Depuis mars 2024, une opération de suivi de travaux a été effectuée dans les rues de Toul, ville antique, médiévale et place forte moderne. Les archéologues de l'Inrap ont pu identifier des vestiges de l’enceinte médiévale, ainsi que la partie centrale de la porte médiévale nord , démolie peu après 1700, ainsi qu'une fosse comblée de terre et de fragments d'une statue équestre en ronde-bosse...

Dernière modification
27 juin 2025

Redécouverte d’une porte médiévale détruite sous Vauban

En fin de chantier (mai 2025), la partie centrale de la porte médiévale nord de la ville a pu être traversée et identifiée. Cette porte dite « La Place » (Portae platae) a été démolie peu après 1700 lors des travaux de fortification exécutés sous Vauban. Ses vestiges sont matérialisés par des murs fortifiés et par un aménagement plus tardif de fausse-braie (mur de soutènement) établie sur son fossé. La partie basse de la porte (cave ou salle basse ?) est comblée par des gravats de démolition et des éléments architecturaux en pierre de taille datables du XVe s.
 

Une rare statue équestre de style Renaissance

Devant cette porte du côté intra-muros, les archéologues ont pu mettre au jour une fosse creusée à plus d’un mètre de profondeur dans la chaussée menant à cet édifice. Elle était comblée de terre et contenait des fragments importants appartenant à une sculpture en ronde-bosse. Celle-ci correspond à une statue équestre brisée, de grande taille et visiblement d’époque Renaissance.

Le cheval est en grande partie conservé, le corps en intégralité, le haut des pattes, l’encolure et la tête, ainsi que le bassin et le haut des cuisses du cavalier assis sur un tapis de selle visible. Cependant, il manque des éléments importants du personnage, notamment la tête et une grande partie de ses membres, ce qui limite son interprétation. Les dimensions du fragment principal sont remarquables : plus d’1,10 m de long et de haut, pour 0,50-0,60 m de large et plus de 500 kg (ensemble tronc du cavalier sur corps du cheval). À l’origine ce groupe équestre devait atteindre environ 1,60 m de hauteur et de longueur. Il est sculpté dans un calcaire blanc coquillier, sans doute originaire du Barrois (Perthois).

Il était placé très probablement à l’origine, dans une niche dominant le porche de la porte de ville dans son état XVe-XVIe s. Lors de la démolition de l’édifice au début du XVIII s., il aurait été mis à bas directement au pied du monument, puis ces fragments enfouis rapidement dans le sol pour les faire disparaître. Le cavalier et sa monture sont représentés suivant un modèle typiquement romain d’un personnage noble, vêtu à l’antique, en tunique et drapé d’un manteau ou chlamyde. On retrouve des comparaisons dans les réalisations statuaires du quattrocento à Naples, Florence, Milan, notamment. Les artistes italiens attirés en France et en Lorraine pour des commandes élitaires y ont importé ces modèles dessinés, inspirés d’œuvres majeures antiques, telle la statue équestre de Marc Aurèle du Capitole romain, ou encore celle moins connue du Regisole de Padoue.

Toul 11

Buste du cavalier drapé, nettoyé, vu de face, avec le remontage de deux fragments de l’épaule.

© Inrap

Le cavalier et sa monture sont représentés suivant un modèle typiquement romain d’un personnage noble, vêtu à l’antique, en tunique et drapé d’un manteau ou chlamyde. On retrouve des comparaisons dans les réalisations statuaires du quattrocento à Naples, Florence, Milan, notamment. Les artistes italiens attirés en France et en Lorraine pour des commandes élitaires y ont importé ces modèles dessinés, inspirés d’œuvres majeures antiques, telle la statue équestre de Marc Aurèle du Capitole romain, ou encore celle moins connue du Regisole de Padoue.

Toul 14

Gravure de la statue équestre du « Regisole » de Padoue (extrait d’une gravure de C. Ferreri, 1832).

© DR

Enquête sur une œuvre d’art

Cette sculpture d’une grande qualité artistique ne peut être confondue avec des œuvres plus précoces de statues équestres royales ou ducales de souverain équipé comme un chevalier combattant, de la fin de l’époque médiévale, - ou des réalisations plus tardives, avec le développement d’un style royal cuirassé à l’antique de la fin du XVIe au XVIIIe s. Le style recherché est celui d’une copie purement inspirée d’une œuvre antique. Elle apparait ici comme une œuvre hautement symbolique, d’un pouvoir aristocratique amateur d’art antique et de la Renaissance italienne importée dans nos régions, surtout durant la première moitié du XVIe s. Un remontage de ses 27 éléments brisés et une analyse stylistique sont en cours. Une acquisition en photogrammétrie 3D sera prochainement réalisée pour faciliter son étude et sa restitution muséographique.

Toul 13

 Proposition de restitution du corps du cheval.

© Inrap

 

Des édiles toulois ?

On cherche par ailleurs à identifier le commanditaire de cette œuvre originale, mais l’absence pour l’heure d’archives ou de récits historiques faisant mention de cette porte et de son décor, ne facilite pas l’étude. Néanmoins plusieurs hypothèses peuvent déjà être proposées : - celle possible du roi de France Henri II, conquérant des Trois Évêchés lorrains en 1552, qui renforça les fortifications de Toul ; - celle peut-être plus probable du Cardinal de Lorraine, Jean III de Lorraine, évêque de Toul, Metz, Verdun durant la première moitié du XVIe s. Grand amateur d’art de la Renaissance, il était l’ami et le diplomate de François Ier auprès de la papauté. Ces éminents personnages sont susceptibles d’avoir offert une telle œuvre, les mettant en valeur en tant qu’édile. Ils ont pu faire bénéficier de cet art renaissant, l’antique ville épiscopale dont l’architecture civile et religieuse rénovée au cours du XVIe s., est encore très présente dans son paysage urbain. 

Aménagement : Mairie de Toul
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Grand-Est)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Jean-Denis Laffite, Inrap