Lors d’un diagnostic archéologique dans le centre de Dijon, près de l’ancienne abbaye Saint-Bénigne, une équipe de l’Inrap a mis au jour un dépôt d’une trentaine de monnaies d’or et d’argent de la seconde moitié du XVe siècle, originaires d'Italie et des états du Saint-Empire. Ce dépôt, d’un grand intérêt numismatique, a les allures d’un catalogue de portraits de tous les grands princes de la fin du Moyen Âge.

Dernière modification
29 mai 2019

Cimetière au IVe siècle de notre ère, le bourg de Saint-Bénigne se fond avec le reste de la ville après le XIIe siècle, englobé par l’enceinte médiévale. C’est dans un habitat en pierres de la fin du XVe ou du début du XVIe siècle que les monnaies ont été trouvées. Le dépôt, malheureusement endommagé par des aménagements du XXe siècle, était probablement enfoui sous un sol de la maison, près d’un mur.

Un dépôt homogène

Le dépôt consiste en une série de 34 monnaies, dont 10 en or, le reste en argent, et un pendentif en or émaillé (vert et blanc). Il était contenu dans une petite boite en bronze dont quelques vestiges subsistent. La plupart des monnaies étaient agglomérées, un encroutement les maintenant ensemble. L’Inrap a fait appel à un laboratoire spécialisé (cream Vienne) pour les décoller et les nettoyer.
Les monnaies présentent une certaine homogénéité. Chronologiquement, leur année d’émission les place dans la deuxième moitié du XVe siècle. La plus ancienne est une monnaie en or du Brabant, émise entre 1432 et 1467. La plus récente est une monnaie en or d’Innocent VIII, Pape de 1484 à 1492. La plupart semblent avoir très peu circulé. La majorité de ces pièces a été émise hors de Bourgogne : s’y côtoient des états du Saint-Empire du sud ou du nord (Brabant, duché de Savoie, Palatinat) et des principautés italiennes (Milan, États pontificaux, Ferrare, Venise…). Une seule pièce du royaume de France a été identifiée (Louis XI). On retrouve une grande proportion de monnaies italiennes (en particulier des testons en argent milanais des Sforza).

Une galerie de portraits

Ce dépôt est d’un grand intérêt numismatique. Certaines monnaies sont connues à très peu d’exemplaires. Elles témoignent souvent, en particulier chez les princes italiens, d’une forte personnalisation de l’iconographie, héritée pour partie des codes de l’Empire romain. Ce « renouveau » iconographique participe des styles de la Renaissance italienne. Il s’agit également souvent de pièces lourdes, de bon aloi, qui montrent la puissance de ces seigneurs et leur volonté d’en faire des monnaies de référence.
Hercule d’Este duc de Ferrare, Galeazzo Maria Sforza duc de Milan, Philippe Ier du Palatinat, le Pape Innocent VIII, Louis XI, le Doge Nicolo Tron, Philippe le Bon duc de Bourgogne… Le dépôt a les allures d’un catalogue des grands princes de la fin du Moyen Âge.

Au miroir du négoce bourguignon

L’ensemble constitue également un précieux témoignage sur la fréquentation du lieu à la fin du XVe siècle. L’origine des monnaies, la relative richesse du lot – peut-être des économies familiales réalisées petit à petit, sur une période d’une quinzaine d’années – renvoient à la sphère sociale marchande, au monde du négoce européen. Les lieux d’émission couvrent des territoires qui jouent un rôle moteur dans le commerce de l’époque ou qui sont en connexion avec le monde bourguignon (Brabant, Italie du Nord…).

Le pendentif associé au dépôt évoque, lui, la sphère privée du couple. Caractéristique des médaillons de mariage de la fin du Moyen Âge, il arbore les monogrammes V et C réunis par une cordelière en or. À l’image des nombreux bijoux reproduits sur les portraits de l’époque, il comprenait sans doute une perle suspendue. Plus modeste que les parures affichées dans les cours princières ou ducales, ce monogramme montre un glissement de l’usage du chiffre depuis la noblesse vers une frange moins prestigieuse de l’aristocratie ou de la bourgeoisie aisée.

Les circonstances précises du dépôt demeurent incertaines, mais cette poignée de monnaies reflète cette fin de siècle à Dijon avec la chute de Charles le Téméraire, l’annexion du duché de Bourgogne, l’arrivée des troupes du roi de France dans les murs de Dijon alors que par-delà les Alpes, se font entendre les bruits des guerres d’Italie.

Aménagement :  CATALPA
Contrôle scientifique :  Service régional de l’archéologie (Drac Bourgogne-Franche-Comté)
Recherche archéologique :  Inrap
Responsable scientifique :  Stéphane Alix, Inrap
Numismate :  Pascal Listrat, Inrap
Spécialiste Instrumentum : Marie-Agnès Widehen, Inrap
Interventions sur le mobilier métallique : cream de Vienne