En amont d’un projet de restauration et de mise en valeur porté par le Syndicat mixte du Grand Site des Îles Sanguinaires et de la pointe de la Parata, une équipe de l’Inrap a réalisé une opération d’archéologie préventive ayant pour objectif de documenter les différents espaces composant la tour dite « di Terra », ainsi que ses abords.

Dernière modification
19 juin 2025

Cette intervention, menée sur prescription de la Drac de Corse, vise à proposer  une lecture la plus complète de cet édifice emblématique : il s’agira ainsi, grâce notamment à l’archéologie du bâti, au travail archivistique, à l’étude paléo-environnementale ou à l’archéo-anthropologie de comprendre les méthodes et étapes de construction, les fonctions des différents espaces, l’articulation pensée par les bâtisseurs avec d’autres structures mais aussi la façon dont le site a été habité à travers les périodes d’occupation.

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En complément de l’étude de la tour, une fouille a été réalisée au niveau de l’isthme pour rechercher un éventuel cimetière marin du XIVe s. 

© Jean-Baptiste Jamin, Inrap

Un site historique remarquable

Édifiée au sommet de la presqu’île de la Parata, cette tour circulaire d’époque génoise, dite « de terre » car reliée au littoral par un isthme, domine la pointe au nord du golfe d’Ajaccio depuis le milieu du XVIe s. Commandée par Accellino Spinola, lieutenant d’Ajaccio, et réalisée par Giacomo Lombardo, chef maçon génois, entre 1550 et 1551, elle était destinée à la protection de la citadelle qui se développe à partir de 1492.

Première tour du golfe, elle sera suivie de celle de Capitello à l’autre bout de la cité, puis de celles construites sur les deux autres îlots – dont celle « di mare », qui la supplantera –, qui appartiennent à une mise en réseau plus tardive de tours tout autour du golfe. Ayant perdu de son importance à partir du XVIIe s., elle retrouvera un usage au XIXe s., qui voit l’installation du télégraphe de Chappe sur son sommet, la transformant en un important relais de communication.

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Vue de la tour bardée d’échaffaudages lors de l’opération archéologique.

© Jean-Baptiste Jamin, Inrap

L’étude d’archéologie du bâti

La structure circulaire de la tourelle de surveillance est ancrée sur une plateforme fortifiée, un rocher de diorite, à partir d’un glacis légèrement incliné, ceint d’un cordon circulaire fait de deux demi-briques.

Le fût, culminant entre 12,50 m et 14 m selon le relief, est couronné d’un parapet sur mâchicoulis en encorbellement bien conservé. Divisée en trois niveaux, la tour comprend une citerne au rez-de-chaussée, et deux étages sous voûte qui témoignent de trois périodes d’intervention. En effet, le décroûtage complet des murs ainsi que l’étude des sols successifs permet d’identifier l’état initial du XVIe s., des réparations datables du milieu du XVIIe s. et une reprise d’ensemble au XIXe s.

La fonction des trois niveaux, distribués par trémie et échelle, est également précisée : au premier étage, une pièce comprenant porte d’accès, canonnière, niche, cheminée et passage voûté vers la citerne avait une double vocation militaire ; le second est une salle de guet avec ses deux fenêtres opposées, l’une dominant et surveillant directement la porte côté terre, l’autre sur le large. La terrasse comprend une sortie de cheminée intégrée dans un merlon, un avaloir avec trop-plein pour la citerne et les vestiges d’un possible télégraphe du début du XXe s.

À la base de la tour, une citerne

La base de la tour accueille une citerne qui n’est accessible que par une étroite ouverture ménagée dans le sol de la salle du premier étage. Il s’agit d’un espace voûté de plan carré de 2 m de côté, construit en briques et soigneusement recouvert d’un enduit qui la maintient encore parfaitement étanche. Le sol est formé de belles dalles de schiste. Elle est alimentée par une conduite en terre cuite intégrée dans l’épaisseur du mur, qui récupère l’eau de pluie sur la plateforme supérieure de la tour.

La Cellule d’intervention sur les structures archéologiques profondes (Cisap) de l’Inrap a réalisé la fouille de cette citerne afin d’étudier les matériaux et objets qui y ont été jetés après son abandon : l’essentiel des éléments mis au jour, qui semblent dater du XIXe s., pourrait notamment provenir du démantèlement des aménagements intérieurs de la tour et des équipements de sa plateforme sommitale

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Une fois les couches de matériaux superposés enlevées, la citerne a révélé un sol composé de dalles de schiste.

© Guillaume Martin, Inrap

 

Une tour et son environnement : l’aménagement défensif de la plateforme et les sépultures de l’isthme

Au-delà de la tour en elle-même, l’opération s’est également intéressée au site sur lequel elle s’implante afin de mettre en évidence les aménagements périphériques. Cela concerne en premier lieu la plateforme qui l’entoure, appréhendée durant le diagnostic de 2019, dont la fouille en cours restitue la complexité initiale.

La fouille des abords, les prospections et l’analyse photo-aérienne permettent ainsi de mettre en évidence des fortifications ceinturant la tour comprenant un chemin, un accès, une tourelle de surveillance et des divisions internes.

Si les recherches doivent encore être approfondies concernant d’éventuels débarcadère et four à chaux, un autre endroit de la presqu’île a concentré l’attention. En effet, sur l’isthme, au début du cheminement de la tour, une sépulture avait été découverte en 2014 lors de la mise en place du chemin dallé.
En 2018, une autre sépulture, mise au jour par l’érosion maritime et les passages répétés des visiteurs, a pu être fouillée et prélevée par un archéo-anthropologue dans le cadre de l’opération de diagnostic. La réalisation d’une datation radiocarbone indique que le corps a été inhumé au XIVe s. En parallèle de l’étude de la tour, une petite zone d’une surface de 50 m2 a donc été prescrite au printemps 2025 afin de vérifier la présence d’autres sépultures éventuellement encore en place. Malheureusement la surface appréhendée s’est révélée exempte de vestiges funéraires.


 

Aménagement : Syndicat mixte du Grand Site des Îles Sanguinaires et de la pointe de la Parata
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Corse)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Astrid Huser, Inrap