Place Fournier, en plein cœur de Limoges, l'Inrap fouille un secteur situé en bordure d’un des pôles urbains médiévaux, entre la grande abbaye Saint-Martial au nord et la chapelle de la Courtine au sud-ouest. Les archéologues renouvellent nos connaissances sur l'organisation de ce quartier important au Moyen Âge, mais peu documenté par les archives. La mise au jour d'un cimetière médiéval vient compléter nos connaissances sur la population de ce secteur.

Dernière modification
04 mars 2021

En plein cœur de Limoges, sur prescription de l’État (Service régional de l’archéologie, Drac Nouvelle-Aquitaine), l'Inrap mène depuis juin 2018 une surveillance archéologique de travaux à l’occasion du projet de réaménagement de la place de la République, ainsi que des voies et places adjacentes. Dans ce cadre, une fouille extensive sur une superficie de 640 m² a été demandée à l’emplacement de la place Fournier, zone dans laquelle des sondages ouverts en 2016 avaient révélé la présence de tombes à seulement 40 centimètres sous la surface des rues et trottoirs.

L'opération archéologique se situe dans une zone cruciale pour la compréhension de l’organisation de la ville médiévale en bordure du pôle urbain du Château, entre la grande abbaye Saint-Martial au nord et la chapelle de la Courtine au sud-ouest. L’abbaye qui s’est progressivement développée autour du tombeau de saint Martial (dont la crypte est accessible et visitable) adjoignait trois églises accolées les unes aux autres (les églises Saint-Pierre et Saint-Benoît et l’abbatiale du Sauveur), ainsi que divers cloîtres bordés de bâtiments conventuels au nord et au sud, et un vaste cimetière. La chapelle de la Courtine se trouvait quant à elle à l’angle des rues Dalesme et de la Courtine, construite au début du Moyen Âge sur les fondations d’un mausolée gallo-romain autour duquel ont déjà été mis au jour de nombreux sarcophages et tombes.

L’abbaye Saint-Martial

La première église Saint-Pierre du Sépulcre s’installe très tôt à proximité du tombeau de Saint-Martial, prenant lui-même place au sein d’une nécropole de la fin de l’Antiquité romaine qui comprenait plusieurs mausolées. Il semble que dès le VIIIe siècle, une autre église, l’abbatiale du Sauveur, est venue s’implanter au sud de la première. Après plusieurs reconstructions, elle se dote à la période romane, d’un vaste chœur à déambulatoire sur lequel s’ouvraient cinq absidioles. Le clocher ce cette église longue d’une centaine de mètres se situait à l’origine à l’emplacement de la rue Jean-Jaurès, au bas de la rue du Clocher. La rue Saint-Martial a été tracée au XIXe siècle au travers de sa nef. L’une de ses absidioles a été dégagée dans l’angle de la nouvelle fouille, venant compléter les observations archéologiques sur le plan et la nature des maçonneries de l’édifice et sur leur évolution dans le temps.

Vestige de l'absidiole de l’abbatiale du Sauveur.

Vestige de l'absidiole de l’abbatiale du Sauveur.

©

Sandrine Renaud, Inrap


Le niveau de circulation attenant à l’abbatiale romane se situait bien plus haut qu'actuellement et les sols associés à la période romane ou postérieurs ont totalement disparu suite à d’importants terrassements sans doute destinés à adoucir le relief topographique. Seuls les fonds de fosses postérieures, telles les tombes, matérialisent cette période. 

Les fossés défensifs médiévaux

Dès le Xe siècle, l’abbaye s’entoure d’une fortification, sans doute un large fossé, qui s’agrandira par la suite pour intégrer la motte vicomtale implantée sur la place de la Motte. Après la construction de la nouvelle enceinte au XIIIe siècle, le fossé primitif a été comblé et abandonné mais la limite conservée pour former l’enclos abbatial. Un mur situé à l’extrémité orientale de la fouille correspond à cette limite. Il semble reposer sur un épais mur d’enceinte plus ancien.
Il s’agit désormais pour les archéologues de bien distinguer les différentes phases de creusement et le nombre des fossés dont la largeur peut atteindre 20 m de large et la profondeur près de 5 m. Deux fossés au moins sont attendus : celui cernant initialement uniquement l’abbaye et un second plus vaste enserrant cette dernière et la motte du vicomte (située place de la Motte).


Les tombes

La principale découverte consiste néanmoins essentiellement en la multitude de sépultures dégagées à très faible profondeur, une particularité qui s'explique par les décaissements réalisés au XVIIIe et au XIXe siècle. Certaines tombes sont « en pleine terre » (l’individu était enterré dans un linceul ou un cercueil de bois disparu), d’autres ont leurs parois doublées d’alignements de pierres. Les plus nombreuses cependant sont aménagées à l’aide de carreaux de terre cuite rouge (briques). Plusieurs spécialistes anthropologues assurent le dégagement soigneux des squelettes, leur observation et leur prélèvement, avant une étude plus poussée des ossements en laboratoire. Cette étude permettra d’obtenir des informations sur la population inhumée, le sexe, l’âge des individus et éventuellement certaines de leurs pathologies.


Les constructions diverses

Deux petits édifices maçonnés de plan carré ont été dégagés, construits dans les remblais des fossés défensifs. Reste à savoir s’ils sont liés à la nécropole ou bien s’ils lui sont antérieurs. Dans les comblements des fossés, un grand four a été également découvert. Destiné à la fabrication d’une cloche, il est bâti à l’aide de pierres de l’abbaye moulurées et peintes de couleurs vives.

De la fouille au laboratoire

La fouille de la place Fournier renouvelle nos connaissances sur l’organisation de ce quartier de Limoges à la période médiévale, les plans les plus précis et les plus anciens dont on dispose remontant au plus tôt à la seconde moitié du XVIIIe siècle. Les sols et les vestiges, après avoir été soigneusement fouillés, sont photographiés au fur et à mesure de la fouille de manière à créer une archive en 3D du site : une photogrammétrie. Les coupes stratigraphiques au sein des structures, mais aussi plus générales, permettent de visualiser les différents niveaux et de comprendre leur superposition et leur organisation. Chacune des structures ou chacun des niveaux est susceptible de livrer du mobilier archéologique (ossement, céramique, éléments métalliques, pierres taillées…) qui est systématiquement prélevé. Ce mobilier, après lavage, sera étudié en laboratoire par les spécialistes. Les anthropologues traiteront des ossements humains, un archéozoologue les ossements animaux et un céramologue la céramique. C’est cette dernière qui fournit les meilleurs éléments de datation, sans exclure quelques datations au radiocarbone sur les ossements pour cerner la date d’inhumation de certains individus.

Aménagement : Ville de Limoges – Direction du développement urbain
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Nouvelle Aquitaine)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Christophe Maniquet, Inrap