Une opération archéologique menée rue Belin à Reims, Marne

Chronique de site
Dernière modification
12 mai 2016

Si la documentation ancienne permettait de pressentir une occupation gallo-romaine dans tout le secteur nord de la ville antique, l'opération archéologique menée rue Belin a livré des informations inédites concernant la présence de structures monumentales dans le quartier des Trois Piliers, où aucune fouille archéologique préventive n'avait encore été menée. 

L'ensemble monumental d'époque séverienne

Une grande salle semi-enterrée, orientée nord-sud, occupe un espace de plus de 700 m2 (7,80 m de large sur plus de 60 m de long). L'épaisseur des murs (1,80 m, à l'ouest, et 1 m, à l'est) trahit une construction imposante. Une suite de 15 pilastres longe le mur oriental, à seulement 0,70 mètre de son parement intérieur. Leur présence, en position asymétrique, ne semble pas liée à la couverture de la salle, qui était munie d'un toit de tuiles.
Le long de l'édifice, du côté est, courait un important égout, sur lequel se greffaient des caniveaux sortant de la salle. À l'ouest, deux murs et un sol en mortier de tuileau correspondent à la forme d'un dallage d'une construction monumentale adjacente. L'édifice, dont la longueur n'a pas été reconnue, borde une esplanade qui s'étendait du côté est ; il devait appartenir à un ensemble plus vaste, se prolongeant vers le sud et vers l'ouest.
Les monnaies et la céramique recueillies situent la construction de cet ensemble monumental durant l'époque sévérienne (193-235).
Peu avant le milieu du IIIe siècle, un incendie a détruit au moins partiellement le bâtiment, dont la toiture, carbonisée, s'est effondrée sur le sol de la salle.

La récupération du bâtiment à la fin du IIIe siècle

Immédiatement après l'incendie, les lieux sont transformés par le creusement de deux puits monumentaux à l'intérieur même de la salle. Profonds de 16 mètres sous le niveau du dallage, ils présentent une section carrée de 1,80 mètre de côté. Leurs parois ont été cuvelées avec des blocs de grand appareil, pris sur les monuments des environs : tambours de colonnes, chapiteaux, corniches, marches d'escaliers. Des stèles d'une nécropole voisine, complètent un ensemble de 400 blocs recueillis.
Une première étude de ces blocs indique qu'une partie d'entre eux provient d'un grand bâtiment richement décoré, probablement un temple.
Un mobilier abondant et varié a été découvert au fond des puits : céramique, objets en bronze, en fer ou en os et 47 monnaies, qui permettent de définir une période d'utilisation très courte des structures, entre 260 et 265.

L'abandon du bâtiment au IVe siècle

L'abandon des puits est suivi d'une phase de récupération des matériaux de construction, qui s'étend sur plus d'un siècle. Cette phase débute vers les années 265-270 avec la récupération de la partie supérieure des cuvelages des puits, très probablement par ou sous le contrôle de militaires, dont la présence est attestée par plusieurs objets qui leur sont attribuables. Ensuite, au moins jusqu'au début du Ve siècle, la récupération affecte les élévations des murs de la grande salle, puis les fondations et les murs de l'égout.

L'époque médiévale

Le secteur en ruines devient ensuite une zone d'inhumation rattachée au gibet de la ville. Seuls quelques individus étaient conservés dans l'emprise de la fouille, car les niveaux supérieurs du chantier avaient été terrassés en amont de l'opération archéologique.

Conclusion

En tout état de cause, les résultats de l'opération menée rue Belin, corrélés aux observations anciennes, permettent de poser les bases d'une réflexion concernant ce secteur de la ville. Les sources proviennent essentiellement des auteurs du XIXe siècle et, bien que les localisations soient imprécises, elles se rapportent généralement à une rue, mais aussi le plus souvent au lieu-dit les « Trois Piliers ». Celui-ci aurait été occupé dès la période gauloise, repérée par des sépultures et de nombreuses monnaies de potin. Le tracé de l'enceinte augustéenne présente une anomalie à cet endroit, certainement à mettre en relation avec une occupation antérieure
 
La présence d'un grand monument de la période gallo-romaine, construit sur une terrasse naturelle, semble incontestable. Plusieurs hypothèses ont été émises par les auteurs du XIXe et du début du XXe siècle, qui y voyaient un vaste ensemble monumental : le palais du gouverneur, une caserne ou une forteresse qui, selon les uns, serait le Capitole et, selon les autres, un palais ou un temple. L'hypothèse d'un temple à proximité du chantier de la rue Belin est étayée par les éléments majeurs mis au jour lors de la dépose des blocs constituant les cuvelages des puits. Grâce à l'étude de l'ensemble de ces blocs d'architecture on a pu dessiner la restitution d'un monument édifié à proximité, probablement un temple dédié à Mercure, d'une hauteur de plus de 20 m.