Une fouille de l'Inrap à Die (Drôme) a délivré une authepsa en alliage cuivreux, un objet luxueux et rarissime du monde romain, à découvrir alors que s'est ouverte l'exposition Pompéi au Grand Palais.

Dernière modification
20 août 2020

Dans le cadre du réaménagement des abords de la cathédrale de Die, une fouille archéologique, place de la République, a été réalisée par une équipe de l’Inrap. Les niveaux antiques, très profonds, n’ont été abordés que localement dans une future fosse de plantation d’arbre. L’angle d’une pièce d’un bâtiment construit dans la deuxième moitié du Ier siècle de notre ère et détruit par un incendie à la fin du IIe siècle a été mis au jour. Fouillée sur seulement 3,7 m2, cette pièce a livré un important décor peint, ainsi qu’une authepsa en alliage cuivreux. 

L'authepsa de Die

Le récipient présente une hauteur totale de 470 mm. Il est composé de deux compartiments distincts, un réservoir/déversoir destiné à contenir un liquide (B) au centre duquel est située une chambre de chauffe (A), que l’on alimente à l’aide de charbons de bois à travers un trou de 50 mm de diamètre situé latéralement dans la panse. Le cou est terminé par un bec verseur et l’anse qui est coulée, a été soudée à la panse par un mélange de plomb et d’étain.

Dessin de l'authepsa.

Dessin de l'authepsa.

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Dessin et DAO Pierre Rigaud, Inrap


Elle est ornée d’une série de cannelures verticales et d’un décor représentant probablement un chien de garde couché, le museau posé sur les pattes avant. Le réservoir, d’une capacité d’environ quatre litres, est fabriqué d’une seule pièce et présente une paroi très mince (2 mm). L’extrémité haute de la chambre de chauffe est soudée à la panse au niveau de l’orifice latéral. L’ouverture basse est obstruée par une demie sphère en alliage cuivreux perforée d’un trou central de 35 mm de diamètre et maintenue par deux tiges en fer transversales (5 mm de section) perforant le socle de l’authepsa. Cette demi-sphère est destinée à retenir les charbons et laisser s’écouler les cendres. Le socle (C) comporte également deux petites ouvertures carrées, de 8 mm de côté, probablement utilisés comme évents.


FonctionS des authepsae

Ces récipients en alliage cuivreux ou en argent destinés à chauffer ou maintenir au chaud un liquide sont appelés authepsae par les auteurs antiques, du grec ancien , αuθeψης, authépsês, de αutoς, autos (« auto- ») et eψω, hépsô (« bouillir »). Notre exemplaire correspond, dans la typologie de T. Tomasevic-Buck, aux récipients mobiles en forme de pichet avec bec verseur et poignée, associé à un socle relativement élevé et annulaire (type A2.1.3). 
Ces authepsae contenaient sans doute de l’eau. Elles sont utilisées avant tout pour la toilette personnelle, comme le montre une mosaïque de la fin du IVe-début du Ve siècle, dite de « la grande dame à sa toilette », découverte sur le site des thermes de Sidi Ghrib (Tunisie). Elles pouvaient être transportées pour être utilisées en extérieur, comme l’illustre la mosaïque de la villa Tellaro près de Noto en Sicile (Italie) datée du IVe siècle, représentant un banquet de chasse. L’ajout d’huile essentielle ou d’herbes aromatiques reste possible. La présence d’un tube (pipette ?) formée d’une feuille de bronze enroulée sur elle-même, engagée dans l’orifice du couvercle de l’exemplaire de Chartres, ainsi que l’existence d’un couvercle percé de trous sur l’exemplaire d’Avenches, peuvent aller dans ce sens.
Il est également possible d’envisager l’emploi de l’authepsa pour la préparation du mélange eau et vin.
L’exemplaire diois est le sixième exemplaire connu de ce type (A2) et le deuxième de Gaule. Les cinq autres authepsae proviennent de Chartres (de type A2.1.3), d'Avenches (Suisse, de type A2.1.3), de Pompéi (conservée au musée de Mayence), du Maghreb (musée de Stuttgart et de Szekszárd (Hongrie, Musée national de Budapest).


Un objet de luxe

Aucune datation précise ne peut être avancée pour ce type d’objet puisque seule l’authepsa de Chartres est datée entre le Ier et le IIIe siècle de notre ère. L’étude du décor de l’anse après restauration de l’exemplaire de Die permettra sans doute d’affiner sa chronologie. Le charbon de bois contenu dans la chambre de chauffe a été daté par radiocarbone, entre 130 à 260 de notre ère. Cette fourchette coïncide avec les datations de la phase d’abandon de la fin du IIe siècle, fournies par le mobilier céramique et une monnaie. Nous n’avons ici qu’un terminus ante quem, rien ne permettant de quantifier la durée d’utilisation d’un tel objet. Les authepsae étaient des objet rares et luxueux. Certaines se sont même vendues à des prix démesurés si l’on en croit Cicéron : « Cette authepsa que ces jours derniers, dans une vente, il s’est fait adjuger à si haut prix, que les passants croyaient qu’il s’agissait d’un fonds de terre » (Plaidoyer pour S. Roscius).

Aménagement : Ville de Die
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Auvergne - Rhône-Alpes)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Christine Ronco, Inrap
Étude détaillée de l'authepsa : Marie Gagnol, Inrap