Si la ville antique de Pont-Sainte-Maxence était supposée depuis longtemps, les interventions d’archéologie préventive, croisées avec l'étude des archives, ont mis en évidence les preuves tangibles de cette période.

Dernière modification
22 août 2022

Les découvertes anciennes

La ville de Pont tire son nom de la martyre Maxence, d’origine écossaise, qui  y aurait vécu au Ve siècle et dont la légende est liée au passage miraculeux de la rivière (trois grosses pierres qu'elle y aurait jetées et formant un gué). Dès 1764, l’abbé Carlier suppose une origine antique à Pont-Sainte-Maxence et évoque la station de Litanobriga (parfois écrite Litanobriva). Il se base alors sur l’Itinéraire d’Antonin, l’agglomération se situant sur l’axe reliant Senlis à Beauvais. Le terme Litanos désigne une zone marécageuse alors que briga indique la hauteur, et briva le pont dans le sens d’un passage au moyen d’un bac ou un ouvrage artificiel. Dans les années 1970-1980, des auteurs reprennent l’hypothèse d’une station routière ou évoquent un vicus (agglomération secondaire) antique.

Au niveau archéologique, les découvertes du XIXe siècle restent assez imprécises. Ainsi, outre le « Mont Calipet » et au-dessus de « la Chapelle Saint-Jean », un trésor monétaire est indiqué « Faubourg Cavillé » près du mur de la ville. Signalons enfin en 1780, dans les jardins du presbytère, une nécropole gallo-romaine et/ou du Haut Moyen Âge qui livre des sarcophages dotés de mobilier datant du Ve siècle.
 

Les données de l’archéologie préventive

Depuis 1999, les interventions préventives sous la forme de sondages et de la fouille rue Cavillé ont fourni des preuves indéniables de cet habitat antique. Outre la fouille présentée, plusieurs tests permettent de mieux comprendre cette occupation. Il est probable qu’un port fluvial existe à proximité de l’Oise (diagnostic 2014). Il se caractériserait par un renfort des berges au moyen de blocs calcaires. La convergence de plusieurs itinéraires en amont de ceux récents pourrait accréditer l’idée d’un ancien passage sur l’Oise. Cet axe se développerait ensuite sur une éminence sableuse, que borderait le mausolée dont la façade ornée serait orientée face à un chenal. L’agglomération se développe sans doute un peu plus en hauteur selon des axes de communications principaux : l’un suit la vallée sur sa rive gauche (cardo ?) et l’autre, perpendiculaire, traverse la vallée, l’axe Senlis/Beauvais (decumanus ?). La trame qui s’organise selon ces axes majeurs n’est pas orthonormée mais s’adapte au relief. Les dates d’occupation sont homogènes puisque situées entre le Ier et le IVe siècle. Cette agglomération se situe donc au croisement des deux voies (fluviale et terrestre). Située en bordure de l’Oise et de ses chenaux, de ruisseaux affluents et de plusieurs sources, le problème hydrique a dû être important à résoudre, soit par des caniveaux et des drains soit par des rehaussements de terrain. Actuellement, aucun élément ne permet de donner un nom à cette agglomération antique.

Occupation urbaine antique de Pont-Sainte-Maxence

La fouille du site de la Rue de Cavillé réalisée en 2017, [préalablement à la construction d’un bâtiment de restauration et d’une cuisine centrale par OGEC Institution Saint-Joseph du Moncel], vient compléter les données archéologiques connues et la vision de que nous avons de cette agglomération antique. Si à ce jour, aucune trace archéologique n’a permis une étude des composantes urbanistiques antiques (trames viaires, quadrillage urbain de l’habitat ,…), la richesse des vestiges mobiliers découverts ainsi que la qualité et le type de construction plaident en faveur d’un habitat potentiellement aisé qui serait le reflet d’un bon état économique de l’implantation gallo-romaine.
Le mobilier céramique recueilli lors de la fouille atteste d’une occupation du site depuis la période augustéenne (-27 av. J.-C.) jusqu’au IVe siècle, date d’abandon du site antique.

Trois techniques de construction ont été mises en évidence sur le site de la Rue de Cavillé. Des bâtiments à la superstructure en bois et aux élévations en torchis : en l’état actuel des données, les vestiges correspondant à l’occupation précoce concernent des trous de poteau, des fosses, des fossés appartenant pour la plupart à l’occupation gallo-romaine précoce.
Des constructions sur solins en pierres sèches : si la technique de construction des élévations est inconnue, de telles fondations ne pouvaient recevoir que des élévations en terre. Aucun élément ne nous permet encore de définir le mode de couverture.
Des bâtiments maçonnés en pierres : plusieurs bâtiments ont été mis au jour et témoignent de la très bonne facture des vestiges édifiés. En moyenne, les murs (et leur fondation) sont très hétérogènes : ils sont composés de graviers, de pierres et blocs de calcaire blanc taillés. Les maçonneries sont en moyenne larges de 69 cm et conservées entre 0,17cm à plus d’1 m de hauteur. D’un point de vue architectural, on distingue plusieurs états de construction avec notamment du réemploi de blocs en opus vitatum pour la majorité des cas observés.

L’alimentation en eau

Une des découvertes significatives de cette opération est la mise au jour de 3 tronçons d’un système hydraulique daté de la période antique, localisés au sud-ouest de l’emprise dans un excellent état de conservation. La mise au jour de ces vestiges est intéressante car il s’agit du mode de construction le plus utilisé pour l’édification des évacuations d’eau et ce à toutes les époques. L’origine et la destination de ces évacuations d’eau ne sont pas identifiées.

La vie quotidienne

Le mobilier céramique mis au jour lors de la fouille de la Rue de Cavillé, incarne dans l’ensemble le rejet détritique domestique d’un quartier d’habitat situé dans la moyenne Vallée de l’Oise. Le répertoire, varié et diversifié, permet d’appréhender de nombreuses influences visibles également par l’observation des pâtes. Celle-ci révèle une multitude d’importations régionales et extrarégionales, dénotant de l’existence d’un marché étendu et détenu par différents centres. En effet, les productions potières des cités alentours semblent avoir complété une grande part de la vaisselle fournie par les ateliers des cités bellovaques, sylvanectes et peut-être meldes. Les importations de longue distance proviennent, pour la céramique fine, des grands centres de production connus : la Graufesenque, Lezoux et des ateliers d’Argonne pour la sigillée, mais également des ateliers rhénans et de Gaule méridionale ; les amphores quant à elles, sont originaires de Bétique, de Narbonnaise et de façon anecdotique d’Italie et de Lyonnaise. Enfin, quelques récipients façonnés dans l’atelier local mis au jour sur le site du Champ Lahyre, composent probablement, les vaisseliers utilisés dès le milieu du IIe siècle, période à laquelle la production aurait débuté.

Monnaies, mobilier en fer et verre découvert lors de la fouille Rue de Cavillé.


 


 

Maîtrise d’ouvrage : OGEC Institution Saint Joseph du Mancel
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Hauts-de-France)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Marie-Caroline Charbonnier, Inrap
Étude du mobilier : Julie Donnadieu, Inrap