans les autres monastères.
Le prieuré subit de nouvelles destructions lors des troubles huguenots (protestants) entre 1562 et 1568, et les religieuses désertent les lieux jusqu'en 1597. L'ultime reconstruction débute vers 1604 et s'achève en 1623, mais l'organisation des bâtiments ne diffère que très peu de celle de la période précédente.
La laïcisation à la période contemporaine
En 1792, la communauté religieuse est expulsée et le prieuré vendu comme Bien National. Son démantèlement définitif intervient entre 1799 et 1805.
Au début du XIXe siècle, les lieux sont revendus à des entrepreneurs locaux avant de devenir la propriété privée de la famille de Vauzelles. Cette dernière établit sa demeure dans un des rares bâtiments non détruits de l'établissement monastique. En 1870, Ludovic de Vauzelles mène une campagne de fouille permettant de retrouver le choeur de l'église utilisée entre le XIVe et le XVIIIe siècle.
Durant le XXe siècle, après une revente, une scierie est établie sur les lieux, avant d'accueillir un supermarché dans les années 1980.
Philippe Blanchard