À Rouen, Seine-Maritime, la surface diagnostiquée couvre 1 200 m².

Dernière modification
11 mai 2016

Les sondages ont été menés à l'intérieur d'une parcelle en L, encastrée dans un bâti en élévation qui a fortement conditionné la localisation des sondages ainsi que leur ampleur. Les sondages profonds, nécessaires pour aborder ce secteur près de la Seine, ont largement pâti de ces conditions.

Les sondages ont eu lieu dans un secteur archéologiquement peu connu du Rouen médiéval, dans l'angle sud-ouest de l'enceinte urbaine, près du « Vieux Palais », forteresse construite par les Anglais au XVe siècle, pendant la guerre de Cent ans, au détriment d'une partie de la muraille urbaine dont l'origine remonterait au XIIIe siècle. La persistance de la trame viaire, entre les plans cavaliers modernes et les cadastres napoléonien et actuel, montre l'importance de cette parcelle au pied du château. Les principales interrogations portent sur la présence de fossés ou d'architectures liées à cette forteresse et sur le type d'occupation de cet espace compris à l'intérieur des remparts entre le « Vieux Palais » et le couvent des Jacobins, situé plus au nord sous l'ancien rectorat. Ce dernier secteur a fait l'objet d'une fouille préventive en 1992. Les principales informations de ce site sont la mise en évidence d'une portion de l'enceinte - muraille, tour, logis - reconstruite au XVe siècle.

Les niveaux les plus anciens sont composés de sables et d'argiles hydromorphes, contenant du mobilier céramique de l'Antiquité au bas Moyen Âge ; ils peuvent témoigner de l'existence d'une zone humide liée aux caprices de la Seine et très faiblement occupée.

L'événement majeur semble apparaître au moins au cours du XIIIe siècle avec l'édification d'un mur d'axe nord-sud épais de 2,50 m, et conservé dans la parcelle sur une longueur minimale de 25 m. Deux phases de mur, au moins, sont décelables.

La première est constituée, sur 13 m de long, d'un mur de blocs de craie liés au mortier jaune avec une élévation en moyen appareil. Il prend naissance au nord de la tranchée. La largeur insuffisante de cette dernière ne permet pas de savoir, en cet endroit, si le mur présente un retour vers l'est ou l'ouest, ou une simple interruption de la construction. Une séquence de sols en terre battue, un foyer et des niveaux d'occupation s'appuient contre ce mur. Attribuable par la céramique, au XIIIe siècle, elle permet d'affirmer l'existence de la muraille au moins dès cette époque.

La seconde phase comporte la poursuite, ou la réfection, vers le sud de la portion de muraille, qui présente, dans sa partie méridionale, un retour perpendiculaire vers l'est, conservé sur 3 m de long. L'ensemble, constitué de blocs de craie monolithiques d'environ 1 m3, est lié par un mortier de chaux gris pâle. Les fondations semblent reposer, comme sur la section fouillée en 1992 au Rectorat, sur des pieux de bois. La partie méridionale pourrait présenter l'articulation de la courtine avec une tour. Cette dernière correspond-t-elle à celle figurant sur les plans modernes au nord du « Vieux Palais » ? Les vestiges retrouvés dans cette parcelle sont-ils ceux de la jonction de la forteresse anglaise avec le rempart urbain ?

D'autres maçonneries viennent s'appuyer sur le rempart sur son flanc oriental comme sur son extrémité nord. L'ampleur et la fonction de ces maçonneries ne sont pas connues. Seul le mur s'appuyant contre le flanc oriental de la muraille peut être daté de la fin du Moyen Âge ou du début de l'époque moderne. Tout au nord de la parcelle prend place une fondation maçonnée large d'au moins 2 m, avec les restes d'un parement d'élévation. Ses relations avec la muraille ne sont pas connues. Elle est antérieure à un édifice semi-excavé se prolongeant par une partie en cave. Le mobilier céramique contenu dans les remblais de construction et les remblais de destruction de l'édifice proposent une fourchette de datation pour ce dernier entre le XIIIe et le XVIIe siècle, renvoyant de fait la construction antérieure au cours du bas Moyen Âge.

L'extérieur de l'ensemble de ces constructions ne semble être formellement modifié qu'à la fin du Moyen Âge, ou au début de l'époque moderne. Cette modification apparaît sous la forme de remblais de craie sur lesquels prennent assise des niveaux de sols extérieurs ou de cours, constitués essentiellement d'argile compactée. Sur ces derniers s'appuie un bâtiment maçonné dont la superficie est inconnue. Un premier niveau de terre humique s'installe sur ces couches, immédiatement percé par plusieurs murs. Deux nouvelles phases de remblais de terre noire les oblitèrent pour transformer ces parcelles bâties en jardins, telles qu'elles apparaissent sur le cadastre napoléonien.

Les sondages ont permis de mettre au jour une nouvelle section de la muraille de Rouen, portant ainsi à quatre les portions de l'enceinte urbaine connues par l'archéologie. La datation du XIIIe siècle du fragment conservé dans cette parcelle en fait l'un des segments les plus anciens connus à Rouen pour l'enceinte médiévale. La localisation de ce chantier dans l'angle sud-ouest de la ville médiévale constitue une occasion unique d'aborder la genèse de ce secteur en relation avec la muraille, et aussi son articulation avec la forteresse bâtie au XVe siècle par les Anglais.