Dans la commune de Mouy, l'Inrap a fouillé en 2018 une partie d'un cimetière fréquenté du milieu du VIIe siècle au milieu du XIIe siècle qui a livré un nombre important de sépultures primaires et de dépôts secondaires. L'étude archéo-anthropologique réalisée depuis dresse un tableau très complet du traitement des morts au sein d'une population dense.

Chronique de site
Dernière modification
09 mars 2021

La réfection de la Place Cantrel, au cœur de la ville de Mouy a été l’occasion pour l'Inrap de découvrir, entre les différents réseaux d’eaux usées et canalisations d’eau potable, 76 sépultures primaires, de nombreux dépôts secondaires et plusieurs éléments de voiries anciennes sur une surface de 144 m2. Cette partie de cimetière est installée sur le versant sud d’un plateau jusqu’aux berges d’un ancien chenal. 

Plusieurs datations absolues réalisées à partir de fragments d’ossements situent la fréquentation du cimetière du milieu du VIIe au milieu du XIIe siècles. Un premier état de voirie est contemporain de la fréquentation du cimetière et les autres se succèdent jusqu’à aujourd’hui. 

Eléments de plusieurs états de voiries

Eléments de plusieurs états de voiries

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Les défunts

L’échantillon de cette population compte 219 individus au minimum soit 171 adultes, 44 enfants ou immatures biologiques et 4 périnataux. Parmi eux, un peu plus de 30 % sont en position primaire. Les très nombreux dépôts en position secondaire sont des vidanges (ossements des défunts précédents prélevés des sépultures et placés en extérieur ou sur la fosse), des réductions (ossements des défunts précédents ôtés de leur emplacement et réunis aux pieds, à la tête ou sur les côtés dans la fosse) ou encore des ossuaires (réunion des os de plusieurs défunts perturbés par la mise en place d’autres sépultures). Ces dépôts témoignent à la fois de réemplois des emplacements sépulcraux et de la forte densité de l’occupation du cimetière. Toutes les classes d’âges à l’exception des enfants en bas âge et les deux sexes sont représentées, soulignant que cette partie du cimetière est accessible à tous, tout au long de sa fréquentation.

Les différentes pathologies examinées montrent des états sanitaires liés au vieillissement de la population comme les états bucco-dentaires et les pathologies dégénératives. Peu de pathologies infectieuses ont été inventoriées, quelques marqueurs d’activités sont présents. Les pathologies traumatiques, dégénératives et les indices de robustesse convergent vers une population dont l’activité sollicite plus particulièrement la partie supérieure du corps de façon répétée.

Les traitements des corps et modes de dépôt 

Avant leur ensevelissement, les corps ont pu être enveloppés dans un linceul comme le soulignent les observations taphonomiques et les quelques épingles en alliage cuivreux découvertes sur ou à proximité immédiate des défunts. D’autres indices montrent que les individus étaient habillés et chaussés. Une unique fibule en alliage cuivreux et ardillon en fer a été mise au jour sur le thorax d’une femme âgée.

Une des épingles en alliage cuivreux

Une des épingles en alliage cuivreux

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Fibule en alliage cuivreux et ardillon en fer

Fibule en alliage cuivreux et ardillon en fer

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Les corps ont été placés dans des fosses ovales, quadrangulaires ou anthropomorphes avec loge céphalique ou encore dans des sarcophages monolithiques en calcaire. L’analyse des matériaux de ces derniers montre une provenance locale. Quelques défunts ont bénéficié d’un coussin en calcaire ou matériaux périssables ou encore d’un fond de fosse surélevé afin de maintenir la position de la tête. La presque totalité des corps se sont décomposées alors que la fosse ou le sarcophage n’étaient pas ou peu comblés, indiquant la fermeture des structures par des couvercles. Certains, en bois, sont assemblés comme le souligne les clous mis au jour. D’autres, en calcaire, sont les couvercles d’origine des sarcophages ou des fragments de ces caveaux réutilisés pour clore la sépulture. Tous les dépôts des défunts sont individuels et à plus de 90% en décubitus, les membres inférieurs en extension. Les variations des positions sont lisibles pour les membres supérieurs et mains. 

L’ensevelissement et la gestion du cimetière

Le nombre de défunts en position secondaire, plus de 60 %, témoigne de l’importance des réemplois d’emplacements sépulcraux, de la volonté d’ensevelir dans le même tombeau sinon à proximité immédiate ou sur un autre défunt. Les tombes réutilisées sont aussi bien des fosses que des sarcophages et ce, tout au long de la fréquentation de cette partie du cimetière. Sur les 144 m2, l’estimation de la densité d’occupation est a minima de presque deux défunts par m2. L’organisation spatiale montre que les sépultures en sarcophage occupent le versant du plateau alors que les fosses sont plus nombreuses dans la partie basse, sur les berges du chenal.

Aménageur :  Mairie de Mouy
Recherche archéologique : Inrap
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac des Hauts-de-France)
Responsable scientifique :  Estelle Pinard